Ce 31 janvier 2016, les chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Union Africaine, en réunion au sommet à Addis-Abeba, ont entériné la décision de ne pas envoyer la force de protection des civils dans le conflit en cours au Burundi, sans l’autorisation préalable et formelle de Monsieur Nkurunziza. La décision avait été proposée la veille par les pays pourvoyeurs de troupes pour cette mission.

Et pourtant, quelques mois auparavant, Madame ZUMA, la Secrétaire Générale de l’Union Africaine, avait annoncé l’envoi imminent d’un contingent de 5000 hommes avec pour mission de protéger la population civile qui n’est pas partie prenante au conflit.

Tous les observateurs et analystes pointaient du doigt le pouvoir de Bujumbura. Les faits étaient en effet saillants : Nkurunziza avait donné l’ordre aux éléments de la police fidèles au régime de tirer sur les manifestants pacifiques contre le hold-up du 3ème mandat commis par Nkurunziza et son parti ; les dirigeants du CNDD-FDD s’étaient relayés pour prononcer des discours incitant à l’extermination de l’ethnie Tutsi ; des exécutions sommaires, des enlèvements, des tortures, des empoisonnements forcés des ressortissants de la communauté Tutsi, des émasculations et des enterrements dans des fosses communes des jeunes Tutsis, pour la plupart entre 13 et 40 ans, des viols collectifs de fillettes, filles et femmes Tutsi, encadrés et commis par les miliciens génocidaires hutus du Burundi et du Rwanda et par les policiers de la garde personnelle de Nkurunziza…

Tous ces crimes ont été méthodiquement mis en place et des centaines de milliers de Tutsis ont péri dans des conditions d’horreur et d’atrocité jamais égalées nulle part auparavant. La situation ne s’est guère améliorée depuis, les choses se sont même accélérées dans le sens du pire, et Nkurunziza et son régime sont les commanditaires et les seuls responsables du drame en cours. Il y a également consensus sur ce point.

Si alors depuis la première décision d’envoyer d’urgence des troupes pour la paix, la situation n’a fait que s’aggraver, pourquoi ce revirement spectaculaire aujourd’hui de l’aéropage de l’Union Africaine pour dire que la MAPROBU n’ira pas au Burundi ? D’aucuns avaient observé que l’urgence affirmée au départ avait cédé la place à l’hésitation, puis aux tergiversations, mais de là à penser que les leaders d’Etats africains allaient écarter sine die le projet, personne n’y était préparé.

La justification avancée de l’abandon de la MAPROBU a laissé pantois les Burundais et le monde. Les dirigeants africains ont expliqué que la force d’intervention ne sera pas dépêchée au Burundi parce que « Nkurunziza a refusé sa venue dans son pays » ! Autrement dit, si Nkurunziza ne veut pas de cette force, l’Union Africaine ne trouve plus de raison de l’envoyer. La conclusion à cela a été adroitement dégagée sur les réseaux sociaux par Maître Isidore RUFYIKIRI, Président du Mouvement Républicain pour la Renaissance de la Nation (MORENA) :

La MAPROBU avait été donc votée, non pas pour protéger la population civile que Nkurunziza est en train de décimer, mais pour protéger ce dernier ! Contre qui alors ? Nécessairement contre cette même population civile au cas où Pierre Nkurunziza n’en viendrait pas à bout sans cette appui précieux de ses pairs africains ! Maintenant que Monsieur Nkurunziza peut « travailler » sans l’aide de la MAPROBU, l’envoi de cette dernière n’a plus de raison d’être ! De toute manière, cette force est toujours disponible au cas où Nkurunziza en exprimerait le besoin, c’est ce qui a été dit !

Que reste-t-il alors aux Tutsi du Burundi face au génocide qui les décime à ce moment et face à la complicité flagrante dont l’Union Africaine vient de se rendre coupable ? Il n’est plus de besoin ni du balai encombrant des Présidents de cette Afrique bananière, ni des observateurs de l’Union Africaine. Les Tutsi génocidés doivent alors refuser toute collaboration avec l’Union Africaine qui a perdu à leurs yeux toute légitimité, pour avoir manqué gravement à sa mission élémentaire de porter secours à un peuple membre de l’Union en danger d’extermination.

Les Tutsi doivent se tourner une dernière fois vers l’ONU et vers les organisations et peuples amis. Si les « sages de l’Afrique » palabrant sous le grand baobab de l’Union Africaine à Addis-Abeba ont perdu toute africanité, on peut encore espérer que l’ONU n’a pas de même perdu toute humanité.

Que BAN KI MOUN vienne à Bujumbura en ce mois de février, avec pour mission de « convaincre » Nkurunziza d’accepter d’un côté l’intervention d’une force étrangère dans le pays, et de l’autre la négociation avec l’opposition en exil, les Tutsi du Burundi ne doivent pas se leurrer sur la portée de ce voyage. Ils doivent savoir d’ores et déjà que dans sa compréhension actuelle du moins, il ne présente pratiquement pas d’intérêt pour les victimes du génocide en cours.

D’abord il arrive trop tard, les morts sont excessivement nombreux, ils se comptent jour après jour, mois après mois, et le Secrétaire Général le sait très bien. Il y a quelques semaines, on recensait plus de 170 000 morts et encore plus de disparus dont le pouvoir génocidaire de Bujumbura cache l’enterrement dans des dizaines de fosses communes à Bujumbura et ses banlieues, à Karusi, Mubimbi, Bugarama, Maramvya,…

Aujourd’hui le nombre de morts retrouvés a déjà dépassé les 200 000 individus, en quasi-totalité Tutsis. A ce propos, le Secrétaire Général BAN KI MOON vient de reconnaître sur la Voix de l’Amérique que le Burundi compte plus d’un million de victimes de cette guerre absurde.

Ce voyage est ensuite sans intérêt pour la population burundaise en détresse dans la mesure où la communauté internationale s’obstine à passer par le dialogue avec le sanguinaire de Bujumbura pour libérer ses otages de la tuerie et de l’encerclement, au lieu de le forcer à ouvrir les portes du sauvetage d’un peuple qu’il est en train d’assassiner. On ne demande jamais à l’assassin d’arrêter son crime, on le neutralise et on le juge !

Le scenario le plus probable est à ce niveau que Nkurunziza, qui aura atteint la plupart de ses objectifs dans l’extermination des Tutsi au jour où BAN KI MOON débarquera à Bujumbura, acceptera du bout des lèvres les deux exigences (venue de la force de protection et dialogue avec l’opposition), mais en posant en plus ses conditions. La communauté internationale, dont la défaillance est énorme dans ce dossier, va accepter ce faux compromis dans l’espoir de sauver la face et réduire sa responsabilité. Et Nkurunziza s’en sera ainsi tiré, plus puissant que jamais.

Enfin, le voyage au Burundi du Secrétaire Général de l’ONU pourrait s’avérer inutile si les évidences sur ce qui se passe dans ce pays continuent à être occultées. L’ONU tout comme l’Union Africaine et l’EAC refusent de qualifier les crimes qui se commettent au Burundi de génocide contre les Tutsi. Nous constatons certes une certaine évolution du côté des Nations Unies.

BAN KI MOUN vient en effet de déclarer sur la Voix de l’Amérique que le Burundi a déjà enregistré plus d’un million de victimes de la guerre en cours, mais sans préciser que la tragédie se déroule sur fond de génocide et sans en désigner l’auteur. Il devrait pourtant franchir le pas puisque tous les analystes indépendants et bien avertis sont unanimes sur le sujet. Léonce NGENDAKUMANA, Président du FRODEBU et Président de la Coalition des partis d’opposition, Charles NDITIJE, Président de l’UPRONA, Maître Isidore RUFYIKIRI, Président du Mouvement Républicain pour la Renaissance de la Nation, tous Hutus, reconnaissent sans la moindre nuance que le génocide est en cours et qu’il est dirigé contre les Tutsi du Burundi.

Il en est de même de Madame Beate KLARSFELD, ambassadrice d’honneur de l’UNESCO et envoyée spéciale pour l’éducation sur l’holocauste et la prévention du génocide, et de François DUPAQUIER, écrivain et journaliste, et de bien d’autres encore.
En foi de quoi, i n’y a rien à attendre du prochain voyage des chefs d’Etat africains au Burundi. Ils ne viendront que pour donner quitus à Monsieur Nkurunziza pour le génocide qu’il aura bien accompli contre les Tutsi de ce pays.

De l’ONU et de BAN KI MOUN seulement deux choses, il est vivement attendu qu’ils s’accordent d’une part sur la reconnaissance que la barbarie en cours au Burundi est un génocide flagrant dont les auteurs et commanditaires sont Monsieur Nkurunziza et ses oligarques, et d’autre part, l’envoi immédiat et sans condition d’une force armée en effectifs suffisants et bien équipée pour arrêter le génocide et protéger les survivants civils du conflit.

Si rien n’est fait de tout ce qui précède, les Tutsi du Burundi devront compter sur leur propre force, redoubler d’effort pour défendre leur vie, leur patrie et leur dignité.


Publié le 8-02-2016 – à 10:32′ par Jean Jacques MAKUNGU

http://fr.igihe.com/politique/geopolitique/genocide-des-tutsi-du-burundi-en-cours-et-le-non.html

Posté le 08/02/2016 par rwandaises.com