Kinshasa se tait tandis que le dialogue démarre entre le pouvoir et l’opposition

Cahin, caha…. Convoqué en novembre 2015 par le président Kabila en vue de préparer des élections «apaisées» (c’est-à-dire retardées…) le dialogue congolais a finalement démarré, sous la houlette d’ Edem Kodjo. Désigné comme « facilitateur » par l’Union africaine et surnommé « complicateur » par une partie de l’opinion, l’ancien président togolais, qui s’est vu adjoindre un autre chef d’Etat lui aussi spécialiste des prolongations, le Brazzavillois Denis Sassou Nguesso, a entamé les travaux préparatoires à la date prévue.
Cependant, le dialogue est loin d’être aussi « inclusif » que le souhaitait le chef de l’Etat et au lieu d’unir les protagonistes, il sème la division, au sein de l’opposition en tous cas. En effet, la séance d’ouverture du dialogue s’est déroulée en présence de délégués de la majorité présidentielle, d’une frange de l’opposition et de la société civile et de diplomates étrangers. Mais des personnalités de poids, comme MM. Tshisekledi et Moïse Katumbi brillaient par leur absence.
Selon M. Kodjo, « ces travaux préparatoires doivent jeter les bases d’un processus de dialogue inclusif autour d’un thème central, l’organisation d’élections pacifiques, crédibles, transparentes, conformes à la Constitution congolaise et aux instruments normatifs régionaux et internationaux. »
Alors que la commission électorale indépendante (CENI ) vient de déclarer officiellement que des élections ne seraient pas envisageables avant juillet 2017, c’est-à-dire sept mois plus tard que la date initialement prévue, le climat est loin d’être apaisé : conduite sur le sentier de la guerre par Etienne Tshisekedi qui, après avoir secrètement négocié avec le pouvoir a fini par rallier le camp des durs, une partie de l’opposition a boycotté la rencontre et appelé la population à observer les consignes de « Ville morte ».
Autres temps, autres situations : à l’époque du président Mobutu, les consignes de « Ville morte » étaient suivies avec une ferveur quasi religieuse par une population qui, presque unanime, exigeait le départ du dictateur et la nomination de Tshisekedi au poste de Premier Ministre. Cette fois, les enjeux sont moins clairs, les soupçons de collusions cachées hantent les esprits. Le parti de Vital Kamerhe, Union pour la nation congolaise, a refusé d’appeler au boycott du dialogue, estimant que refuser de discuter avec le pouvoir n’aura pour effet que retarder davantage encore le processus électoral. Seul le « Rassemblement de l’opposition » conduit par le parti de Tshisekedi er par l’ancien gouverneur du Katanga Moïse Katumbi a boycotté les travaux préparatoires et choisi d’appeler à la » Ville Morte ».
D’après les journalistes présents,l’appel a été inégalement suivi : au grand marché de Kinshasa, deux magasins sur cinq avaient ouvert, les bouchons des heures de pointe étaient inexistants mais la ville n’était pas réellement paralysée. En province, à Lubumbashi (Katanga) Goma et Bukavu (Nord et Sud Kivu), Kisangani (Province orientale) les activités se sont déroulées normalement, comme à Beni, encore traumatisée par les récents massacres à la machette, dont les auteurs n’ont pas été formellement identifiés, nul ne croyant qu’il s’agisse uniquement des rebelles ougandais musulmans ADF Nalu…
Destinée à faire pression sur le «camp présidentiel » pour que les délais légaux soient respectés, la journée Ville Morte s’est terminée sur un bilan en demi teinte, ce qui s’explique tant par la division de l’opposition que par le fait, beaucoup plus concret, que la grande majorité des Kinois vivent au jour le jour et qu’à la veille d’une rentrée scolaire dispendieuse (les parents contribuent au salaire des enseignants…)ils ne peuvent se permettre de boycotter leur emploi ou leur gagne pain, aussi précaires soient ils.
Le pouvoir aurait cependant tort de voir dans ce demi succès, ou demi échec, un signe de soutien au « glissement » : c’est lorsqu’arrivera la date fatidique du 20 décembre 2016, jour de l’expiration du deuxième mandat de M. Kabila, que sonnera réellement l’heure de vérité…

http://blog.lesoir.be/colette-braeckman/

Posté le24/08/2016 par rwandaises.com