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Transmis par : SARAH SCHOLL Actif 20 Jan 2001 – 23:00

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GENÈVE L`arrestation d`un prêtre rwandais travaillant à Genève soulève de multiples questions et crée un certain malaise.<div align= »left »>

L`arrestation du vicaire de Saint-Paul à Genève a fait l`effet d`une bombe en fin de semaine dernière. Pourtant les soupçons pesant sur le prêtre rwandais Emmanuel Rukundo ne datent pas d`hier. Recherché pour génocide et crime de guerre classé depuis 1999 sur la liste des suspects de première catégorie1 et régulièrement dénoncé par divers organismes il a toujours clamé son innocence et continué son travail ecclésiastique. Cette situation soulève de nombreuses questions. De quels moyens dispose l`Eglise catholique pour connaître les personnes qu`elle engage? Y a-t-il eu une volonté de contrecarrer la justice internationale? Et enfin pour les fidèles qui ont partagé avec lui des moments forts de leur vie: baptêmes mariages enterrements quel statut accorder à cette personne et à ses actes?
Le Tribunal de l`ONU attribue à Emmanuel Rukundo ancien aumônier militaire la responsabilité du meurtre de personnes appartenant à l`ethnie tutsie lors du génocide de 1994. «Il aurait appelé à l`extermination de ce groupe et transmis aux militaires des listes de Tutsis permettant ainsi la persécution et le meurtre de ces personnes» relève le Département fédéral de justice et police. Arrêté jeudi dernier Emmanuel Rukundo s`est opposé mardi à son transfert au Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) estimant que celui-ci n`offre pas toutes les garanties d`indépendance nécessaires. La décision du Tribunal fédéral appelé à statuer sur ce recours ne devrait pas être connue avant quelques mois.

DU RWANDA Â GENÈVE
Les accusations semblent pour le moins sérieuses et la question se pose: Comment Emmanuel Rukundo a-t-il été engagé dans une paroisse genevoise? Après le génocide le prêtre quitte le Rwanda pour le Burundi. Puis il se rend à Rome où il poursuit ses études de théologie. Il fait ensuite des stages au sein de l`aumônerie de l`Hôpital cantonal de Genève. Finalement en septembre 1999 il rejoint en qualité de vicaire la paroisse de Saint-Paul à Grange-Canal.
Lorsqu`il s`agit d`engager quelqu`un la procédure de l`Eglise est claire: avant tout on prend l`avis de l`évêque où le prêtre a été ordonné une petite enquête peut s`ajouter à cette consultation. «L`évêque de Kabgayi nous a recommandé Emmanuel Rukundo» assure Nicolas Betticher porte-parole de l`évêché de Fribourg Lausanne et Genève.
Guy Musy un dominicain qui connaît bien le Rwanda pour y avoir vécu près de vingt ans avait participé à l`enquête sur Emmanuel Rukundo. Il avait émis sur lui une opinion favorable. Aujourd`hui parlant de l`implication de l`Eglise dans le génocide il avoue simplement: «A partir de ce que nous vivons ici il est très difficile de se faire une opinion.» Tout en ajoutant «je n`étais pas au Rwanda en 1994 et je ne peux donc pas savoir ce qui s`est passé exactement».
L`événement remet-il en cause les usages de l`institution? «Non réplique le porte-parole cette procédure nous semble prudente et juste. Elle est respectueuse du prêtre et de la communauté qui l`accueille.»

DES SOUPÇONS
Alors que les soupçons devenaient plus forts notamment avec la parution le 22 mars dernier d`une enquête dans L`Hebdo l`Eglise n`a toujours pas pris de mesures spécifiques. Dans un message adressé aux paroissiens elle a même réitéré pleinement sa confiance en Emmanuel Rukundo qualifiant de «rumeur infamante» l`article de l`hebdomadaire.
Mgr Genoud évêque de Fribourg Lausanne et Genève avait tout de même rencontré l`abbé. Celui-ci ayant clamé son innocence l`évêque a décidé de lui faire confiance. «Suspendre quelqu`un à cause de rumeurs c`est agir de manière discriminatoire d`autant plus que son travail donnait satisfaction à tout le monde» avance Nicolas Betticher. Il rappelle aussi que la suspension est une peine considérée comme très lourde dans l`Eglise catholique. Emmanuel Rukundo n`a toutefois pas été nommé par l`évêque. Un signe de prudence selon le porte-parole de l`Eglise. Admettant toutefois que l`abbé avait pouvoirs et responsabilités dans la paroisse.

DANGER
Placé face à deux possibilités «le mettre au vert» ou «continuer avec une certaine prudence» l`évêque a décidé de s`appuyer sur l`adage: le doute profite à l`accusé. Mais si la présomption d`innocence est généralisée que se passe-t-il lorsqu`un prêtre est soupçonné de pédophilie par exemple? «C`est au cas par cas répond Nicolas Betticher. La situation doit être prise très au sérieux. Si les soupçons s`avèrent fondés la personne est suspendue le même jour. Dans le cas présent nous n`avions aucun moyen de trouver des indices.»
Et maintenant? «Nous allons continuer à l`aider spirituellement ici puis son évêque prendra le relais s`il est transféré.» Nicolas Betticher est très clair: l`Eglise n`a pas à se mêler du jugement civil et continuera à apporter un certain soutien au prêtre.
Ces propos sont le reflet du message de l`évêque auxiliaire lu aux messes du week-end dernier pour informer les fidèles de la situation. Après un bref rappel des faits et des choix de l`Eglise le texte conclut: «Quelle que soit l`issue du procès qui aura lieu devant le Tribunal pénal international nous demeurons en communion de prière avec l`abbé Emmanuel et nous souhaitons que le peuple rwandais avec l`aide de la communauté internationale puisse se guérir de l`immense traumatisme dont il a été meurtri à la fin du vingtième siècle.»

SOLIDARITÉ
Après la lecture du texte les paroissiens ont réagi de manières diverses. Guy Musy a qualifié de «globalement bonne» leur réaction. «En général c`était une réaction de solidarité Emmanuel Rukundo était très apprécié.»
Nicolas Betticher admet que les fidèles sont choqués stupéfaits car le prêtre était particulièrement aimé. Et ajoute qu`ils ont apprécié la lettre de l`évêque. Le curé de la paroisse absent pendant quelques jours n`a pu faire part de ses sentiments. Reste que les témoignages des paroissiens transmis par La Tribune de Genève notamment montrent l`incompréhension et le malaise des fidèles face à cette situation: «Si Emmanuel Rukundo avait été enseignant juge ou encore agent de police le moindre doute quant à son intégrité aurait immédiatement entraîné une suspension provisoire» dit l`un d`eux sous couvert d`anonymat.
D`autres questions se posent aussi et l`évêché a déjà reçu un téléphone: «Comment réagir alors que cette personne a baptisé mon enfant?» Pour répondre le porte-parole catholique jongle avec la théologie: «Il est prêtre ordonné ses actes sont valides. Sur le plan canonique tout est en ordre. De plus lors d`un sacrement le prêtre est un outil en réalité c`est le Christ qui agit et il est parfait.»
Et la suite? «Il faut donner le temps à la déclaration de l`évêque auxiliaire» préconise Guy Musy. Nicolas Betticher affirme que si la culpabilité du prêtre devait être prouvée Mgr Farine parlera à nouveau aux fidèles.

1Liste établie en 1999 par le procureur général près la Cour suprême du Rwanda.

 

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Posté par rwandanews.be