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Photo: Keishamaza Rukikaire/IRIN |
Des patients attendent d’être reçus au centre de santé de Mayange |
Pour assurer que les systèmes de santé bénéficient aux personnes qui en ont besoin, il ne suffit pas de veiller à bien équiper les hôpitaux : investir dans la gestion efficace des finances, la distribution efficace des médicaments et la gestion des données est également essentiel pour garantir le succès du secteur de la santé publique.
« Les bailleurs de fonds se sont focalisés sur l’approvisionnement en médicaments et en équipement, mais beaucoup de petites interventions managériales peuvent faire en sorte que les prestataires de santé deviennent des opérateurs plus efficaces, et améliorer ainsi leur capacité à servir les communautés », selon Josh Ruxin, directeur du projet Accès, un programme sanitaire axé sur l’amélioration de la gestion des systèmes de santé, et créé par l’université Columbia, aux Etats-Unis.
Ce projet, déployé dans plusieurs pays d’Afrique, a été lancé au Rwanda en 2003, pour aider le gouvernement à mettre en place les programmes financés par le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.
En 2006, a expliqué Blaise Karibushi, le directeur pays du projet, le gouvernement rwandais a adopté une politique de décentralisation, dans le cadre de laquelle les processus décisionnels, auparavant du ressort du gouvernement central, sont devenus la responsabilité des autorités locales. Mais le personnel des centres de santé régionaux manquait de compétences en gestion, et n’était donc pas en mesure d’offrir des soins de qualité.
Le projet a permis de pallier ce problème en formant le personnel à la gestion des finances, des données sanitaires et des médicaments, aux ressources humaines, à la planification et à la rédaction de rapports, ainsi qu’à la gestion des infrastructures et du système de mutuelle, le fonds national d’assurance maladie rwandais.
« En gros, ce que nous faisons, c’est appliquer les principes de la gestion d’entreprise au secteur de la santé publique », a expliqué M. Ruxin. Les personnels de plusieurs centres de santé ont notamment appris à utiliser un système de comptabilité informatisé (ce qui a permis d’améliorer la tenue de leurs comptes), et à éviter l’épuisement ou l’expiration de leurs stocks de médicaments en déterminant à l’avance, et de manière plus précise, leurs besoins en médicaments.
Selon Théophile Ndabereye, infirmier en chef et directeur du centre de santé de Mayange, à Bugesera, dans l’est, son centre, qui sert environ 25 000 personnes dans la région la plus pauvre du Rwanda, n’exerçait aucun contrôle véritable sur son stock de médicaments avant que le personnel n’acquière les compétences nécessaires pour pouvoir déterminer ses besoins à l’avance.
Des services de qualité
Le centre, dont la salle d’attente est bondée, se trouve dans un bâtiment en briques immaculé. M. Ndabereye montre fièrement les services et la réserve de médicaments extrêmement bien organisés de son centre, tandis qu’une femme sur le point d’accoucher arpente les couloirs, soutenue par un membre de sa famille et une infirmière.
« La différence que le projet Accès a apportée dans notre centre de santé est énorme », a confié M. Ndabereye à IRIN/PlusNews. « Avant, nous ne recevions que 200 à 300 personnes par mois, mais aujourd’hui, on peut facilement en recevoir environ 3 000 ; les gens savent qu’ils peuvent bénéficier de services de qualité et qu’ils ne sont pas obligés d’aller à l’hôpital, à moins que leur état ne soit très grave ».
Avec l’aide du projet Accès, le centre a introduit le conseil et dépistage volontaires du VIH, et a porté d’environ 80 à 140 par mois le nombre de femmes enceintes soumises à des tests de dépistage du VIH. Le programme de prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant (PTME) a également été déployé, et le nombre de femmes qui accouchent au centre a augmenté.
« Avant, seules cinq ou six femmes par mois accouchaient ici ; la plupart choisissaient de donner naissance à leur enfant chez elles, parce que les services qu’on leur offrait n’étaient pas bons […] aujourd’hui, environ 60 à 70 femmes viennent accoucher ici », s’est félicité M. Ndabereye.
Il reste néanmoins un certain nombre de problèmes à régler, a noté M. Karibushi : notamment, certains centres de santé du Rwanda n’ont pas encore l’électricité ni l’eau courante, un problème en matière d’hygiène et de réfrigération des médicaments ; en outre, « le processus de formation est constant car de nombreuses personnes démissionnent pour trouver un meilleur emploi lorsqu’elles ont achevé leur formation ».
Le projet Accès avait été lancé dans trois régions, mais il a également été déployé dernièrement dans trois autres : ce sont au total plus de 70 centres de santé qui bénéficient désormais de ce projet.
Le résultat espéré est que ces centres de santé améliorés serviront de modèles que le gouvernement pourra imiter pour moderniser les centres de santé de l’ensemble du pays, récemment décentralisé.
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