L'ouverture d'un corridor humanitaire à destination de milliers de réfugiés au Nord-Kivu reste problématique bien que le chef des rebelles tutsis Laurent Nkunda se soit déclaré favorable à une assistance en faveur des populations civiles de la province.
Réunis en sommet à Nairobi vendredi, les dirigeants des pays des Grands Lacs ont appelé à un cessez-le-feu en République démocratique du Congo, mais la poursuite, samedi, de combats sporadiques compliquait sérieusement la tâche des organisations humanitaires.
"Il faut que nous puissions accéder d'urgence à ces zones afin de porter secours aux populations", a expliqué Marcus Prior, membre du Programme alimentaire mondial.
Des échanges de tirs ont été entendus samedi matin près de Kibati à 12 kilomètres au nord de Goma, capitale de la province, où se trouve la ligne de front entre les troupes de Nkunda et l'armée régulière.
Plus au nord, près des villes de Rutshuru et de Kiwanja, les organisations humanitaires n'ont pas réussi à rallier des camps où se sont réfugiées des milliers de personnes fuyant les combats.
"Nous sommes en train d'évaluer la situation afin de voir si le corridor évoqué lors du sommet de Nairobi peut être ouvert. Il y a énormément de choses à faire à Rutshuru et dans plusieurs autres endroits, mais tout a été interrompu", a précisé Kavin Cook, porte-parole de l'association World Vision à Kibati.
"Nous voudrions que le corridor soit ouvert jusqu'à Rutshuru, mais je ne pense pas que cela va se faire", a-t-il ajouté.
Les rebelles de Nkunda ont chassé les milices loyalistes Maï-Maï de la ville de Kiwanja mercredi et les casques bleus de la Monuc ont signalé des massacres de civils dans cette localité.
NOUVEAUX MOUVEMENTS DE POPULATIONS
Abandonnant la rhétorique guerrière qu'il pratique d'ordinaire, Nkunda a déclaré samedi qu'il n'était pas opposé à l'acheminement de l'aide aux réfugiés dans les zones situées de l'autre côté de la ligne des combats.
"Ils (les participants au sommet de Nairobi) ont parlé de cessez-le-feu et d'un corridor humanitaire. C'est exactement ce que nous avions demandé", a déclaré Nkunda, joint au téléphone samedi dans son QG sur les hauteurs près de Goma.
Mais il a prévenu la force régionale de maintien de la paix dont le principe a été retenu au sommet de vendredi que son rôle devait rester strictement humanitaire, faute de quoi elle serait traitée en ennemie.
"S'ils viennent ici pour vraiment mettre en place un cordon humanitaire, cela ne me pose pas de problème. S'ils viennent ici pour des raisons politiques et non pour la paix, nous les traiterons comme nous traitons la Monuc. Ils seront considérés comme des alliés du gouvernement", a-t-il précisé.
Bien que forte de 17.000 hommes, soit le plus gros contingent de casques bleus actuellement en opération, la Monuc affirme ne pas pouvoir couvrir efficacement un territoire grand comme l'Europe de l'Ouest.
La mission onusienne se révèle impuissante à assurer la sécurité contre les bandes armées qui depuis des années sillonnent le pays, tuant, pillant, violant et enrôlant des enfants dans leurs rangs.
Un haut responsable de la misson a souhaité vendredi que le Conseil de sécurité de l'Onu examine d'urgence la proposition du secrétaire général Ban Ki-moon en faveur d'une augmentation des effectifs de plus de 3.000 policiers et militaires.
"Nous nous inquiétons vraiment de voir la situation se détériorer encore plus", a dit Edmond Mulet, adjoint de Ban en charge des opérations de maintien de la paix, après une visite sur le terrain.
Plus d'un million de personnes ont été déplacées au cours des deux dernières années au Nord-Kivu, dont 250.000 depuis le mois de septembre.
La poursuite des combats vendredi malgré le cessez-le-feu unilatéral décrété par Nkunda la semaine passée a provoqué de nouveaux mouvements de populations.
"J'ai entendu des coups de feu et des explosions à Kibati, hier. J'ai abandonné mes affaires et je me suis enfui en courant", raconte un adolescent de 12 ans, réfugié dans le camp voisin de la localité. "Je ne sais pas où sont mes parents. La nuit dernière, j'ai dormi dans une plantation de bananes."
Version française Pierre Sérisier