(Syfia Grands Lacs/Burundi) L’élection présidentielle de juin prochain au Burundi qui se fait, cette fois-ci, au suffrage universel, suscite la convoitise : 18 candidats se sont inscrits. La plupart veulent surtout tester le poids de leurs partis ou peser dans la balance en cas de second tour. Mais la caution exigée risque d’en éliminer certains avant l’heure.

Dix-huit candidats, essentiellement des chefs de partis politiques, se présentent à l’élection présidentielle du 28 juin prochain au Burundi. Parmi eux, le premier vice-président Yves Sahinguvu, candidat de l’Uprona, l’ancien parti unique ; le chef de l’État, Pierre Nkurunziza désigné comme candidat à sa propre succession, à l’issue du congrès du parti au pouvoir, le CNDD-FDD ; les anciens présidents Jean-Baptiste Bagaza et Domitien Ndayizeye, tout comme Agathon Rwasa, leader des FNL, l’ex-rébellion burundaise fraîchement sortie de la rébellion. De nouveaux partis ont fait aussi leur entrée sur la scène politique et présentent leurs candidats, par exemple le Mouvement pour la solidarité et le développement (MSD) de l’ancien journaliste Alexis Sinduhije, et l’UPD-Zigamibanga, né de la scission avec le CNDD-FDD. « Ces forces montantes risquent de peser lourd dans la balance et laissent présager la possibilité d’un deuxième tour, ce qui ne serait pas pour nous un jeu gagné d’avance », s’inquiète un membre du parti au pouvoir. Dans cette liste figurent aussi trois indépendants et deux femmes.
Ces nombreuses candidatures sont liées au nouveau mode d’élection du président qui se fait désormais au suffrage universel direct. Si personne n’obtient la majorité au premier tour, un second tour oppose les deux candidats arrivés en tête. En 2005, c’étaient les deux chambres du Parlement qui devaient désigner le président et seul le CNDD-FDD qui y avait la majorité a présenté un candidat, l’actuel chef de l’État.

Peser lourd en cas de deuxième tour
Le politologue Siméon Barumwete considère normales ces candidatures multiples, chaque parti visant la conquête du pouvoir. « Cela montre aussi qu’il y a une crise de leadership. L’institution présidentielle s’en trouve désacralisée. À la suite des déceptions accumulées depuis les années 1993, chacun pense pouvoir faire mieux », ajoute-t-il. Cependant, il estime que les « petits partis » ne font ainsi que spéculer pour décrocher des postes dans l’administration.
Selon lui, les résultats des élections communales risquent de changer la donne. « Avec le suffrage universel direct, des partis ont donné des candidats pour ne pas décourager leurs militants. Mais, après la défaite aux communales du 21 mai, certains vont se retirer », estime aussi l’opposant Léonard Nyangoma, leader du CNDD. C’est alors que se feront les négociations sur les alliances, de même qu’après le premier tour des présidentielles. Les tractations ont déjà commencé entre certains partis (les satellites du parti au pouvoir et ceux de l’opposition). Au premier tour, les nombreux candidats testent surtout la popularité de leurs partis.

« Ces candidats qui grouillent comme des fourmis »
Mais les prétendants n’ont plus que dix jours pour remplir les conditions exigées pour que leur candidature soit validée. Pourtant, ils ont déjà commencé leur campagne alors que la CENI, la Commission électorale nationale indépendante, n’a autorisé que celle des communales, du 5 au 19 mai.
Pour être officiellement candidat, il faut pouvoir prouver sa bonne conduite et sa bonne santé et payer une caution de 15 millions de Fbu (plus de 12 000 $), une somme qui n’est pas à la portée de la bourse de certains partis. « Il faut laisser tout le monde tenter sa chance à condition de ne pas se retirer après la date butoir du 24 mai. Et puis, il ne faut pas s’amuser, car la caution ne sera pas restituée aux candidats qui n’auront pas totalisé 5 % des voix au premier tour », prévient Prosper Ntahorwamiye, porte-parole de la CENI. Cette caution était de trois millions de Fbu (2 400 $) en 2005.
Léonard Nyangoma la trouve trop élevée. Elle barre la route aux moins nantis et favorise les partis les plus riches. « Le sérieux d’un candidat ne se mesure pas à la taille de sa poche, sinon le Gabon qui est 40 fois plus riche que le Burundi ne demanderait pas une caution dix fois moins élevée », estime-t-il. « On fait du business politique, juste pour avoir une mangeoire », n’hésite pas à dire un autre candidat de l’opposition qui estime que se présenter est un investissement pour l’avenir puisque, selon lui, le pouvoir politique est la seule voie pour s’enrichir.
Les électeurs, eux, ont du mal à suivre. « Ces candidats qui grouillent comme des fourmis, s’ils savaient combien on est en colère… Nos enfants viennent de cumuler deux mois de vacances forcées à la suite du refus du gouvernement d’accorder des arriérés de salaires aux enseignants. Et puis, nous vivons dans une misère indescriptible », s’emporte une vendeuse de tomates du marché central de Bujumbura. De son côté, Amissi Ciza, coiffeur dans la commune de Buyenzi, va jusqu’à proposer un vote sanction : « On ferait mieux de renvoyer dos à dos ces politiciens qui nous promettent monts et merveilles, mais qui, une fois élus ne reviennent que lors d’autres élections. Savent-ils que depuis les dernières élections de 2005, l’électricité se raréfie et que nos enfants meurent de faim ? »

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Posté par rwandaises.com