(La Libre 03/11/2008)

Succès diplomatique pour Louis Michel, qui a devancé De Gucht et Kouchner. L’assemblée nationale congolaise amène une avancée significative.

Analyse

Succès diplomatique indéniable pour le commissaire européen au Développement Louis Michel, qui est rentré samedi d’Afrique centrale avec l’accord des présidents du Congo-Kinshasa, Joseph Kabila, et du Rwanda, Paul Kagame, de se rencontrer lors d’un sommet.

Ce sommet, baptisé "Nairobi-2" par le Belge, est destiné à trouver les moyens de mettre réellement en application le communiqué conjoint de Nairobi, signé en novembre2007 par les ministres des Affaires étrangères du Congo et du Rwanda. Kinshasa s’engageait à élaborer un plan pour "éliminer la menace" que constitue pour les deux nations la présence au Kivu des FDLR (rebelles hutus rwandais issus des génocidaires), qui y sévissent depuis la défaite des génocidaires au Rwanda, en juillet1994. Kigali s’engageait à n’apporter aucune aide au rebelle tutsi congolais Laurent Nkunda.

Ce que De Gucht ne pouvait

Ce succès diplomatique n’entre pas directement dans les compétences de M.Michel, parti jeudi à Kinshasa pour s’informer des besoins humanitaires suscités par l’offensive victorieuse de Nkunda contre l’armée congolaise, qui s’est débandée, et la fuite de dizaines de milliers de civils.

Le Belge a toutefois tiré profit de ses relations personnelles avec les présidents Kabila et Kagame pour obtenir ce précieux résultat, travail que le ministre belge des Affaires étrangères, Karel De Gucht, ne pouvait effectuer en raison de ses mauvaises relations avec le président du Congo. M.De Gucht ne s’est donc rendu qu’à Kigali – ce qui ne plaît guère aux Rwandais parce que cela a l’air de signifier qu’ils sont la cause du problème kivutien, ce dont ils se défendent en affirmant que c’est d’abord un problème congolo-congolais.

"L’élément qui change, c’est que Kinshasa est prêt à discuter avec tout le monde, y compris avec le CNDP" de Laurent Nkunda, a déclaré Louis Michel à Belga à son retour à Bruxelles, samedi.

Position assouplie

Comme à chaque fois que l’armée congolaise subit une défaite importante face au CNDP, en effet, le président congolais assouplit sa position, jusqu’ici fort intransigeante.

Ce sont déjà des revers militaires importants, à la fin 2007, qui avaient permis la signature, en janvier2008, à Goma, d’Actes d’engagement à cesser-le feu, par tous les groupes armés et par l’armée congolaise. Las, au cours des mois, les partisans d’une "solution militaire finale" au problème Nkunda avaient repris du poil de la bête, côté gouvernement, et les "provocations" – selon les mots d’Alan Doss, chef civil de la Monuc (Mission de l’Onu au Congo) – avaient relancé les combats fin août, Nkunda profitant de chaque reprise du feu pour avancer hors de ses positions.

A-t-on une chance de ne pas voir se répéter encore ce scénario? Oui, car un élément de poids est intervenu cette fois.

La semaine dernière, en effet, l’assemblée nationale congolaise a élaboré un "plan de sortie de crise à l’est de la République démocratique du Congo" (voir ci-dessous) particulièrement novateur au regard de ce qui se disait jusqu’ici à Kinshasa au sujet de la guerre au Kivu. Issue des représentants de la nation, cette initiative devrait empêcher les ennemis de Joseph Kabila – qui ne cessent, depuis plusieurs années, de "l’accuser" d’être Rwandais – d’inhiber toute solution audacieuse, propre à débloquer un piège meurtrier pour les Kivutiens et paralysant pour le Congo tout entier.

Marie-France CROS

Mis en ligne le 03/11/2008

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