S’achemine-t-on vers une guerre ouverte entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda ? Les relations déjà tendues entre les deux pays semblent s’être encore détériorées avec la récente montée au créneau du président congolais.
En sonnant l’alerte dans un discours adressé à la Nation, dans lequel il a appelé à la mobilisation de tous les Congolais pour enrayer la menace Nkunda, Joseph Kabila a accusé, à mots couverts, le Rwanda d’être le principal soutien au chef rebelle congolais Laurent Nkunda. A présent qu’il a identifié, avec preuves à l’appui selon Kinshasa, le pays par qui tous les malheurs arrivent au Congo, Kabila-fils ira-t-il alors jusqu’à déclarer la guerre à son voisin ? Et alors que s’installe la psychose d’une confrontation directe, Joseph Kabila prendrait-il le risque de mener une guerre contre le Rwanda, lui qui n’en a pas encore fini avec le champ de bataille du nord Kivu et qui va devoir faire face à un autre front rouvert dans la province de l’Iturie ? Rien n’est moins sûr.
Ce serait en tout cas, une autre épreuve pour l’armée régulière, déjà incapable de porter l’estocade à la bande armée de Laurent Nkunda. En tout état de cause, la récente reprise des hostilités entre les deux armées congolaises, qui menace de signer l’acte de décès des accords de Goma, est révélatrice de l’extrême gravité de la situation. Quelle est à présent la marge de manoeuvre des organisations internationales comme l’ONU et l’Union africaine face à l’évidence d’une crise qui se complique davantage et dont les tenants et les aboutissants dépassent les limites géographiques de la RDC ? D’autant que même lorsque les combats étaient circonscrits au seul Congo, ces organisations ont montré leur impuissance.
C’est en effet, enfoncer une porte déjà entrouverte que de dire que la RDC, ce scandale géologique a toujours été l’objet de convoitises de ses voisins, et qu’elle est victime de son gigantisme. D’où la question de savoir s’il est possible de gérer ce vaste pays qu’est l’ex-Zaire avec l’organisation centralisée actuelle. Comment gérer un pays où l’autorité du pouvoir central est sans cesse malmenée, à tout moment contestée par des chefs de guerre qui ne tiennent pas le moins du monde à céder la moindre partie de leurs privilèges ?
Et qui se savent si puissants qu’ils se mettent à rêver d’un destin national. Certes, la RDC a récemment signé son entrée dans l’ère démocratique en organisant les premières élections pluralistes de son histoire. Mais on a toujours en mémoire les dérapages survenus juste après ces élections, qui finirent par révéler l’incapacité du pays à rompre avec les démons du passé pour opérer sa mue démocratique. Si l’arrestation par La Haye, de son ennemi intime, l’ancien seigneur de guerre Jean-Pierre Bemba s’est présentée, à ses yeux, comme un cadeau du Ciel, Joseph Kabila va maintenant devoir résoudre une autre équation tout aussi importante : comment se débarrasser du chef rebelle, Laurent Nkunda qui continue à lui tenir tête ?
On ne saurait cependant réduire les sources des problèmes du Congo à d’uniques questions de convoitises extérieures et de gigantisme. La RD Congo, à l’instar d’autres pays du continent, connaît des problèmes purement domestiques auxquels les dirigeants n’ont pas toujours su apporter des réponses claires et adéquates. Le nouveau Premier ministre congolais, Adolphe Muzito, n’a pas cru si bien dire en affichant sa volonté de placer son mandat sous le double signe du retour à la paix et de la lutte contre la pauvreté. Quel contenu Joseph Kabila donne-t-il à la légitimité que lui confère sa victoire aux dernières élections, en termes de réponses aux aspirations du peuple congolais ?
S’il se considère comme le président de tous les Congolais, quelles mesures prend-il pour la satisfaction des besoins de tous les Congolais, sans exclusive ? Ce sont autant de questions que Kabila-fils ne devrait jamais perdre de vue s’il veut s’attirer le moins possible, la contestation de son pouvoir et mettre autant que faire se peut, celui-ci à l’abri. Les exemples sont légion sur le continent, qui indiquent comment bien des populations désespérées, ne croyant plus en leurs dirigeants en panne d’idées et d’innovations, cèdent facilement aux sirènes de quelques aventuriers qui se présentent en messies, et qui constituent de véritables menaces pour la stabilité sociale.
Pour autant, l’instabilité ne devrait pas être un alibi pour excuser le pouvoir de Kinshasa, dont la responsabilité première est de conduire la RDC sur les sentiers du développement. Une victoire sur ce front contribuerait assurément à mieux asseoir la crédibilité du pouvoir de Kabila, et à renforcer ses assises. Et du coup, à enlever tout argument aux faiseurs de guerre.
Le Pays 13 octobre 2008
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