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KIBATI ENVOYÉ SPÉCIAL
A force d'avancer discrètement, mais inexorablement, vers les positions gouvernementales qui ont repris pied aux portes de Goma pour défendre la capitale de la région du Nord-Kivu, à l'extrême est de la République démocratique du Congo (RDC), les rebelles de Laurent Nkunda étaient assurés de passer à l'affrontement à un moment donné. Vendredi 7 novembre, c'est chose faite.
En contrebas du volcan Nyiragongo, dont les dernières coulées de lave couleur suie descendent jusque sur la piste de l'aéroport de Goma, les Forces armées de RDC (Fardc) vont au contact des rebelles du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP). Les semaines passées, les troupes loyalistes avaient décroché en permanence, ouvrant pratiquement la route de Goma aux rebelles. Cette fois, ils tiennent, ils répliquent et ils ne reculent plus, au moins le temps d'une journée.
Sur les hauteurs de Kibati, à dix kilomètres de Goma, les hommes du CNDP ne sont qu'à deux cents mètres. Eclatent les premiers tirs. Droit comme un "i" au milieu de la route déserte, un colonel des Fardc, longue badine à la main, lance ses hommes à l'assaut tandis que sifflent les balles. L'objectif des rebelles est juste derrière la masse de bananiers : une grande antenne de communication qui surplombe la route descendant en longues courbes vers Goma, visible tout en bas, au bord du lac Kivu. On se bat à présent pour cette position.
L'officier cingle le dos d'une recrue au courage faiblissant et l'envoie dompter sa peur en courant vers les balles. "On doit défendre nos enfants, on doit défendre notre pays, alors en avant!" Et de marcher vers les tirs ennemis sur un sol hérissé de blocs de basaltes coupant comme des rasoirs, communiquant en portugais par talkie-walkie avec un supérieur. Des éléments envoyés par l'Angola appuient les Fardc. Sous le feu, on ne cherche plus à le dissimuler. En face, les rebelles de Laurent Nkunda comptent des soldats rwandais parmi eux. Chaque camp nie être aidé par un pays ami.
Les forces congolaises tirent au mortier, installent une mitrailleuse de 12,7, tandis que les blessés descendent peu à peu vers Goma. Le feu ne faiblit pas. Combien de temps ces hommes peuvent-ils tenir sans renforts? "On n'a pas besoin de renforts, on a la force", crie un officier avant de disparaître sous les arbres pour reprendre l'assaut. Peu à peu, les rebelles reculent. Bientôt, des troupes loyalistes fraîches montent appuyer les soldats de l'avant. Il flotte un climat de petite victoire, non négligeable pour des troupes démoralisées jusqu'à présent.
Au même moment, très exactement, se tenait à Nairobi un sommet international pour tenter d'éteindre le conflit au Nord-Kivu. En fin de journée, ses participants, chefs d'Etats africains, représentants de l'Union africaine (UA) et des Nations unies se mettaient d'accord pour exiger un "cessez-le-feu immédiat" et l'ouverture d'un couloir humanitaire. A terme, il s'agirait également de désarmer les groupes rebelles, aussi bien le CNDP que les groupes hutus rwandais qui ont leurs bases arrière au Kivu.
"CLIMAT NOUVEAU"
Le "sommet pour rien", comme l'ont déjà qualifié les rebelles du CNDP, qui en rejetaient les conclusions par avance et continuent d'exiger des négociations directes avec le président congolais, Joseph Kabila, a aussi permis de lancer un projet de déploiement d'une force africaine. Alain Joyandet, le secrétaire d'Etat français chargé de la coopération, y voit le signe d'un "climat nouveau".
Le sommet de Nairobi consacre donc aussi l'abandon du projet de force européenne au Kivu, qui était défendue par Bernard Kouchner et reprise par un groupe d'ONG. Dans un délai d'un mois, une réunion de suivi doit examiner les progrès sur le terrain congolais et dessiner les grandes lignes du désarmement, notamment celui des FDLR (rebelles hutus rwandais), "priorité des priorités car c'est enlever un prétexte" au CNDP pour se battre, selon M. Joyandet.
Dans l'intervalle, la Mission de l'ONU en RDC, la Monuc, devrait être "reformatée" pour muscler son dispositif à l'Est, en plein désarroi depuis plusieurs semaines. Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, compte demander 3000 hommes supplémentaires pour renforcer les 17 000 hommes qui composent actuellement la mission.
Jusqu'à ce jour, les casques bleus de la Monuc ne sont pas parvenus à remplir leur mission d'interposition. Pas plus qu'ils ne sont en mesure de protéger les populations civiles. L'illustration la plus frappante en a été donnée les jours derniers à Kiwandja, une ville au nord de Goma, où les soldats de Laurent Nkunda reprenaient le contrôle en tuant dans le désordre miliciens ennemis et civils, alors que les soldats indiens de la Monuc, pourtant équipés de blindés, demeuraient pétrifiés dans leur camp.