Par Christophe Baroni © mai 1995, Nyon, Suisse


 

QUI EST RESPONSABLE DE LA HAINE ENTRE «HUTU»ET «TUSTI» ?

Avant l’arrivée, à la fin du XIX e siècle, des explorateurs et colonisateurs européens, «Tutsi», «Hutu» et «Twa» vivaient en harmonie sous la tutelle du roi, le Mwami. Les mariages interethniques n’étaient pas rares. En fait, au Rwanda, l’ethnie à laquelle on est censé appartenir est celle du père : du point de vue biologique, la notion d’ethnie n’a donc guère de sens ici, d’où les guillemets (par respect pour la langue du Rwanda, le kinyarwanda, je n’impose pas le «s» français au pluriel du nom des ethnies). Les «Tutsi» élevaient le bétail, les «Hutu» cultivaient le sol, les «Twa» (pygmées) étaient artisans ou artistes.

Impressionnés par la haute taille, la finesse des traits et l’intelligence des «Tutsi», les Allemands, présents au Rwanda de 1890 à 1916, virent en eux une «race de seigneurs» et leur inventèrent une origine caucasienne, puisque, selon les préjugés racistes de l’époque, des êtres aussi remarquables ne pouvaient être de souche africaine : c’étaient donc des «Européens noirs». Ils pensèrent, et après eux les colonisateurs belges qui leur succédèrent de 1916 à 1962, que cette «aristocratie tutsi» pourrait les aider à conduire le pays vers le Progrès et à le convertir au christianisme. Certains familles de «Tutsi» (pas toutes, loin de là !) furent donc favorisées par le régime colonial, qui est ainsi responsable du prétendu «conflit ethnique» que voient (ou prétendent voir) dans la tragédie du Rwanda ceux qui ignorent (ou feignent d’ignorer) sa véritable histoire. Avec machiavélisme, les extrémistes «hutu» assoiffés de pouvoir imputeront aux «Tutsi» les injustices du pouvoir colonial des Blancs, administrateurs et missionnaires, et attiseront chez les «Hutu» la haine du «Tutsi» en tant que tel, alors que bien des familles de «Tutsi» étaient elles aussi victimes d’injustices.

En 1957, le «manifeste des Bahutu» dénonce le monopole à la fois politique, économique, social et culturel des « Tutsi » et prétend que ceux-ci seraient venus d’ailleurs et auraient imposé leur domination aux «Hutu». Le parti Parmehutu est soutenu en Belgique par les réseaux de l’Action catholique et par le Parti social chrétien : se targuant de défendre un peuple opprimé, on veut surtout s’opposer aux nationalistes tentés par le socialisme.

En 1959, dans le contexte du processus de décolonisation, le roi Mutara, qui avait noué des contacts avec Patrice Lumumba, Premier ministre du Congo, s’effondre dans les bras du remplaçant de son médecin belge, remplaçant qui vient de lui administrer une piqûre. Les Belges refuseront l’autopsie…

En novembre 1959 éclate la «Toussaint rwandaise». Les cases des «Tutsi» sont incendiées par des «Hutu» qui leur disent : «Il faut partir.» Sur les collines du Rwanda, on sectionne les tendons des «Tutsi», on les «raccourcit» en leur coupant les jambes – et plus tard on regrettera cette «mansuétude» : «On aurait dû les liquider, jusqu’aux enfants. Puisqu’ils sont revenus…» C’est pourquoi, durant le génocide perpétré par les extrémistes «hutu» d’avril à juillet 1994, la Radio des Mille Collines insistera pour que, cette fois-ci, on tue aussi les bébés «tutsi» – ce sera fait consciencieusement.

Des «Tutsi» seront massacrés en 1959, 1961, 1963 (le «Noël rouge»), 1973, et de 1990 jusqu’au génocide de 1994. Dès l’instauration du Hutu Power, appuyé par la Belgique et par la France, il ne s’écoule pas une seule année où des «Tutsi», et aussi des «Hutu» ou des «Twa» épris de vraie démocratie, n’aient été menacés, persécutés, spoliés, torturés, assassinés. Aux dénonciations de ces graves violations des droits de l’homme, les puissances occidentales demeureront sourdes, à cause d’intérêts matériels, géopolitiques et géostratégiques.

 

NON PAS UNE «GUERRE TRIBALE», MAIS UN GÉNOCIDE SOIGNEUSEMENT PREPARÉ

Elimination physique des «Hutu» modérés et génocide perpétré contre les «Tutsi» en tant que «Tutsi» (des vieillards aux bébés, sans oublier les femmes et les jeunes filles, systématiquement violées et si possible contaminées par le virus du sida, le viol ayant servi d’ «arme de guerre ethnique» : cf. le rapport de l’ONU) : ces crimes contre l’humanité commis par des centaines de milliers, voire des millions de «Hutu», obéissant aux ordres de la clique mafieuse (l’Akazu) qui détenait le pouvoir, n’ont rien d’une explosion spontanée de violence, d’une guerre tribale née d’antagonismes ancestraux. Il s’agit d’un GÉNOCIDE (supprimer tous les « Tutsi ») et de l’élimination systématique des opposants («Hutu» modérés), tout cela soigneusement préparé des mois à l’avance. De listes avaient été dressées avec précision par l’administration, les maisons des «ennemis intérieurs» (les «Tutsi») repérées une par une. Les ambassades des puissances occidentales présentes à Kigali le savaient… Le Vatican le savait… On tuait déjà plusieurs heures avant l’attentat du 6 avril 94, 20 h 23, qui abattit l’avion où se trouvaient les présidents du Rwanda et du Burundi : cet attentat était le signal qu’attendait le Hutu Power, qui avait «préparé l’apocalypse», selon l’expression du «cerveau du génocide», le colonel Théoneste Bagosora. Et les autorités françaises fournirent au Hutu Power une aide aussi efficace que discrète.

 

L’OPÉRATION INSECTICIDE

L’opération insecticide est «une opération militaire organisée à la demande du Gouvernement intérimaire rwandais pendant le génocide au Rwanda et à laquelle le Capitaine Paul Barril aurait été associé selon plusieurs enquêtes», et «visait essentiellement à former au tir de précision et aux techniques d’infiltration des élites choisies parmi la garde présidentielle rwandaise connue pour sa très grande activité dans les massacres dès le premier jour du génocide (assassinat également de dix casques bleus belges le premier jour dans le but de faire partir la Minuar)», peut-on lire dans l’Encyclopédie libre Wikipédia. L’OPÉRATION INSECTICIDE «comportait aussi, selon des précisions apportées ultérieurement, une fourniture d’armes». Le nom de cette opération «semble étroitement lié à la propagande des génocidaires» qui, sur la sinistre Radio des mille collines, appelait sans relâche à tuer les «cafards tutsi».

Cette opération n’est mentionnée que par deux sources : Alison Des Forges, «Aucun témoin ne doit survivre : le génocide au Rwanda» (Karthala, Paris, 1999 , trad. de «Leave none to tell the story : Genocide in Rwanda», Human Rights Watch, New York, 1999) et Patrick de Saint-Exupéry, «L’inavouable : la France au Rwanda» (Les Arènes, Paris, 2004). Elle «semble avoir été conduite dans le plus grand secret et son évocation éveille de très grandes résistances. En particulier, Paul Barril, bien qu’il ne soit pas avare de détails sur ses actions au Rwanda, n’a pas confirmé sa participation à cette opération dont il serait pourtant la cheville ouvrière», précise Wikipédia.

 

L’OPÉRATION TURQUOISE

Quant à l’opération turquoise, que les naïfs croient «humanitaire», elle fut lancée par le président Mitterrand et son ministre des Affaires étrangères Alain Juppé au moment précis où le Front patriotique rwandais (FPR) dirigé par Paul Kagame commençait à contrôler l’ensemble du Rwanda, empêchant, par sa simple présence, la poursuite de l’extermination des Tutsi. Le carnet de bord de Samantha Bolton, de «Médecins sans frontières», publié dans «Le Nouvel Observateur» du 28 juillet 1994, révèle combien les déclarations officielles des chefs militaires de Turquoise étaient mensongères : ils n’attendaient en fait que le moment de «casser du FPR», comme ils l’avaient déjà fait, fin 1990, pour sauver in extremis la dictature mafieuse d’Habyarimana et de son «Akazu»  en dardant leurs missiles et en déversant du napalm sur les jeunes combattants du même FPR, qui étaient en passe de prendre la capitale Kigali. Derrière l’opération prétendument humanitaire exhibée devant les caméras et fâcheusement applaudie avec enthousiasme par les miliciens qui venaient de tuer, violer et piller, Turquoise avait été «concoctée par les têtes pensantes d’un état-major à la recherche d’un point d’appui dans cette région des Grands Lacs», écrit Laurent Bujard dans le même numéro du «Nouvel Observateur».

Voici un fait précis, révélé par «Billets d’Afrique» (n o 33, avril 1996), mais tu (vraiment ignoré?) par l’ensemble des médias. En juillet 1994, 5 000 civils tutsi résistaient encore aux massacreurs près du mont Karongi, dans la région de Kibuye. Un hélicoptère français les rejoint. On leur demande de se regrouper sur le sommet et on leur promet un secours imminent. Les soldats français ne reviendront qu’au bout d’une semaine : entre-temps, 90% de ces rescapés ont péri, mitraillés par les miliciens, leur concentration ayant enfin fait d’eux une cible commode.

Des témoignages accusent des miliaires français d’avoir eux-mêmes perpétré des viols de femmes et jeunes filles tutsi lors du génocide. Et ce qui ne fait aucun doute, c’est qu’avant le génocide, des instructeurs français entraînèrent les miliciens, notamment au maniement du couteau et du fusil, et que des Français étaient présents au «fichier central», au centre de Kigali, où se déroulaient les séances de torture des opposants à la dictature d’Habyarimana (voir Colette Braeckman, «Rwanda. Histoire d’un génocide», Fayard, 1994, pp. 159-160).

 

GOMA, CHOLÉRA ET DÉBUT DE LA TRAGÉDIE AU ZAÏRE

L’avance du FPR ayant été plus rapide que ne l’avaient escompté les stratèges de Paris, Turquoise, prétendument zone humanitaire de sécurité, se transforma en opération d’évacuation du «Gouvernement intérimaire», des Forces armées rwandaises et des miliciens, qui emmenèrent avec eux une masse humaine leur servant de bouclier humain. Les monstres qui dirigèrent le Rwanda pendant la perpétration du génocide purent ainsi quitter le pays au moment où le FPR, par un mouvement tournant, allait les capturer. Dès lors, la région de Goma, au Zaïre voisin, devint ce mouroir où, comme l’avaient prédit les organisations vraiment humanitaires, le choléra fit des ravages. Ainsi, les protégés des autorités et militaires français furent, eux aussi, leurs victimes. Bien entendu, certains journalistes s’apitoyèrent sur ces malheureux qui, «après avoir fui les massacres, étaient rattrapés par le choléra». Autant dire qu’ «après avoir fui Auschwitz», les nazis tombaient sous les coups des Alliés… Et qui brouilla enfin les émissions de la Radio des Mlle Collines, qui continuait à lancer ses appels au génocide ? Pas les Français, certes, mais les Américains, quand ils vinrent au secours des victimes du choléra – probablement attirés eux aussi par les richesses du sous-sol zaïrois.

En 1996, Paul Kagame intervint militairement au Zaïre pour désarmer les troupes et miliciens génocidaires. Nouvelle intervention en 1998, et l’on connaît la suite… Les autorités politiques et militaires françaises (ne disons pas « la France» : on n’insulte pas le pays de Voltaire et de Victor Hugo) portent donc une part de responsabilité écrasante dans la tragédie du Zaïre, d’autant plus qu’elles continuent à aider les génocidaires, accusent des observateurs.

 

L’APPEL RWANDA D’AOÛT 1994

Cet appel fut passé sous silence par la presse et les autres médias, à tel point que même de bons connaisseurs du dossier en ignorent l’existence, alors qu’il était signé de noms aussi illustres qu’Albert Jacquard, Mgr Gaillot, Pierre Bourdieu, René Dumont, Jean Ziegler, le chanteur Renaud… En voici des extraits :

« Considérant que la France a été gravement impliquée dans la tragédie rwandaise, étant donné que le gouvernement français : 1) a été le principal appui du régime génocide d’Habyarimana, notamment en ayant fourni durant des années l’armement et l’encadrement de ses troupes et de ses milices ; 2) a soutenu ce régime dans sa lutte meurtrière pour conserver le pouvoir, a tenté de le sauver en occupant une partie du Rwanda grâce à l’opération ‘’Turquoise’’ et ses commandos de choc, a assuré dans ladite ‘’zone humanitaire sûre’’ le refuge à un grand nombre d’assassins et aux cadres de ce régime, a accueilli en France des dignitaires de ce régime, a conservé des liens avec des dirigeants de ce régime qui réorganisent leurs bandes armées au Zaïre ; 3) a renforcé, par la création de la ‘’zone de sécurité’’, le terrible engrenage de l’exode, en particulier vers la ‘’zone’’ qu’il contrôlait ; 4) a toléré la propagande de la radio du régime et de Radio Mille Collines, dont les appels au massacre des Tutsis, puis à la fuite de la population hors du Rwanda, ont été déterminants dans la genèse et l’aggravation de la tragédie ; 5) a réhabilité Mobutu (…) ; 6) a saboté l’action du nouveau gouvernement rwandais (…), avant de le dénigrer aujourd’hui ; 7) a trompé l’opinion publique sur son propre rôle, notamment par les voix de messieurs Juppé, Balladur et Mitterrand, en présentant comme un modèle de dévouement humanitaire une opération de nature néocoloniale (…), pour conserver le contrôle d’une zone géostratégique francophone au Rwanda, de l’uranium et du cobalt au Zaïre ; 8) a bafoué la représentation nationale, en ne l’ayant pas consultée avant l’envoi des troupes ; 9) a aggravé à chaque étape une tragédie dont il contrôlait les paramètres dès le début, au lieu d’en inverser le cours, illustration aberrante et ultime de la ‘’politique africaine’’ de la France. Nous saisissons l’occasion de cet immense désastre, Européens et Africains ensemble, pour demander solennellement : I. La comparution du gouvernement français devant le tribunal international que l’ONU a institué pour déterminer les responsabilités dans le drame rwandais. II. L’abandon de la ‘’politique africaine’’ de la France, lourde d’autres Rwanda… » Cet Appel interpelle en outre solennellement les journalistes et rédactions des grands médias, notamment audiovisuels, «pour avoir mis leurs compétences et leur indépendance au service du SIRPA (Service d’information et de relations publiques des armées) et avoir par conséquent diffusé massivement la version ‘’officielle’’ des événements» et avoir été «les maîtres d’œuvre d’une mystification médiatique planétaire».

Le livre «SOLIDAIRES !» de Christophe Baroni reproduit le texte complet de cet Appel RWANDA de 1994. Vous y trouverez aussi l’APPEL DES FEMMES AU SUJET DES VIOLS, qui furent systématiques durant ce génocide et utilisés comme «arme de guerre» anti-tutsi. Voir dans la partie Comment obtenir ses livres ?

 

GÉNOCIDE DES TUTSI : CE QUE SAVAIT L’ELYSÉE

Dans « Le Monde » du 2 juillet 2007, Piotr Smolar évoque le Conseil des ministres restreint qui, le 29 juin 1994, se tint autour de François Mitterrand. La France venait de lancer l’opération « humanitaire » Turquoise. « Historiquement, la situation a toujours été périlleuse », dit Mitterrand. « Avant l’assassinat du président Habyarimana, on ne m’avait pas signalé de drames à l’intérieur du pays. » C’est faux : dès la fin de l’année 1990, l’Elysée avait reçu « des signaux d’alerte diplomatiques et militaires », accuse Piotr Smolar, qui précise que ces signaux furent « aussitôt négligés, au nom d’une vision conservatrice façonnée par l’histoire coloniale de la politique africaine de la France ». La preuve ? Plusieurs volumes d’archives de l’Elysée transmis au Tribunal aux Armées, dont « Le Monde » a eu connaissance. Ces archives dessinent bien une France « mithridatisée » à son sommet, c’est-à-dire accoutumée volontairement au poison, selon le mot de la Mission parlementaire réunie en 1998. Ces archives répondent à deux questions-clés : Que savait la France des préparatifs de l’entreprise génocidaire ? Quelle était la nature de la coopération militaire décidée par l’Elysée ?

La version officielle de l’Etat français a toujours été la suivante, rappelle Piotr Smolar : « La présence militaire au Rwanda, à partir du dernier trimestre 1990, avait pour but non pas de soutenir unilatéralement le régime d’Habyarimana, mais de le pousser à un partage du pouvoir, tout en empêchant l’avancée militaire du Front patriotique rwandais (FPR) de Paul Kagame, soutenu par l’Ouganda. »

Le 3 octobre 1990, le régime rwandais sollicite l’appui de la France contre l’offensive conduite par le FPR. Mitterrand décide d’envoyer une compagnie de parachutistes pour protéger, voire évacuer les Français sur place. Le détachement Noroît restera trois ans, et ses effectifs monteront jusqu’à 680 hommes, soit quatre compagnies. « Déjà, les prémices du génocide étaient visibles. En ce début octobre 1990, plusieurs milliers de personnes sont arrêtées arbitrairement dans la capitale ; elles ont le tort d’être tutsies ou d’avoir des intérêts communs avec des Tutsis. La France fournit néanmoins des munitions en masse à l’armée régulière, les Forces armées rwandaises (FAR) », rappelle Piot Smolar. Le 12 octobre, le colonel Galinié, attaché de défense à Kigali, envoie à Paris un télégramme diplomatique : « Il est à craindre que ce conflit finisse par dégénérer en guerre ethnique. » Et le lendemain, son supérieur, l’ambassadeur Georges Martres, précise : « Les paysans hutus organisés par le MRND [parti du président] ont intensifié la recherche des Tutsis suspects dans les collines. Des massacres sont signalés dans la région de Kibilira. » Les paysans, fidèles au régime, « participent de plus en plus à l’action militaire à travers des groupes d’autodéfense armés d’arcs et de machettes ».

« Et à l’Elysée ? On pense stratégie, front contre front. Il faut aider Habyarimana coûte que coûte et endiguer l’influence anglo-saxonne dans la région portée par l’Ouganda qui soutient la rébellion tutsie », déplore Piotr Smolar. Une assistance militaire technique est décidée. Il s’agit de « renforcer la coopération » et de « durcir le dispositif rwandais ». Mesures, avertit l’amiral Jacques Lanxade, qui comportent le risque d’être interprétées par les autorités rwandaises comme un « soutien inconditionnel à leur politique ». Le 21 mars 1991, le DAMI (détachement d’assistance militaire et d’instruction) est envoyé. Mais la guerre « déstabilise et radicalise de plus en plus » le Rwanda, affirme Paul Dijoud, directeur des affaires africaines du Quai d’Orsay, dans une note du 11 mars 1992 qui appelle à un renforcement de l’appui de la France à Kigali. Les livraisons d’armes s’accélèrent.

Le pouvoir de Kigali voudrait « procéder à un génocide systématique », écrit dans un télégramme à Paris l’ambassadeur de France à Kigali, le 19 janvier 1993, après sa rencontre avec Jean Carbonare, président du mouvement Survie et membre de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH). La FIDH est sur le point de publier un rapport accablant. Le président Habyarimana aurait intimé « l’ordre de procéder à un génocide systématique en utilisant, si nécessaire, le concours de l’armée et en impliquant la population locale dans les assassinats », écrit l’ambassadeur.

Mais au lieu de s’alarmer de ce risque de génocide, le diplomate Bruno Delaye, conseiller Afrique de l’Elysée, « décèle un autre urgence » ; car, comme tout l’entourage du président Mitterrand, il est obsédé « par la préservation de l’influence française dans la région », s’indigne Piotr Smolar. Dans une note du 15 février 1993, Bruno Delaye s’alarme du fait que le FPR est « en mesure de prendre Kigali » grâce notamment à la « complicité bienveillante du monde anglo-saxon » et à un « excellent système de propagande qui s’appuie sur les exactions malheureuses commises par les extrémistes hutus ». Il se garde de préciser ce que sont ces « exactions malheureuses », prémices du génocide, et il ne lui vient pas à l’esprit de les dénoncer : il semble les regretter uniquement en tant que gaffes qui risquent d’indisposer l’opinion publique internationale et de nuire au régime mafieux et dictatorial soutenu par Paris.

Le 18 février, la DGSE signe une note sur les « véritables massacres ethniques » et les 300 morts dénombrés au cours des semaines précédentes : « Il s’agirait d’un élément d’un vaste programme de purification ethnique dirigé contre les Tutsis », fomenté au sommet de l’Etat. La France va lancer l’opération « Chimère ». « Du 20 février au 20 mars 1993, la présence militaire française au Rwanda a franchi un cap qu’elle n’aurait pas dû dépasser », avouera la Mission parlementaire en 1998, déplorant les « nouvelles missions » des soldats français : patrouilles, contrôles de zone autour de la capitale et vérifications d’identité aux points d’accès de Kigali.

« Cet engagement radical de la cellule de l’Elysée ne fait pas l’unanimité. Le malaise gagne les rangs du gouvernement », observe Piotr Smolar. Pierre Joxe, ministre de la Défense, se dit « préoccupé » par la position française : l’envoi de deux compagnies supplémentaires ne serait pas « la meilleure façon » d’amener le président rwandais à « faire les concessions nécessaires ». Mais « autour de François Mitterrand, dans ce palais hermétique, on veut défendre une autre perspective et justifier, à tout prix, la politique française », accuse Piotr Smolar. On va mentir. Le 3 mars, « pour renverser les charges », le général Quesnot propose au président d’incriminer la rébellion en exigeant « une réorientation forte et immédiate de l’information des médias [français] sur notre politique au Rwanda en rappelant notamment (…) les graves atteintes aux droits de l’homme du FPR : massacres systématiques de civils, purification ethnique, déplacement de population… ».

Piotr Smolar met ici le doigt sur la motivation (et donc probablement le sens et la crédibilité) qu’il convient de donner aux accusations contre le FPR, qui excitent tant un Pierre Péan et quelques autres.

Le 7 mars 1993, un accord entre Kigali et le FPR prévoit un cessez-le-feu et le départ des deux compagnies françaises. Des négociations politiques aboutiront aux accords d’Arusha, le 4 août.

En France, c’est désormais la cohabitation entre le gouvernement Balladur et le président Mitterrand. Le 2 avril, un conseil des ministres restreint a pour thème le Rwanda : « La droite découvre un dossier sans issue. Le ministre des affaires étrangères, Alain Juppé, est tranchant. ‘‘Il y a des risques de massacres si nous partons et un risque de défiance africaine vis-à-vis de la France. Mais par contre, si nous renforçons nous nous enfonçons dans ce dossier. Nous ne pouvons pas partir.’’ Le premier ministre, Edouard Balladur, envisage d’envoyer 1000 hommes de plus. François Mitterrand est d’accord et théorise : ‘‘La règle est qu’il n’y a d’intervention française que s’il y a agression extérieure et non pas s’il y a un conflit tribal. Ici, c’est mélangé, car il y a le problème tutsi.’’ »

Les accords d’Arusha sont enfin signés : partage du pouvoir et élections dans les 22 mois à venir. Une force internationale neutre devra être mise en place sous l’égide des Nations unies. Le 15 décembre 1993, la présence française est réduite à 24 assistants militaires.

Pourtant, rien n’est réglé. Dans un télégramme diplomatique du 12 janvier 1994, l’ambassadeur de France à Kigali rapporte les confidences d’un informateur du représentant des Nations unies, qui lui a livré les détails « graves et plausibles » d’un plan de déstabilisation radicale du pays grâce à des provocations contre les troupes du FPR à Kigali, pour susciter une riposte. « Les victimes rwandaises que ne manqueraient pas de provoquer ces réactions seraient alors le prétexte à l’élimination physique des Tutsis de la capitale », explique le diplomate. Selon l’informateur de la Minuar, 1700 Interahamwe, membres des milices populaires, auraient reçu une formation militaire et des armes pour cela, avec la complicité du chef d’état-major FAR. La localisation précise des éléments tutsi de la population de Kigali « devrait en outre permettre d’éliminer 1000 d’entre eux dans la première heure après le déclenchement des troubles », cite Piotr Smolar, qui s’il était encore besoin nous prouve là combien mentent bêtement ceux qui voudraient tant expliquer le génocide par l’attentat du 6 avril 1994, en allant jusqu’à l’imputer au FPR de Paul Kagame – et qui le lui imputent pour masquer leur propre culpabilité de planificateurs, d’exécutants ou de complices de ce génocide.

(Ouvrons ici une parenthèse utile. Persuadé que l’attentat du 6 avril 1994 est l’œuvre du FPR, et de surcroît assez bête pour s’imaginer (ou fait-il semblant ?) que cet attentat est la cause d’un génocide minutieusement préparé durant des mois, le juge antiterroriste français Bruguière veut inculper des militaires proches de Kagame, à défaut de pouvoir s’en prendre au chef actuel de l’Etat. Bruguière reste sourd à toutes les preuves et à tous les indices recueillis sur place par des observateurs sérieux, dont Colette Braeckman, qui contrairement à lui est allée enquêter sur place juste après l’attentat. Le juge s’entête. Il persiste et signe. Si j’étais Kagame, eh bien, à supposer que je fusse responsable de cet attentat, je me féliciterais d’être dans le collimateur de ce juge-là : car son enquête est bâclée, sinon mensongère, et son rapport, systématiquement évoqué à chaque commémoration du génocide des Tutsi, début avril, prend l’eau de toutes parts, avec des témoins qui se rétractent. Tel a été interrogé en français sans traducteur alors qu’il ne comprend pas la langue de Molière, tel autre est téléguidé par les Services secrets qui l’ont exfiltré du Rwanda où il avait maille à partir avec Kagame, etc. Qui tremblerait devant le rapport d’un juge quand des témoins cités tombent des nues quand ils découvrent ce qu’on leur a fait dire ? Les adversaires de Kagame oublient-ils que lorsqu’un juge s’est saisi d’une affaire, on ne peut la confier à un autre juge, qui serait peut-être plus dangereux ? Et ne savent-ils pas que les autorités du nouveau Rwanda détiennent des preuves accablantes contre la France ? Toujours au sujet de l’attentat, il est intéressant de rappeler que le capitaine Paul Barril, ancien de la Cellule antiterroriste de l’Elysée, connu comme spécialiste des fausses preuves depuis l’affaire tragi-comique des Irlandais de Vincennes, était présent dans la région début avril 1994. Il se rendit ridicule en exhibant une fausse boîte noire. En 2007 on a signalé sa présence à Goma, au moment où, buvant des bières et s’exprimant donc avec spontanéité, des militaires français présents au Kivu lâchaient qu’à défaut de pouvoir tuer l’homme fort du nouveau Rwanda, Paul Kagame, ils allaient éliminer physiquement « son frère » (entendez son bras droit), le général tutsi Nkunda, qui se pose en défenseur des Tutsi du Kivu. En décembre 2007, Paul Barril a été placé en détention après avoir été mis en examen pour association de malfaiteurs dans le cadre de l’instruction du dossier de blanchiment visant le cercle de jeux parisien Concorde – rouvert en 2006, le cercle Concorde est soupçonné « d’avoir servi de couverture à un vaste réseau de recyclage d’argent sale », lit-on dans « Le Figaro » du 24 décembre 2007.)

Quand un missile abat l’avion transportant les présidents du Rwanda et du Burundi,.il suffira de quelques heures pour que la machine génocidaire se mette en marche « comme prévu », précise à juste titre Piotr Smolar – je rappelle ici que Théoneste Bagosora, considéré comme « le cerveau » du génocide, avait annoncé qu’il allait préparer l’apocalypse.
Au milieu de ces horreurs, Jean-Michel Marlaud, ambassadeur de France, est plein de compréhension pour les tueurs-violeurs-pilleurs : « Tant qu’ils auront le sentiment que le FPR essaie de prendre le pouvoir, ils réagiront par des massacres ethniques », écrit-il le 25 avril. Ainsi, « le génocide est présenté comme une réaction spontanée, et non un plan », s’insurge Piotr Smolar. L’Elysée est parfaitement au courant du génocide : trois jours plus tard, Bruno Delaye reconnaît que les massacres se déroulent « avec une ampleur horrifiante : de l’ordre de 100 000 morts, selon les responsables du CICR » et que « les milices hutues, armées de grenades et de machettes, massacrent les Tutsis qui n’ont pas pu trouver refuge dans la zone FPR ou bénéficier de la protection de la Minuar ».

Mais « la ligne française demeure marquée par ses pesanteurs historiques, quitte à nier la réalité », analyse Piotr Smolar : « Le 6 mai, le général Quesnot résume le danger d’une victoire militaire éventuelle du FPR, sa hantise. ‘‘Le président [ougandais] Museveni et ses alliés auront ainsi constitué un Tutsiland avec l’aide anglo-saxonne et la complicité objective de nos faux intellectuels, remarquables relais d’un lobby tutsi auquel est également sensible une partie de notre appareil d’Etat.’’ » Le 24 mai, le général Quesnot s’alarme une nouvelle fois des ambitions du FPR : « L’arrivée au pouvoir dans la région d’une minorité dont les buts et l’organisation ne sont pas sans analogie avec le système des Khmers rouges est un gage d’instabilité régionale. » Dans les conversations informelles à l’Elysée, il parle des « Khmers noirs » de Kagame, relève Piotr Smolar.

Face à l’ampleur des massacres, la pression diplomatique monte. La France est mise en cause par les ONG. « Le 19 juin, l’Elysée publie même un communiqué exceptionnel, pour dénoncer les ‘‘procès sommaires’’ qui lui sont faits. Les médias n’auraient rien compris : la France serait au contraire à louer pour son engagement. » L’opération « humanitaire » Turquoise est lancée ; et va durer jusqu’au 22 août. « Toute cette mission doit être présentée comme une étape nouvelle de notre politique : le passé est le passé », écrit Bruno Delaye le 21 juin.
« Mais il est difficile d’imposer l’idée d’une virginité en matière de politique africaine, après plus de trois ans d’étroite coopération avec Kigali », objecte Piotr Smolar : « Au cours d’une réunion avec des représentants du FPR, le 22 juin, Philippe Baudillon, conseiller à Matignon, assure que le gouvernement de droite a développé une nouvelle approche vis-à-vis du continent. Il souligne la volonté d’Edouard Balladur d’établir des ‘‘relations claires’’ avec les pays africains, rapporte Bruno Delaye dans une note au président. ‘‘Votre interprétation des intentions françaises au Rwanda n’est pas la bonne, aurait dit le conseiller du premier ministre à ses interlocuteurs du FPR. Elle est en contradiction avec ce qui s’est fait depuis un an.’’ François Mitterrand enrage à cette lecture et ajoute à la main : ‘‘Inadmissible. Protester à Matignon.’’ »

Le 14 juillet 1994, s’exprimant à la télévision à l’occasion de sa dernière fête nationale en pleine lumière, Mitterrand ose dire, probablement conscient comme Goebbels que plus un mensonge est gros, plus il est facile de le faire passer : « Nous avons sauvé des dizaines, des milliers de gens, de pauvres gens qui avaient déjà supporté beaucoup de souffrances. » (De Mitterrand, P.-O. Giesbert, qui l’admire, se plaisait à dire qu’« il ne mentait pas toujours ». Ce jour-là, l’ancien élève des jésuites a menti, au moins par omission.)

Bernard Kouchner, ministre français des Affaires étrangères, a fait une brève visite au Rwanda, en janvier 2008. Il a osé dire que pendant le génocide des Tutsi du Rwanda en 1994, « on ne comprenait pas ce qui se passait ». Tentative grossière de manipulation de l’opinion mondiale, dénonce Serge Farnel, correspondant à Paris de l’Agence Rwandaise d’Information (Rwanda News Agency). Car le 19 avril 1994, le compte-rendu des officiers français Cussac et Maurin démontre que l’armée française savait, dès la nuit du 7 au 8 avril 1994, que « dans toute la ville » avait lieu « l’exécution de Tutsi ». L’ordre d’opération Amaryllis lui-même, le 8 avril 1994, établit que l’Etat-major français savait que le génocide des Tutsi venait de commencer : « Pour venger la mort du président Habyarimana (…), les membres de la Garde présidentielle ont mené dès le 7 matin des actions de représailles dans la ville de Kigali. » Ce document consigne que lesdites représailles incluaient l’ « élimination des opposants et des Tutsi », précise Serge Farnel. Donc « l’Etat-major français, qui en est l’auteur, savait, au moins dès le 8 avril, que c’est précisément le gouvernement intérimaire rwandais qui était génocidaire. Ce qui n’a pas empêché que ce dernier soit formé le matin même de ce 8 avril au sein de l’ambassade de France à Kigali. Bernard Kouchner entendrait-il ainsi nous faire croire qu’il aurait été le seul à ne pas comprendre ce qui se passait alors au Rwanda ? » demande Serge Farnel. Quelle constance ! Car « trois jours à peine après que Jean-Hervé Bradol, alors médecin chez Médecins Sans Frontières, avait, quant à lui, clairement dénoncé, sur la chaîne française TF1, le génocide en cours », Kouchner, lui, dans « Le Monde », n’évoquait qu’une « catastrophe humanitaire » ! C’était à la mi-mai. « Combien de Tutsi avaient alors déjà été tués depuis plus d’un mois que leur extermination programmée avait démarré ? Trois cent mille ? Quatre cent mille ? Un demi-million ? Et Kouchner voudrait nous faire croire qu’il ne parvenait alors toujours pas à comprendre ce qui se passait ? » s’indigne Serge Farnel. « Les propos de Kouchner sont une insulte autant à la mémoire des morts qu’à l’intelligence des vivants », assène-t-il.

Mais on n’arrête pas éternellement la marche de la Justice. Une information judiciaire pour « complicité de crimes contre l’humanité » et « complicité de génocide », visant le rôle de l’Armée française lors de l’opération « humanitaire » Turquoise, entre le 22 juin et le 22 août 1994, a été ouverte en décembre 2005. La Grande Muette, comme on appelle l’Armée française, a du reste à son palmarès une longue série de massacres coloniaux, à travers l’histoire : l’Afrique du Nord et l’Afrique noire, Madagascar, et les anciens territoires d’Asie où la France fit la loi en savent quelque chose. Certaines plaies restent éternellement ouvertes. Certes, les Etats relativement puissants échappent généralement à la Justice. Mais ils n’échappent pas au jugement de l’Histoire. Depuis que Paul Kagame a vaincu l’Armée française (relisez ci-dessus, dans la partie « Turquoise », le témoignage de Samantha Bolton, de Médecins sans Frontières : elle était sur place et a constaté que les chefs de Turquoise n’attendaient que le moment de « casser du FPR »), le ton des leaders africains a changé. Hommes de pouvoir ou d’opposition, historiens ou journalistes, ils toisent désormais avec fierté les représentants du Pouvoir d’une République qui, les mains couvertes de sang, ose se proclamer « Pays des droits de l’homme ». Ils les toisent avec fierté toujours, avec mépris de plus en plus souvent.

 

HYPOCRISIE DE L’ARMÉE FRANÇAISE: deux notes secrètes de la Défense

Le correspondant en France de l’Agence Rwandaise d’Information (en anglais Rwanda News Agency), Serge Farnel, s’est procuré deux notes que la Mission française d’Information Parlementaire pour le Rwanda, chargée d’examiner la politique de la France au Rwanda de 1990 à 1994, n’a pas cru bon, il y a dix ans, de rendre publiques.

Le premier document fait état du souci de l’Armée de ne pas montrer aux médias des soldats français n’intervenant pas pour faire cesser les massacres dont ils sont alors les témoins proches, tandis que le second prouve que l’Armée française savait, dès le 8 avril 1994, que lesdits massacres faisaient partie d’un plan génocidaire à l’encontre de l’ethnie tutsi.

1) Le premier document est la note N° 018/3°RPIMa/EM/CD (« Confidentiel Défense ») que le colonel français Henri Poncet adressa le 27 avril 1994 à l’attention du chef d’Etat-Major des Armées. Il y fait le compte-rendu de l’opération « Amaryllis », dont il assura le commandement au Rwanda du 9 au 14 avril 1994 – opération destinée à évacuer les ressortissants français alors présents à Kigali suite à l’attentat du 6 avril. Il y fait savoir à l’Amiral Lanxade que « les médias ont été présents dès le deuxième jour de l’opération » et ajoute que « le COMOPS [Communication opérationnelle] a facilité leur travail en leur faisant deux points de presse quotidiens et en les aidant dans leurs déplacements ».  Il précise le « souci permanent de ne pas leur montrer [aux médias] des soldats français limitant l’accès aux centres de regroupement aux seuls étrangers sur le territoire du Rwanda », tout en précisant qu’il s’agit là des provisions consignées dans la Directive n°008/DEF/EMA du 10 avril.  Le Colonel Poncet fait mention, dans sa note, de l’autre « souci permanent de ne pas leur montrer [aux médias] des soldats français n’intervenant pas pour faire cesser des massacres dont ils étaient les témoins proches » : « Il s’agit déjà à cet endroit, constate Serge Farnel, « d’un aveu de non-assistance à personne en danger ».

2) Mais un compte-rendu, également révélé ce jour par Serge Farnel, rédigé le 19 avril 1994, conjointement par le Colonel Cussac et le Lieutenant-Colonel Maurin, relatif à l’ « action des AMT [Assistants militaires techniques] » lors de l’opération Amaryllis, fait savoir que l’Armée française savait, au moins dès le 8 avril 1994, que les massacres de Kigali ciblaient l’ethnie tutsi.  Les deux officiers français y font en effet état, pour ce qui concerne la nuit du 7 au 8 avril, d’une « nuit très agitée, ponctuée de nombreux tirs au niveau du CND [Conseil National pour le développement, parlement rwandais] mais aussi dans toute la ville (exécutions des tutsi [sic] et des personnalités de l’opposition) ». « L’armée française connaissait, au moins depuis le 8 avril 1994, le caractère génocidaire des massacres qui se déroulaient à Kigali », constate Serge Farnel.

« Dans cette perspective, la reconnaissance par le Colonel Poncet d’un souci permanent de ne pas montrer aux médias des soldats français n’intervenant pas pour faire cesser des massacres dont ils étaient les témoins proches, et dont ils savaient, comme l’indiquent par ailleurs formellement les officiers Cussac et Maurin, qu’il s’agissait là de la mise en œuvre de l’extermination d’une ethnie, pourrait bien constituer, devant une Justice nationale ou internationale, une nouvelle preuve constitutive d’une complicité de l’Armée française dans le génocide des Tutsi du Rwanda. »

Les propos récemment tenus à Lisbonne par l’actuel président français, Nicolas Sarkozy, selon qui le génocide des Tutsi du Rwanda « nous oblige à réfléchir, France comprise, à nos faiblesses ou nos erreurs », semblent bien, à la lumière de ces nouvelles révélations, « n’être qu’euphémisme destiné à minimiser la responsabilité pleine et entière de la France dans le génocide des Tutsi du Rwanda, tout en la diluant dans une responsabilité collective », conclut l’Agence Rwandaise d’Information.

 

LES MÉTHODES DU JUGE BRUGUIÈRE

Les méthodes du juge Brugière ne sont pas jugées inacceptables seulement dans le dossier rwandais (« enquête » sur l’attentat du 6 avril 1994). Rappelez-vous l’affaire Chalabi :

 

Après l’attentat du RER-Saint-Michel à Paris, attribué au Groupement islamique armé (GIA), le juge Jean-Louis Bruguière, « patron » de l’antiterrorisme français, lança un vaste coup de filet qui déboucha sur 79 mises en examen. Les réseaux démantelés étaient ceux des frères Chalabi, deux malfrats français d’origine algérienne, soupçonnés d’appartenir à la mouvance du GIA. C’est Charles Pasqua qui était alors ministre de l’Intérieur. Un procès se tiendra en juillet 1998 à Fleury-Mérogis : 138 prévenus, dont 27 détenus ! Le journaliste Laurent Grabet écrit dans « 24 heures » (Lausanne) du 2 nov. 2009 : « Jean-Louis Bruguière en sortira très critiqué. Plusieurs détenus n’ont jamais été entendus entre leur arrestation et leur relaxe. Les détentions provisoires ont été anormalement longues. La procédure de rafle a été lancée sur la base d’indices matériels un peu minces. » Quand tombe le verdict, en janvier 1999, 35 prévenus obtiennent un non-lieu, 35 autres sont relaxés : « Au total, 70 personnes, dont Mohammed Khaldi, auront donc injustement été mises en cause. » Les peines prononcées sont faibles, la plupart seulement pour séjour irrégulier ! La Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) avait d’ailleurs à l’époque « dénoncé les dérives françaises en matière de lutte antiterroriste ».

 

LE RWANDA D’AVANT 1994 : UNE DICTATURE EN ODEUR DE SAINTETÉ ?

Et un paradis pour missionnaires catholiques pédophiles ?

Quelque extraits du chapitre « Les responsabilités de l’Eglise », dans le livre incontournable « Terreur africaine – Burundi, Rwanda, Zaïre : les racines de la violence » de Colette Braeckman (Fayard, oct. 1996). Journaliste belge collaboratrice du « Soir » (Bruxelles) et du « Monde diplomatique » (Paris), Colette Braeckman fait autorité en ce qui concerne la région des Grands Lacs, en Afrique.

« En ces années cinquante, comme ailleurs en Afrique, les élites tutsies souhaitent mettre fin à la tutelle coloniale. En 1959, (…) l’aristocratie nationaliste tutsie réclame l’indépendance immédiate du pays et ses représentants créent l’Unar (Union nationale rwandaise). Dès sa création, l’Unar commet un sacrilège : elle demande à la tutelle belge la révision de la convention qui lie le Rwanda aux missions catholiques et qui assure à celles-ci le monopole en matière d’enseignement. »

« Désireux de contrer le nationalisme qui gagne la région, les officiels belges sont à la recherche de nouveaux alliés. L’Eglise, une fois de plus, les leur fournira. Le nouveau vicaire apostolique du Rwanda, Mgr Perraudin, s’avise, comme d’autres membres du clergé avant lui, que le ‘‘menu peuple’’ des Hutus est décidément opprimé par les ‘‘féodaux’’ tutsis. Il dénonce les abus criants et bien réels auxquels se livrent les chefs tutsis : journées de travail non rémunérées, extorsion de vivres et de bétail (ces ponctions s’ajoutant d’ailleurs à celles de l’Eglise). Dans son mandement de carême du 11 février 1959, Mgr Perraudin s’élève contre la politique de collaboration avec les Tutsis menée jusqu’alors, et écrit qu’‘‘il serait contraire à la justice de confier à quelqu’un une responsabilité en raison de sa race. Ne jurant plus que par les Hutus, il tombera rapidement lui-même dans le piège qu’il entend dénoncer. »

« Durant la Première République, l’Eglise est plus que l’auxiliaire du pouvoir politique ; elle en est littéralement l’inspiratrice. Mgr Perraudin est considéré comme le père spirituel du président Kayibanda et du parti Parmehutu.» (Mgr Perraudin est un Suisse, du canton du Valais.)

« Lorsque des tentatives de retour de réfugiés armés déclenchent de sanglantes répressions contre les populations tutsies, l’évêque suisse ne prend pas position. Il ne se brouille pas pour autant avec le gouvernement, et, adoptant une stratégie qui annonce le ‘‘révisionnisme’’ de 1994, il dramatise les incursions des exilés tutsis et minimise l’ampleur des tueries à l’intérieur du pays.»

A ce sujet, voir le document du 21 sept. 1962 mentionné dans le rapport de la Commission internationale d’enquête sur les violations des droits de l’homme au Rwanda, publié à Bruxelles en juillet 1994 par la Fédération internationale des Droits de l’Homme (FIDH), Human Rights Watch (HRW), le Centre national de Coopération au Développement(CNCD) et la Ligue africaine des Droits de l’Homme.

Deux poids, deux mesures, fait observer Colette Braeckman : « L’Eglise multiplie aujourd’hui les publications dénonçant les violations des droits de l’homme au Rwanda et plaide – à juste titre – pour le retour des réfugiés hutus. Mais, dans le passé, elle n’a pas réagi publiquement face aux massacres de Tutsis qui ont plusieurs fois ensanglanté le pays, et elle s’est montrée indifférente au sort des réfugiés tutsis qui ont essaimé dans les pays voisins, en particulier lorsque certains d’entre eux ont été persécutés en 1962 par les troupes d’Idi Amin Dada en Ouganda. »

Et dans un autre livre incontournable, « Rwanda – Histoire d’un génocide » (Fayard, oct. 1994), Colette Braeckman écrit ceci, que je tire du chapitre « Une dictature en odeur de sainteté » :

« Pour l’Eglise catholique, le Rwanda de Habyarimana est un bastion inexpugnable. Depuis 1955, Mgr Perraudin, le chantre de la révolution hutu (et quelquefois son boutefeu), est l’éminence grise du régime. (…) Au Rwanda, prêtres et religieuses sont chez eux. Depuis le début du siècle, les immenses missions de briques rouges occupent des points stratégiques au sommet des collines. Avec leur dispensaire, leur bibliothèque, leur école, leur centre d’artisanat, elles ressemblent à des abbayes du Moyen Age, à des phalanstères : elles vivent pratiquement en autosubsistance. Dans les missions, le temps semble s’être arrêté. »

Colette Braeckman le dit à juste titre : « Au Rwanda, prêtres et religieuses sont chez eux. » Dans le Rwanda d’avant le génocide, qui était, dit-on, le pays le plus catholique d’Afrique (mais cela change : voir ci-après la comparaison des recensements 1991 et 2002), le « péché de chair », en l’occurrence de chair noire, était fréquent parmi ceux qui en principe sont voués à la chasteté : soit sous la forme hétérosexuelle (nombre de prêtres ou d’évêques avaient une ou des maîtresses, à qui ils faisaient par-ci, par-là des enfants), soit sous la forme homosexuelle (une étude devrait être menée sur les relations de prêtres catholiques avec des Tutsi jusqu’à la « révolution hutu », puis avec des Hutu), soit sous la forme pédophile : j’ai reçu de nombreuses confidences de Rwandais et de Rwandaises, p.ex. sur les séances de cinéma du samedi soir (des religieux prenant des filles ou des garçons sur leurs genoux), ou sur les abus dans les écoles (main baladeuse pendant le cours de dactylographie, ou à la faveur de l’apprentissage du brossage des dents, etc.).

Même après le génocide, certains ecclésiastiques catholiques s’imaginent encore qu’en Afrique ils peuvent tout se permettre. Tel cet évêque belge interrogé par la Radio Télévision Belge Francophone (RTBF), voici quelques années, à propos d’un prêtre pédophile : on lui demande s’il a pris des mesures pour éviter toute récidive, et sereinement il répond : « Nous l’avons envoyé au Rwanda. » « Dans ces pays-là, un génocide c’est pas trop important », disait Mitterrand (voir mon livre SOLIDAIRES ! p. 89). Eh bien ! pour certains prêtres ou évêques, « dans ces pays-là, des abus sexuels c’est pas trop important ». Ils ont tort, et de surcroît vivent comme si le Rwanda était encore « leur Rwanda ». Décidément, pour la gérontocratie qu’est le Vatican et pour ceux qui obéissent à ses ordres, le temps semble s’être arrêté, comme dit Colette Braeckman. Or les temps ont changé. On ne plaisante pas avec les « viols d’enfants », dans le Rwanda nouveau où, Dieu merci, les femmes jouent un rôle important – elles sont à égalité avec les hommes au Parlement.

J’invite chacune et chacun à me communiquer ses observations ou souvenirs à ce sujet et garantis le secret professionnel (je suis un « psy »). Il suffit de cliquer sur contact.

Lors du recensement de 1991, 90% des Rwandais se disaient chrétiens, dont 73% appartenaient à l’Eglise de Rome et 27% se réclamaient du protestantisme, les 10% restants comprenant des musulmans peu nombreux (environ 1% de la population) et des animistes.

Mais désormais il y a à peu près égalité entre catholiques et protestants de diverses dénominations. Lors du recensement de 2002, les catholiques ne représentaient plus que 49,5% de la population rwandaise et 53% des chrétiens rwandais. Voici les pourcentages : catholiques 49,5%, protestants 27,2%, adventistes 12,2%, Témoins de Jéhovah 0,5%, autres chrétiens 4%, musulmans 1,8%, religion traditionnelle 0,1%, autres 0,6%, sans religion 3,6%. (A noter qu’il y a confusion entre les termes « religion » et « confession », et que les adventistes, Témoins de Jéhovah et « autres chrétiens » devraient plutôt être rassemblés eux aussi sous la dénomination « protestants », ce qui ne serait pas le cas d’éventuels orthodoxes, qui représenteraient un 3e groupe de chrétiens). Le Service National de Recensement observe que le catholicisme est prédominant dans presque toutes les provinces, sauf à Gikongoro et Kibuye, mais qu’en comparaison avec la situation en 1991, il semble avoir perdu beaucoup de ses adeptes en faveur des autres confessions ou religions, qui ont toutes gagné du terrain.

 

Déjà en 1963-64, DES RELIGIEUX CATHOLIQUES COLLABORAIENT OUVERTEMENT POUR PARACHEVER L’ÉPURATION ETHNIQUE !

(Extrait du compte rendu (signé Anastase Ngendahimana) de la 14e commémoration du génocide des Tutsi, à Genève, le 12 avril 2008 🙂

« Un moment fort attendu était celui de l’intervention d’un monsieur d’un certain âge, un nommé Denis-Gilles Vuillemin, qui séjourna à Butare fin 1963-début 1964 sur un contrat signé avec l’UNESCO pour travailler comme enseignant. Ce que le jeune enseignant suisse découvre en arrivant au Rwanda le hantera toute sa vie. A la suite d’une rumeur d’une attaque en septembre 1963 de ceux qu’on appelait Inyenzi, la machine à tuer se met en marche. On rassemble ici et là de pauvres paysans tutsi qu’on extermine dans des stades à coup de fusils. Ceux qui parviennent à fuir sont rattrapés et regroupés dans des camps où on les laisse crever de faim et de maladie. Quelques individus et organisations internationales présentes, la Croix-Rouge principalement, tentent d’apporter des secours, essentiellement de la nourriture et des médicaments, mais les autorités politiques et ecclésiastiques s’y opposent ou procèdent à des manœuvres dilatoires. Au Groupe scolaire de Butare, où M.Vuillemin travaille depuis peu, des religieux, belges pour la plupart, sont au courant des crimes qui sont en train d’être perpétrés. Plusieurs d’entre eux collaborent ouvertement avec les hiérarchies ecclésiastique et gouvernementale pour parachever l’épuration ethnique. Le jeune coopérant suisse était venu au Rwanda mû par un idéal d’humanité, de justice et de solidarité. Ce qu’il découvre du Rwanda du tandem Kayibanda-Perraudin lui donne le vertige. Il entreprend d’enquêter minutieusement sur ce qui se passe réellement au Rwanda, non sans avoir travaillé clandestinement à faciliter la fuite de certains de ses élèves tutsi qui étaient en danger de mort. Petit à petit, par des recoupements d’informations, des croisements de témoignages et d’observations personnelles, l’effroyable vérité s’étale là devant ses yeux : un gouvernement est en train d’exterminer une partie de sa population, et ce dans une totale indifférence de la communauté internationale. M. Vuillemin, qui détient désormais les preuves irréfutables de ce qu’on ne saurait qualifier autrement que de génocide, prépare un rapport qu’il adresse au Département des Affaires étrangères à Berne. Il envoie aussi une série d’articles aux journaux en Europe, au journal ‘‘Le Monde’’ en particulier. Des semaines passent sans que ses alertes soit publiées. Finalement l’affaire des massacres des Tutsi finit par être connue par d’autres témoins étrangers et le journal ‘‘Le Monde’’ se résout à publier un article de Vuillemin. Entre-temps le jeune enseignant a donné sa démission à l’UNESCO. Il veut regagner sa Suisse natale autant pour retrouver un peu de tranquillité que pour échapper aux pressions que lui font subir ses collègues du GS que ses révélations dérangeaient. Mais en Suisse même, il va subir un ostracisme jusque dans les hautes sphères de l’administration fédérale. Il recevra régulièrement des appels téléphoniques et des lettres anonymes le traitant de communiste, de subversif, de terroriste, d’agitateur et d’autres gentillesses de la même veine. A cette étape précise de son récit, M.Vuillemin s’arrête, submergé par l’émotion. Il balaye la salle d’un regard vide, et s’excuse : ‘‘Vous savez, tout ça c’est du passé, d’ordinaire je sais encaisser, mais maintenant que je le raconte, il y a tout qui me revient et c’est comme si c’était hier.’’ Il y a dans la salle des compatriotes qui ont connu M. Vuillemin à Butare. C’était un jeune enseignant qu’ils apprenaient encore à découvrir. Certains ne lui doivent pas seulement d’avoir échappé à la mort, mais ils ont aussi reçu de lui des conseils pour leurs études, des bourses, du soutien psychologique et/ou simplement de l’amitié. Ils ont la gorge serrée, comme nous tous. Quand M. Vuillemin achève son témoignage, la salle hésite un moment à l’applaudir, comme si c’était une indécence : il y a un court moment de silence qui s’impose de lui-même, puis finalement, les mains claquent, quand même, longuement. »

A ce témoignage émouvant de M. Gilles Vuillemin, que grâce au compte rendu d’Anastase Ngendahimana beaucoup pourront entendre et faire entendre je puis apporter des éléments qui aident à le situer dans son contexte et à en confirmer la valeur :

— Une personne travaillant au Palais fédéral, à Berne, a constaté que Mgr Perraudin, qui savait tout sur ce Rwanda sur lequel il régnait, avait l’oreille du gouvernement helvétique, particulièrement durant la guerre froide U.R.S.S.-Etats-Unis. Et un témoin, hélas décédé durant le génocide de 1994, a vu Mgr Perraudin plaisanter et rire alors que des étudiants tutsi étaient battus à mort à quelques dizaines de mètres de lui. Difficile de croire que l’évêque suisse ignorait ce qui se passait, alors qu’il était l’inspirateur de cette politique criminelle et même génocidaire.

— Ces mêmes autorités helvétiques étaient cul et chemise avec la dictature de Kayibanda, puis avec celle d’Habyarimana. Ainsi, au début des années 70, un coopérant suisse avait la responsabilité d’une usine. Vint l’ordre de licencier les Tutsi. Il s’insurge, refuse, déclare qu’il sait qui travaille bien et qui travaille mal et que s’il y a des employés à licencier, il le fera sans tenir compte de l’ethnie .Le lendemain ou surlendemain, l’ambassadeur de Suisse au Rwanda venait en personne lui intimer l’ordre de ne pas s’opposer aux directives du gouvernement rwandais, faute de quoi il aurait à préparer ses valises pour rentrer en Suisse. « Si j’avais révélé tout ce que j’ai observé au Rwanda, me déclara ce coopérant en 1994, j’aurais pu faire voler en éclats la DDA » (on appelait ainsi, à l’époque, la Coopération suisse).

— Le Suisse Lukas Bärfuss, qui précise que « dans ce livre, les faits historiques sont authentiques, les personnages sont imaginaires », conclut son roman « Hundert Tage » (Wallstein, 2008), traduit en français sous le titre « Cent jours, cent nuits » (L’Arche, 2009) par cette réflexion au sujet du rôle de son pays au Rwanda : « Notre chance fut toujours que pour chaque crime auquel un Suisse avait pris part, une crapule encore plus grande avait trempé dans l’affaire, qui attirait sur elle toute l’attention et derrière laquelle nous pouvions nous cacher. Non, nous ne faisons pas partie de ceux qui causent des bains de sang. Cela, d’autres le font. Nous, nous nageons dedans. Et nous savons exactement comment il faut bouger pour rester à la surface et ne pas couler dans la sauce rouge. »

— Pendant le génocide de 1994, les interhahamwe avaient leurs entrées dans l’Ambassade de Suisse à Kigali, notamment grâce à un lien d’ordre familial.

— Surnommé « le financier du génocide », le richissime homme d’affaires hutu Félicien Kabuga, bailleur de fonds de la sinistre Radio-Télévision des Mille Collines (RTLM) qui au printemps 1994 lança les ordres exigeant de massacrer tous les Tutsi, y compris les bébés, s’enfuit du Rwanda en juin 1994, devant l’avancée du Front patriotique, et se rendit… en Suisse, où il fut discrètement averti qu’il devrait être arrêté, ce qui lui permit de s’éclipser, non sans avoir effectué une transaction financière portant sur plusieurs millions de francs.

— Un des membres du Hutu Power, soupçonné de génocide et accueilli sans problèmes en Suisse, a pour avocat un ancien conseiller fédéral (= ministre), qui fut ministre des Affaires étrangères et qui était très proche de François Mitterrand, qu’il rencontra du reste, discrètement, pendant le génocide, en mai 1994. Les Hutu, qu’ils soient prétendument « modérés » ou extrémistes, sont chez eux dans l’Eglise catholique, en Suisse comme ailleurs, et certains ont même réussi à s’infiltrer dans des Eglises protestantes (pas seulement chez les adventistes). CB

Voici ce qu’écrit avec lucidité, dans le document d’octobre 1994 « La tragédie du Rwanda et les Eglises d’Afrique de l’Est », Wolfgang Schoeneke, secrétaire général du Département pastoral de l’Association des Conférences épiscopales d’Afrique de l’Est (AMECEA), à propos de ce qu’il qualifie d’obsession du pouvoir à tout prix : « Le conflit du Rwanda concernait à l’origine une volonté, assez absolue, de conserver ou de reconquérir le pouvoir pour justifier n’importe quels actes. D’après un recensement effectué en 1991, 90% des Rwandais se disent chrétiens. L’Eglise catholique est, après le gouvernement, l’institution la plus puissante à travers son réseau d’œuvres sociales, éducatives et médicales dirigées par de nombreux groupes religieux. Elle a dès le début entretenu d’étroites relations avec l’administration coloniale et la maison royale et la hiérarchie est toujours restée étroitement liée au régime en place. Ses nombreuses – mais tardives et faibles – déclarations pendant le génocide n’étaient ni significatives ni suffisantes. Les événements du Rwanda renforcent une leçon de l’histoire : une Eglise qui s’identifie trop étroitement à un régime partage son destin. Il y a une distance indispensable à maintenir avec les partis, les mouvements politiques et l’Etat. Comment l’Eglise peut-elle résister à la tentation de se servir du pouvoir pour accomplir sa mission et, en retour, d’être utilisée par les pouvoirs politiques ? Parlons-nous en faveur de tout groupe traité injustement, ou seulement quand les intérêts de l’Eglise sont menacés ? Comment développer au sein de l’Eglise un mode de responsabilité plus participative qui puisse servir à inspirer un modèle plus démocratique en politique ? »

Le regretté Jean-Paul Gouteux avait vu juste quand il dénonçait et déplorait le rôle criminel de l’Eglise catholique dans le génocide des Tutsi : relisez, dans « La Nuit rwandaise » nº 2 (7 avril 2008), les excellents articles de Jean Damascène Bizimana et d’Yves Cossic. Pages 267-268, on y retrouve notre Joseph Matata négationniste, qui s’autoproclame défenseur des droits de l’homme, et dont le témoignage lors d’un procès à Lausanne indigna les femmes rwandaises et suisses présentes (voyez dans la partie Dignité de la femme et génocide au Rwanda). Et où le retrouve-t-on ? Comme par hasard lors d’une soirée habilement organisée par des « associations catholiques et prétendument humanitaires ». Jean-Paul Gouteux a démontré p.ex. que dans l’Eglise catholique, le missionnaire belge Guy THEUNIS avait une influence décisive sur les informations qui parvenaient au Vatican – lequel semble toujours être attaché à la théorie négationniste du double génocide. (Voir ci-après : L’AFFAIRE THEUNIS.)

(Depuis 2007, reprenant le titre du livre de Jean-Paul Gouteux, « La Nuit rwandaise » publie un volume par année, qui paraît le 7 avril, date du déclenchement du génocide des Tutsi au Rwanda. Son site web est www.lanuitrwandaise.net et son adresse 38, rue Keller, F 75011 Paris.)

Rendons aussi hommage au courage de la revue catholique de gauche « Golias », qui fait preuve d’une liberté de pensée dignes des meilleurs esprits protestants. Elle aussi a dénoncé ce rôle criminel de l’Eglise catholique dans le génocide des Tutsi, et publié notamment, en 1999, le livre « Rwanda, l’honneur perdu de l’Eglise » sous la direction de Christian Terras, avec la collaboration de Mehdi Ba (Editions Golias, BP 3045, F 69605 Villeurbanne Cedex, www.golias-editions.fr).

Subtiles et sournoises, en effet, sont les actions menées par l’Eglise catholique contre le nouveau Rwanda, dont l’homme fort est le Tutsi Paul KAGAME – un Rwanda qui désormais interdit le clivage Hutu/Tutsi et s’efforce de surmonter le traumatisme du génocide. Ainsi, avant Noël 2009, on a vu dans la presse des communiqués des « Rebelles de Noël » : le but, fort sympathique en soi, est d’inviter nos sociétés marchandes à fêter la naissance du Christ de manière fraternelle et non commerciale. Mais en faisant des recherches, on tombe sur des invitations à financer des séminaires destinés à promouvoir les droits de l’homme, sans qu’aucune précision d’ailleurs soit donnée. Et en poussant encore un peu les recherches, voilà qu’apparaît un texte où le Rwanda, comme par hasard, est épinglé pour sa façon de rendre la justice : les juridictions Gacaca ne trouvent pas grâce aux yeux de nos « Rebelles de Noël », mais quand on découvre qu’ils sont eux-mêmes liés à Caritas, donc à l’Eglise catholique, « c’est un peu comme si Dutroux critiquait la façon dont on juge les pédophiles », s’exclama un de mes amis, à qui je rétorquai qu’il allait un peu loin, car si beaucoup de prêtres catholiques – ainsi que certains pasteurs adventistes – ont activement participé au génocide, ce n’est pas le cas de tous. Aux yeux de beaucoup d’enquêteurs, l’Opus Dei, dont auraient fait partie le roi des Belges Baudouin Ier et peut-être le dictateur Habyarimana, est une force d’autant plus redoutable qu’elle est occulte ; et l’une de ses forteresses est le Luxembourg (voir mon livre SOLIDAIRES ! et le livre « Révélations$ » publié en 2001 par Denis Robert et Ernest Backes aux courageuses éditions Les Arènes, à Paris (www.arenes.fr). Sur l’Opus Dei, voir ci-dessous.

Contraste saisissant : dans le quartier musulman de Kigali, lors du génocide des Tutsi au printemps 1994, les Hutu épargnèrent leurs coreligionnaires tutsi, car un musulman ne tue pas son frère ?

 

L’AFFAIRE DU MISSIONNAIRE BELGE GUY THEUNIS

La Rédaction d’ARI-RNA, c’est-à-dire de l’Agence Rwandaise d’Information-Rwanda News Agency (www.rnanews.com) cite le témoignage du journaliste Gaétan Sebudandi dans l’affaire Theunis. En voici des passages essentiels :

— « La photo montrant Guy Theunis en parfaite connivence avec les principaux instigateurs du génocide [cf. ‘‘Rwanda: les médias du génocide’’], dont Ferdinand Nahimana, les colonels Ndindiliyimana et Anatole Nsengiyumva, en 1991, fait partie de la campagne d’explications des méfaits de l’APR par les principaux commandants des FAR. L’atmosphère cordiale, qui régnait autour des bouteilles de bière, en dit long sur les sympathies respectives des protagonistes. »

— (A propos d’atrocités du régime Habyarimana : massacre des Bagogwe en 1991, attesté par le rapport de la Commission internationale d’enquête dépêchée au Rwanda par la FIDH et HRW, ou le nettoyage ethnique anti-tutsi au Bugesera en 1992 et l’assassinat de la missionnaire laïque Antonia Locatelli, témoin indigné, Gaétan Sebudandi poste cette question 🙂 « Trouve-t-on les traces d’une condamnation vigoureuse de ces atrocités dans les comptes rendus de Guy Theunis et la désignation explicite des auteurs de ces massacres ? » La réponse est évidemment NON, hélas.

« A trois semaines du déclenchement du génocide, en mars 1994, Guy Theunis reconnaît, lui-même, dans une déclaration faite devant les enquêteurs de la police judiciaire belge à Bruxelles, qu’il connaissait les « quatre points du programme de la CDR », recueillis par ses soins à Gisenyi [Cf. ‘‘Rwanda: l’honneur perdu de l’Eglise’’, pp. 68 sqq., Editions Golias, Villeurbanne, 1999]. A savoir : 1° Balayer les accords d’Arusha. 2° Recommencer les massacres de 1959 pour montrer aux Tutsi où est leur place. 3° Chasser les Belges. 4° Les FAR vont bouter les FPR hors de nos frontières. Ce programme secret était-il suffisamment inquiétant, aux yeux de Guy Theunis, pour qu’il éprouve le besoin d’alerter les responsables politiques de son pays ? Car les Belges à chasser du Rwanda, c’était notamment le contingent belge de la MINUAR, mais aussi les coopérants civils. Deux catégories de compatriotes qui allaient payer un lourd tribut durant le génocide. En a-t-il avisé le haut commandement des Casques bleus ou l’ambassade de Belgique à Kigali ? Dans ce cas, on devrait retrouver les traces de sa mise en garde dans les archives. Mais dans le cas contraire, force est bien de constater que son silence valait en réalité l’octroi du feu vert à l’exécution de ce plan diabolique. »

— « Durant le génocide, les fax envoyés par le missionnaire, soit à sa hiérarchie, soit au ministère belge des Affaires étrangères, indiquent pour le moins le souci de comptabiliser les pertes subies au sein du clergé. Quant aux atrocités faites à la population civile, et aux Tutsi en particulier, cela paraît fort éloigné de ses réoccupations. Peut-on y voir l’indice d’une connivence avec les génocidaires ? On sait que ces derniers estimaient que les victimes en définitive n’avaient connu que le sort qu’ils avaient bien mérité. Il appartiendra au juge de trancher sur cette question. »

— « Juste après le génocide, fin juillet ou début août 1994, une lettre du père Guy Theunis est arrivée à la Rédaction française de la Deutsche Welle. Bien entendu, elle a atterri immédiatement sur mon bureau. Dans ce message le journaliste sollicitait l’aide de la Radio allemande internationale pour mettre sur pied Radio Amahoro et ses programmes à destination des millions de réfugiés rwandais dans les pays limitrophes. Il s’agissait de leur assurer des informations objectives et pratiques sur l’évolution en cours dans leur pays, mais aussi sur les conditions de leur existence en exil et de leur environnement dans les pays d’accueil. En ma qualité de journaliste rwandais, parmi les plus expérimentés dans la profession, j’ai tout naturellement proposé ma collaboration à cette entreprise humanitaire. La réponse du père Theunis, en termes courtois, fut parfaitement explicite. Les promoteurs du projet, dit-il, n’avaient pas encore fait leur choix définitif sur l’équipe rédactionnelle. On ne m’a plus jamais contacté à ce sujet. »

— « Trois mois plus tard, en octobre 1994, je prenais l’avion à Bruxelles pour Kigali où je devais participer à un séminaire sur la reconstruction du Rwanda. Dans le hall d’embarquement j’eus la surprise de me retrouver côte à côte avec Guy Theunis, flanqué d’un de mes confrères rwandais de la Deutsche Welle, avec une délégation de personnalités de la mouvance démocrate-chrétienne. Le quatuor embarquait dans le même vol Sabena à destination de Bujumbura, d’où ils allaient continuer leur périple vers les camps de réfugiés de Bukavu et Goma. Les deux personnalités politiques déléguées par l’IDC, Bernard Stasi et Alain De Brouwer, étaient accompagnées de deux spécialistes connaissant particulièrement le Rwanda, Guy Theunis et mon collègue Paul Mbaraga. Durant cette mission dans les camps de réfugiés rwandais de l’ex-Zaïre, ils ont accompli la performance de créer une Association des Journalistes rwandais en exil, dont la liste fut notamment publiée dans la Lettre de Reporters Sans Frontières. Ils ont surtout confié la coordination de toute l’aide humanitaire catholique à Bukavu au docteur Clément Kayishema, l’ex-préfet et chef des génocidaires de Kibuye. Excusez du peu ! »

Fait à Cologne, le 24 nov. 2005 (Signé) Gaétan Sebudandi

Quel contraste entre le missionnaire catholique belge Theunis (parmi beaucoup d’autres) et ce couple pastoral américain (Rick Warren et son épouse) qui, en janvier 2006, déclarait que Paul Kagame est un leader « unique » et louait sa bonne gouvernance: « I considere Paul Kagame as an uncommon leader. I have met many leaders but this is a man of unique calibre » (« The New Times »).

Dieu merci, quelques missionnaires ont prouvé, au Rwanda comme ailleurs, qu’on peut être catholique et vivre en véritable chrétien. Tel l’abbé FRAIPONT (1919-1982), un Belge qui consacra sa vie et ses forces aux handicapés du Home de la Vierge des Pauvres, qu’il fonda à Gatagara en 1962 et où il vécut jour après jour l’Evangile : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. » En1974, il demanda la nationalité rwandaise et porta dès lors le nom de Ndagijimana. Lors des pogroms, il lui arriva de passer la nuit sur le toit, fusil à portée de la main, afin de protéger les patients et employés tutsi. Il eût, bien sûr, tiré en l’air. Ah ! si Mgr Perraudin avait eu le même respect de toute vie humaine…

Le site www.africatimeforpeace.com rend hommage à des « Justes », laïcs ou ecclésiastiques, qui ont risqué leur vie pour sauver des Tutsi lors du génocide de 1994.

 

L’OPUS DEI

L’Opus Dei, la milice de Dieu est actuellement l’institution la plus puissante et la plus secrète de l’Eglise catholique dans le monde. Ses rouages forment un mécanisme efficace de conquête du pouvoir. Dans l’Espagne du dictateur Franco, le fondateur de l’Opus Dei fut « le caudillo spirituel », affirme Christian Terras, de la revue catholique de gauche « Golias », tout comme Mgr Perraudin fut le chef spirituel des deux dictatures anti-tutsi du Rwanda, et tout comme Mgr Stepinac (béatifié par Jean-Paul II comme le sera un jour ou l’autre Mgr Perraudin) fut la tête pensante de la Croatie catholique et nationaliste au temps des sinistres Oustachis – reçus en grande pompe et bénis par Pie XII, les Oustachis, alliés des nazis, massacrèrent 700 à 800 000 Serbes coupables du « crime d’orthodoxie serbe » : ce génocide véritablement « catholique » a été bien occulté dans l’histoire du vingtième siècle. Le dictateur hutu Habyarimana et son « ami » le roi des Belges Baudouin Ier furent membres, semble-t-il, de l’Opus Dei.

La « Compagnie de Jésus », c’est-à-dire l’ordre des Jésuites, fut créée comme une machine de guerre contre la Réforme, et usa de tous les moyens pour s’efforcer de ramener sous la férule du Vatican des régions devenues ou en passe de devenir protestantes – la Pologne par exemple. L’Opus Dei, lui, est une machine de guerre créée contre le marxisme. Elle agit de manière occulte. Il faut voir et faire voir le documentaire récent de la Radio Télévison Belge Francophone (RTBF) sur l’Opus Dei : il donne froid dans le dos.

L’OPUS DEI à la RTBF (Radio Télévision Belge Francophone) : ange ou démon ?
Diffusé le 10 février 2010, ce documentaire a pour réalisateurs Marcela Said Cares et Jean de Certeau. Sous-titré ici « Ange ou démon ? », là « Une croisade silencieuse », il est annoncé en ces termes par la RTBF (www.rtbf.be) : « Ce film, qui pénètre au cœur de l’institution la plus puissante et la plus secrète de l’Église catholique, constitue un voyage inédit dans le monde du fondamentalisme chrétien, où l’on rêve ‘‘la croix au sommet de tout’’ c’est-à-dire l’abolition de la frontière entre le religieux et le temporel. Quelle est l’idéologie profonde, quelles sont les véritables aspirations politiques de ce système littéralement verrouillé de l’intérieur ? Se définissant comme ‘‘le bras armé du Christ’’, l’Opus Dei s’est donné les moyens de construire la ‘‘véritable société chrétienne’’. De l’école d’hôtellerie où l’on forme la conscience des femmes de chambre à la prestigieuse école des cadres de commerce international, le film révèle un mécanisme efficace de conquête du pouvoir. De la lumière à l’obscurité, il nous conduit du rêve d’un monde parfait aux aberrations d’une dictature spirituelle qui propose un univers mental et social préfabriqué. »

La RTBF le présente aussi en ces termes : « Opus Dei, ange ou démon ? Depuis sa création en 1928, l’Opus Dei traîne comme un boulet sa mauvaise réputation. Au fil du temps et de son expansion à travers le monde, l’Opus Dei fut tour à tour traitée de Sainte Mafia, de Secte catholique, de maçonnerie blanche, de pieuvre avide de pouvoir. On atteignait même un point d’orgue entre 2003 (le livre) et 2006 (le film), dans le ‘‘Da Vinci Code’’ où ‘‘l’Œuvre de Dieu’’ était présentée comme une organisation démoniaque n’hésitant pas à tuer pour protéger les secrets de l’Eglise. Ses membres étaient décrits comme des fanatiques pratiquant les pires mortifications : cilice, autoflagellation, etc. Calomnies, fantasmes, chasse aux sorcières rétorque l’Opus qui clame haut et fort son attachement au pape et à la doctrine de l’Eglise. Elle rappelle aussi que Jean-Paul II a canonisé son fondateur José Escriva de Balaguer. Alors, ange ou démon ? œuvre de Dieu ou œuvre du Diable ? ‘‘Devoir d’enquête’’ a voulu découvrir le vrai visage de cette institution controversée et ancrée au cœur même de l’Eglise catholique. »

Extrait de la réaction du porte-parole de l’Opus Dei, Stéphane Seminckx  : « Le cas le plus pénible, qui a été repris de l’émission de 2003, est en effet celui de la jeune fille française, qui prétend avoir été exploitée dans une école hôtelière. Cette personne mérite tout notre respect. Elle dit elle-même avoir souffert d’une dépression. Dans l’Opus Dei, qui compte plus de 85’000 membres à travers le monde, par la force des choses, il y a des malades. Saint Josémaria disait d’eux qu’ils sont le ‘‘trésor’’ de l’Œuvre, des personnes en qui l’Eglise a toujours reconnu de façon particulière le Christ souffrant. A ce titre, elles sont entourées d’une affection toute particulière et du soin de tous. Face à cette réalité, nous avons une émission qui instrumentalise la souffrance et le désarroi d’une personne pour asseoir une thèse préconçue. C’est très triste. »

La RTBF avait déjà diffusé des dossiers sur l’Opus Dei : le 30 novembre 2006, le 16 avril 2003 (« L’Opus Dei, une secte au Vatican ? »), le 7 avril 1993 (« Au nom de la foi »). On ne peut que souhaiter que d’autres grandes chaînes de télévision diffusent à leur tour celui du 10 février 2010, quitte à le compléter par un débat contradictoire, dont l’Opus Dei n’a rien à craindre s’il est aussi saint qu’il le prétend et si « Dieu » est de son côté…

L’Opus Dei : une dictature spirituelle? Attentif à l’évolution de l’Opus Dei en Belgique, Philippe Deguerre, kinésithérapeute, a lui aussi exposé le résultat de ses investigations, le 21 janvier 2010,à la Maison de la Laïcité de Seraing : « Contrairement à l’intégrisme musulman qui fait souvent la une des journaux, les activités de la droite chrétienne et de l’Opus Dei en particulier se déroulent souvent dans l’ombre des cénacles. Milice religieuse, secte, puissance politique, l’Œuvre pratique son emprise à tous les niveaux d’influence et particulièrement sur les pouvoirs temporels qu’elle cherche à infiltrer. Pourtant, cette garde blanche du Vatican ne fait pas l’unanimité et cette ‘‘dictature spirituelle’’ est souvent dénoncée par bien des chrétiens. »

(Un ami, conseiller pédagogique aujourd’hui à la retraite, m’a confié que l’Opus Dei avait cherché, tout comme la Scientologie de son côté, à infiltrer les rouages de l’Instruction publique du canton de Vaud, qui historiquement sinon statistiquement est protestant.)

 

Voici l’article que j’ai rédigé pour le périodique « La Nuit rwandaise », édition avril 2010:

LE GYNOCIDE DANS LE GÉNOCIDE DES TUTSI

Les lecteurs de La Nuit rwandaise connaissent les tenants et aboutissants de l’un des plus atroces génocides qui ont ensanglanté le vingtième siècle.

Aussi est-ce sur un aspect particulier que je désire focaliser l’attention – avec l’espoir que cela contribuera à sensibiliser davantage les femmes, à travers le monde, à cette tragédie minutieusement programmée – et dans l’accomplissement de laquelle l’Armée, le Gouvernement et la Présidence du «pays des Droits de l’Homme» et ses services secrets ont joué un rôle sinistre. Les agissements de l’inénarrable capitaine Paul Barril et de ses acolytes devront être pleinement dévoilés, et l’on peut compter à cet égard sur La Nuit rwandaise. – les gens informés savent, depuis l’affaire des Irlandais de Vincennes (1982), que ce curieux personnage est un spécialiste des preuves fabriquées ; mais, peut-être parce qu’il en sait long sur les affaires de pédophilie impliquant dans les années 80-90 de très hautes personnalités françaises jusqu’à l’Elysée (affaire Doucé en particulier), il s’en tire en général, sur le plan pénal, avec une pirouette.

L’aspect particulier du génocide que je tiens à mettre en lumière, ce sont les viols systématiques de femmes, d’adolescentes, voire de fillettes ou de bébés tutsi. Ces horreurs dans l’horreur furent un gYnocide. Ne cherchez pas (pas encore) ce mot dans les dictionnaires. Je l’ai trouvé récemment en surfant sur des sites féministes où sont dénoncées les mesures discriminatoires qui, depuis les années 80 et à la faveur de la détection du sexe au cours de la grossesse, empêchent de naître nombre de filles, notamment en Inde ou aux Émirats Arabes Unis, en Chine ou au Tibet – le communisme n’ayant que stoppé, et non éradiqué, les idées ancestrales de supériorité et de suprématie masculines. Ici je prends ce terme de «gynocide» dans un sens différent. Mais le mépris de l’intégrité et de la dignité de la femme a pris tant de visages dans l’Histoire… Le Rwanda du printemps 1994 est une pièce de choix à verser au dossier du « gynocide » au sens large du terme.

Durant les trois mois (avril, mai et juin 1994) que dura le génocide perpétré contre les Tutsi du Rwanda, le viol fut systématiquement utilisé comme arme de guerre, avec en prime la transmission délibérément voulue du virus du sida. Dans son rapport du 29 janvier 1996, M. René Degni-Ségui, rapporteur spécial de la Commission des Droits de l’homme des Nations Unies, parle de ces viols comme ayant été « systématiques et utilisés comme arme par ceux qui ont perpétré les massacres » : « D’après des témoignages cohérents et fiables, un nombre important de femmes (250 000 à 500 000) ont été violées ; le viol était une règle et son absence une exception. » Curieusement, certaines associations, en Suisse et ailleurs, qui ont pour mission de lutter contre le viol n’ont pas manifesté la moindre indignation… Le rapport de l’Unicef Enfants et femmes du Rwanda, publié en 1998, estime le nombre de ces viols systématiques entre 300 000 et 500 000. Financée par la Fondation de France avec le soutien logistique de Médecins Sans Frontières, une étude sérieuse menée par le docteur Catherine Bonnet et publiée en 1995 conclut : « Au Rwanda, le viol des femmes a été systématique, arbitraire, planifié et utilisé comme une arme de nettoyage ethnique pour détruire très profondément les liens d’une communauté, en laissant les victimes silencieuses. Les violences sexuelles ont pour particularité de porter atteinte à l’intimité de la personne et à sa vie privée, aussi restent-elles très souvent secrètes. (…) La reconnaissance de ces crimes dans la loi est avant tout un devoir de justice qui peut permettre de lever le déni du viol. »

Les interahamwe n’ont pas tué toutes celles qu’ils ont violées, mais les laisser vivre leur permettait de les garder comme esclaves sexuelles… N’a-t-on pas entendu un prêtre, officiant aujourd’hui dans une paroisse catholique de France, se targuer d’avoir « sauvé » femmes et jeunes filles tutsi… alors que selon l’enquête d’African Rights il abusait d’elles moyennant paiement ?

Par ailleurs, garder en vie des femmes ou jeunes filles après les avoir violées peut dans certains cas s’avérer plus cruel que les tuer d’emblée. Rappelons-nous ces religieuses tutsi suppliant les interahamwe de bien vouloir, contre argent comptant, les exécuter d’une balle, sans les violer ni les « raccourcir » à coups de machettes. Ou ces mères contraintes de se faire violer par leurs propres fils. Celles qui, après de tels viols, ont été laissées en vie ont de quoi devenir folles. Des pères furent contraints de violer leur fille : si l’excitation sexuelle des interahamwe était seule en cause, ils se seraient à la hussarde vidés dans les orifices de leurs victimes, sans imaginer ces raffinements de sadisme qui ont souvent caractérisé le génocide de 1994 – ce qui n’empêche pas, aujourd’hui encore, les ignorants et les désinformateurs cyniques d’en parler comme de « tueries interethniques ». Après avoir exterminé sous ses yeux toute sa famille, les interahamwe laissèrent vivre un vieillard, pour qu’il mourût de chagrin : à côté de ces bourreaux, le marquis de Sade semble un enfant de chœur.

Quand les tueurs arrivèrent à l’hôpital de Butare, ils achevèrent sans pitié malades et blessés tutsi, puis firent le tri entre infirmières hutu et infirmières tutsi. La mort dans l’âme de ne pouvoir intercéder en faveur de ces dernières, un médecin de MSF les supplia de lui laisser une infirmière hutu enceinte qu’ils emmenaient avec ses collègues tutsi. « Attendez, nous allons vérifier », répondirent-ils. Avec une minutie que je qualifie d’« ecclésiastique » – acquise probablement au contact des Pères Blancs -, ils se rendirent à l’administration communale pour y consulter le registre des habitants. « C’est vrai, elle est hutu, mais l’enfant qu’elle a dans le ventre est de père tutsi, c’est un Tutsi, il doit donc mourir. » Comme tant de femmes tutsi, cette Hutu fut éventrée et son fœtus arraché de ses entrailles.

Je crois entendre, se confondant avec les appels au génocide lancé au Pays des Mille Collines par les « médias de la haine », la voix sinistre du chef de l’État croate Ante Pavelic qui, peu après avoir été reçu en audience privée par Pie XII, déclarait devant ses troupes : « N’est pas un bon oustachi celui qui ne peut arracher au couteau un enfant des entrailles de sa mère ! » Ces abominations eurent pour cadre, de 1941 à 1945, un pays encore plus catholique que le Rwanda de 1994 : la Croatie nationaliste où Mgr Stepinac – dont Jean-Paul II a cru devoir faire un « bienheureux » – régnait comme Mgr Perraudin régna sur le Rwanda. Le sadisme des oustachis croates révulsa même des officiers nazis, qui pourtant étaient leurs alliés. Croatie, Rwanda : même horreurs, mêmes ordres, même vocabulaire – « Tuez aussi les fœtus » ; massacrer, c’est « travailler ». En Croatie aussi, on rassemblait volontiers dans les églises ceux qu’on allait exterminer. Même mépris, même sadisme, même acharnement, même sentiment d’impunité, notamment grâce à l’appui explicite de l’Église croate et du Vatican. Pie XII bénit les oustachis, reçus en grande pompe dans la cité papale au plus fort des tueries, l’archevêque de Kigali exultait en plein génocide. Coupables du « crime d’orthodoxie serbe », 700 à 800 000 Serbes furent massacrés, et ce génocide fut aussitôt occulté – mais il reste très vivant dans la mémoire des Serbes, et habilement, en 1991, Milosevic mit le feu aux poudres en jouant sur ce traumatisme. Le génocide accompli, on assiste aux mêmes exfiltrations des tueurs ou de leurs commanditaires par des filières catholiques1.

Quant aux planificateurs du génocide des Tutsi, tandis que les innombrables victimes contaminées dépérissaient, certaines obligées de se prostituer pour nourrir les fruits de ces viols, ils ont, dans la prison cinq étoiles du Tribunal Pénal International d’Arusha (TPIR), en Tanzanie, bénéficié des meilleures trithérapies, aux frais de la «communauté internationale», laquelle par ailleurs a payé leurs avocats à prix d’or – si bien que certains partagèrent leurs honoraires avec les accusés et qu’ils envisagent maintenant une retraite dorée, tout en cherchant, avec Carla del Ponte et des réseaux catholiques, le moyen de s’en prendre juridiquement à Paul Kagame et à son Front patriotique…

En quelques lignes qui passèrent inaperçues, la presse fustigea l’attitude de ce tribunal d’Arusha : certaines questions obscènes des juges furent une grave offense à la pudeur des femmes victimes de viols et qui, survivantes, avaient osé déposer plainte. Des précisions inutiles leur furent demandées, accompagnées de rires et même de ricanements. Des voix s’élèvent d’ailleurs pour dénoncer la présence, au sein du TPIR (Tribunal Pénal International pour le Rwanda), de complices des accusés, complices travaillant sous de faux noms.

Il y a de bien curieux défenseurs des Droits de l’Homme. Par exemple, un certain Joseph Matata tint des propos négationnistes et odieusement machistes lors du procès à Lausanne (avril 1999) de Fulgence Niyonteze (bourgmestre de Mushubati accusé d’avoir activement participé au génocide de 1994). Il répéta ces propos en kinyarwanda au micro complaisamment tendu par M. Celsius Nsengiyumwa, correspondant de la BBC. Pour Joseph Matata, qui se déclare « militant des droits de l’homme » (« homme » au sens restreint, en l’occurrence) le viol ne pouvait être que dérapage individuel dû à une « faiblesse humaine » (devant la Cour) : «C’est comme quelqu’un qui, venu pour tuer, arriverait devant une marmite et éprouverait d’abord l’envie d’assouvir sa faim» (à la BBC). Les lecteurs de La Nuit rwandaise jaugeront le goût exquis de ces propos. Indignées, des femmes d’origine rwandaise et des amies suisses lancèrent un Appel, que la presse ignora mais que nous pûmes distribuer à l’issue du procès2.

Christophe Baroni

1. Le regretté Jean-Paul Gouteux avait vu juste quand il dénonçait et déplorait le rôle criminel de l’Eglise catholique dans le génocide des Tutsi : relisez, dans La Nuit rwandaise nº 2 (7 avril 2008), les excellents articles de Jean Damascène Bizimana et d’Yves Cossic (pp. 267-268, on y retrouve notre Matata négationniste, lors d’une soirée habilement organisée par des « associations catholiques et prétendument humanitaires »). Dois-je ici rappeler que dans le quartier musulman de Kigali, les Hutu épargnèrent leurs coreligionnaires tutsi, car un musulman ne tue pas son frère ? Il serait temps que le Vatican apprît à lire et à mettre en pratique l’Evangile. L’Opus Dei, dont auraient fait partie le roi des Belges Baudouin Ier et peut-être le dictateur Habyarimana, est une force d’autant plus redoutable qu’elle est occulte. M’inspirant de ceux qui poursuivent l’œuvre de Jean-Paul Gouteux, j’ai ouvert sur www.christophebaroni.info un chapitre sur cet aspect ecclésiastique du génocide – cela en complément du résumé « Pour comprendre la tragédie du Rwanda », synthèse que je suggère de faire lire à toutes celles et à tous ceux qui désirent y voir clair sans disposer de beaucoup de temps.
2. Appel reproduit in extenso en appendice de mon livre Solidaires ! (Lueur d’espoir, 2003), tout comme l’«Appel Rwanda» d’août 1994, qui demandait, arguments à l’appui, que la France comparût devant le Tribunal international institué par l’ONU – il était signé, entre autres, du biologiste Albert Jacquard, de Mgr Gaillot, de Jean Ziegler, du chanteur Renaud et du regretté Jean Ferrat, mais la presse l’ignora également.

 

CARLA DEL PONTE critiquée par la Coalition pour les droits des femmes en situation de conflit :

« Mme Del Ponte n’est pas un procureur qui a à cœur de rendre justice aux femmes rwandaises victimes de viol pendant le génocide », déclarait en 2003 Ariane Brunet, de la Coalition pour les droits des femmes en situation de conflit : or « il est essentiel que le procureur du TPIR poursuive les crimes commis contre les femmes avec le même sérieux que les autres crimes perpétrés pendant le génocide ». Dans une lettre envoyée au Secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, en juillet 2003, la Coalition rapporte une nette diminution dans les enquêtes et la poursuite des crimes de violence sexuelle pendant le mandat de Mme Del Ponte, en dépit de la profusion des preuves des crimes de violence sexuelle commis pendant le génocide de 1994 ». Aussi la décision de remplacer Carla Del Ponte au poste de procureur auprès du Tribunal international pour le Rwanda (TPIR) a-t-elle été applaudie par cette coalition internationale de militantes des droits des femmes, inquiètes de constater son manque de diligence à poursuivre effectivement les crimes de violence sexuelle.

Pendant le génocide des Tutsi du Rwanda, des milliers de femmes (250 000 à 500 000) ont été systématiquement « violées par des individus ou des groupes, avec des objets comme des bâtons pointus ou des canons de revolver, réduites en esclavage sexuel ou sexuellement mutilées ». Les chefs militaires et les dirigeants politiques nationaux et locaux, ainsi que les chefs des milices armées, ont « encouragé ou autorisé les massacres et les violences sexuelles pour atteindre leurs objectifs génocidaires ». En conséquence, ils doivent être « tenus responsables de la perpétration de ces crimes qu’ils soient qualifiés de crimes de génocide, crimes contre l’humanité ou crimes de guerre ».
Sur ce sujet, voir DIGNITÉ DE LA FEMME et génocide au Rwanda, et ci-dessus Le gYnocide dans le génocide des Tutsi.

 

AU-DELÀ DES CHIFFRES. UN SYMBOLE :

10 puissance 6, 10 puissance 3 : environ un million de Tutsi victimes du génocide, environ un millier de signatures arrivées dans les délais, de tous les coins du monde, fin 2009, pour l’appel à un nouveau procès contre Protais Z., considéré par nombre de connaisseurs du dossier comme l’un des principaux planificateurs du génocide. C’est dire le poids de chaque signature : chaque signataire « porte » (dans le cœur, dans l’esprit du signataire) environ mille victimes ! Visualiser mille noms, mille personnes (car ce sont des personnes, femmes et hommes, bébés et vieillards, enfants et adolescents…), c’est possible. Imaginer que chacun de ces noms doit être multiplié par mille pour atteindre le nombre approximatif de victimes du génocide, qui s’est déroulé en trois mois seulement, cela dépasse l’entendement. Monstruosité du crime, complicité des autorités françaises (mais il y a d’autres gouvernements, et aussi des puissances occultes, qui portent une lourde responsabilité), complicité du Vatican et des adventistes : N’OUBLIONS JAMAIS !

 

LA SOUFFRANCE DES RESCAPÉS DU GÉNOCIDE DES TUTSI :

 

« Il n’y a pas d’outils pour mesurer la souffrance des rescapés…
Pour les comprendre, il faut s’entraîner à les écouter patiemment
et essayer de décoder le langage de leur souffrance. »
Dr Naasson Munyandamutsa, psychiatre rwandais,
auteur du livre « Question du sens et des repères dans le traumatisme psychique.
Réflexions autour de l’observation clinique d’enfants et d’adolescents survivants
du génocide rwandais de 1994 » (Médecine & Hygiène, Genève & Paris, 2001).

 

 

L’ATTENTAT DU 6 AVRIL 1994

(En cours de rédaction)

 

LES DESSOUS DE L’AFFAIRE ROSE KABUYE

(En cours de rédaction)

 

LE RWANDA HIER, AUJOURD’HUI, DEMAIN : QUELLES PERSPECTIVES D’AVENIR ?

(En cours de rédaction)

 

VASTE CAMPAGNE DE STÉRILISATION DES HOMMES (VASECTOMIE) AU RWANDA ?

Un intellectuel rwandais proche du Hutu Power génocidaire prédisait, au plus fort des tueries, qu’en cas de victoire du Front patriotique rwandais, celui-ci régnerait « sur un désert ». Or, malgré l’élimination physique, en trois mois, d’environ un million de Tutsi par le Hutu Power, « l’homme fort » du Rwanda, Paul Kagame, se trouve aujourd’hui à la tête d’un Etat peuplé d’environ 11 millions d’habitants (alors qu’il en comptait 7 ou 8 avant le génocide), habitants qu’il est interdit désormais de distinguer en fonction de leur ethnie, sous peine d’être accusé de « divisionnisme ». Vu la superficie très modeste de ce petit pays d’Afrique centrale (26’338 km²), sa densité de population est de l’ordre de 400 habitants par km². Sa croissance démographique est très rapide.

(Février 2011) Les autorités rwandaises envisageraient par conséquent de lancer, a-t-on pu lire dans la presse, une vaste campagne de stérilisation ciblant environ 700’000 hommes sur l’ensemble du territoire. Ministre de la Santé, le docteur Sezibera l’a présenté devant le Sénat. Nul doute que l’Eglise catholique va fulminer, elle qui condamne sans appel la stérilisation sauf si, dans le cas des femmes, elle s’impose pour des raisons médicales impérieuses.

Or, s’il est exact que la vasectomie est à l’ordre du jour au Ministère de la Santé (Ministry of Healt, MOH) du Rwanda, celui-ci « has announced that there is no target for voluntary vasectomies as was circulated in the press » : « The Permanent Secretary in MOH, Dr. Agnes Binagwaho, made the announcement yesterday. ‘Let there be no doubt, there is neither target to carry out 700’000 vasectomies nor will there ever be one. It would be both unethical and a violation of human rights to allocate targets to family planning options of this nature’, she said. It was reported recently in the media that in a bid to curb the rapid population growth in Rwanda, the government said that 700’000 Rwandan men are expected to, voluntarily, enrol for vasectomy in the next three years. She added that the 700’000 target which has been mentioned erroneously in press reports is actually in regard to the government’s goal to protect men from HIV infection through voluntary circumcision. Binagwaho said that that particular initiative is based on extensive scientific studies carried out in both Kenya and South Africa that show circumcision can reduce a man’s chance of contracting HIV/AIDS by around 60%, she noted. ‘The Government of Rwanda clarified the situation with the World Health Organisation (WHO) as soon as the confusion arose, so that it is fully aware of the goals of the two initiatives and their positive aims for Rwandans’, she underscored. According to the WHO, vasectomy is one of the safest and most effective methods of contraception. Its advantages over female sterilization include lower rates of postoperative complications, shorter recovery time, reduced costs and increased involvement of men in reproductive decision-making. »

Il semblerait que certains médias catholiques aient amplifié et caricaturé le projet gouvernemental afin de susciter la réprobation et d’essayer de le tuer dans l’œuf, si j’en juge par un échange de correspondance entre un Belge et le responsable d’un site web « chrétien » (plus précisément catholique, car les deux termes ne sont pas synonymes : il est d’autres formes de christianisme que l’Eglise de Rome, peut-être plus proches de l’Evangile). Je tiens cet échange à la disposition de quiconque aimerait en prendre connaissance : contact.

Reste à faire accepter une intervention qui reste chez beaucoup d’hommes, surtout machos et peu sûrs de leur virilité, synonyme, à tort, de castration. En tant que psychanalyste, j’ai observé plus d’une fois le lapsus significatif « impuissance » pour « stérilité ».

La vasectomie est pratiquée depuis des années sur une vaste échelle en Chine, en Inde, en Thaïlande, en Corée, au Royaume-Uni, aux Etats-Unis et au Canada. Elle se fait sous anesthésie locale. Il suffit de sectionner et de ligaturer les canaux déférents qui conduisent les spermatozoïdes vers la prostate. Un Chinois, le docteur Li Shunqiang, a même mis au point une méthode encore plus simple et plus rapide, appelée « no-scalpel vasectomy ».

Ayant constaté qu’il n’existait aucun livre pour aider les couples à prendre leur décision – c’est le couple qui doit prendre la décision, pas l’homme seul -, j’ai écrit un livre qui, malgré son titre, est objectif, MIEUX QUE LA PILULE : la vasectomie. Il permet à chaque couple de se poser les bonnes questions avant toute décision. Beaucoup d’urologues le font lire aux candidats à la vasectomie et à leur partenaire.

Je déconseille vivement la vasectomie aux hommes peu sûrs de leur virilité et aux couples qui n’ont pas au moins deux enfants – dont si possible un garçon, le machisme ayant la vie dure. Cela dit, la vasectomie n’affecte pas le système hormonal (il fut même une époque où on la croyait « rajeunissante ») et, sauf au microscope qui ne trouvera plus de spermatozoïdes, les éjaculations se produisent exactement comme avant la stérilisation. Dans mon livre comme lors de conférences ou d’émissions de radio ou de télévision, je compare cela à un revolver à eau, rempli soit d’eau ordinaire, soit d’eau distillée : aucune différence pour le gosse qui joue !
Pour l’obtenir : contact. (1 ex. 10 CHF ou euros ; 3 ex. 20.- ; 6 ex. 30.- ; 12 ex. 40.- ; autres fortes réductions possibles si le Rwanda en désire pour sa campagne). Il existe une traduction en portugais de ce livre, mais pas encore en anglais ni en… kinyarwanda.

http://www.christophebaroni.info/rwanda.html

Posté par rwandaises.com