Nicolas Sarkozy et Jacques Chirac assistent aux funérailles du président gabonais. Olivier Thimonier, secrétaire général de l’association Survie, qui milite en faveur de l’assainissement des relations franco-africaines, a répondu à vos questions.

Le président français Nicolas Sarkozy et une quinzaine de chefs d’Etat d’Afrique, essentiellement

Le président français Nicolas Sarkozy et une quinzaine de chefs d’Etat d’Afrique, essentiellement francophone, devaient assister mardi aux obsèques d’Omar Bongo Ondimba, qui a passé 41 ans à la tête du Gabon et dont la succession s’annonce difficile. (© AFP Issouf Sanogo)

Att. Qu’a représenté Omar Bongo pour la France?
Olivier Thimonier. Omar Bongo a été pour la France l’un de ses meilleurs agents en Afrique, ancien sous-officier de l’armée française, membre des services secrets français, il a été propulsé à la tête du Gabon, en 1967, par le général de Gaulle, et son éminence grise Jacques Foccart. L’objectif était de maintenir le Gabon sous l’emprise française, avec en ligne de mire l’exploitation du pétrole par Elf.
Le Gabon de Omar Bongo a également été par la suite une plaque tournante pour de nombreuses interventions françaises sur le continent. Par exemple, durant la guerre du Biafra, au Nigéria, de 1967 à 1970. Dans les tentatives de coups d’Etat contre le président Kérékou, au Bénin, dans les années 70. Ou encore dans le soutien à Denis Sassou Nguesso et à la guerre civile au Congo Brazzaville, en 1997, financé par la France et Elf.

Firmin. Le président Mitterrand a envoyé des militaires français au Rwanda de 1990 à 1993 afin de soutenir militairement le régime du dictateur Habyarimana. Il l’a fait sans demander l’accord du Parlement, et sans informer les députés. Est-ce qu’une telle situation est toujours possible juridiquement dans notre démocratie?
Je confirme en effet que le François Mitterrand a, de manière unilatérale et personnelle, décidé d’envoyer des militaires français à la rescousse du régime ethniste de Habyarimana. Aujourd’hui encore, il y a un manque de transparence dans la décision d’envoyer à l’étranger des militaires français. Le seul contrôle du Parlement à ce sujet a lieu, à posteriori d’une telle décision, notamment lorsqu’il s’agit de prolonger des missions militaires supérieures à quatre mois.
Afin qu’il y ait un meilleur contrôle démocratique sur les interventions françaises en Afrique, il faudrait que le Parlement soit associé à la réflexion d’envoyer des militaires français sur le terrain, et qu’il vote cela.

?. Comment expliquer la présence de deux présidents de la république à l’enterrement de Omar Bongo et aucun pour Léopold Senghor?
La présence de deux présidents français révèle le lien très étroit entre le président Bongo, et plus généralement avec la Cinquième République. C’est une sorte d’hommage qui est rendu au président Bongo, probablement en reconnaissance de tous les services qu’il a pu rendre à la France, notamment, à ces deux présidents-là. C’est aussi une façon pour la France de marquer de manière symbolique le respect d’une certaine confiance, et d’assurer le régime gabonais du soutien français.

Bongo. Est-ce que Bongo avait pensé à sa succession? qui est pressenti pour lui succèder? Y aura-t-il des élections?
Il est clair que depuis plusieurs mois la succession se prépare à Libreville, notamment autour de deux principaux personnages: le fils de Omar Bongo, Ali, et sa fille Pascaline.
 Je ne sais pas aujourd’hui s’il y aura des élections organisées – bien que la Constitution gabonaise le prévoit – ni quelle sera l’issue de ces élections, si elles ont lieu. Mais il est clair que le clan au pouvoir à l’intention de s’y maintenir, et cherchera les moyens politiques pour réussir.

Hadrien. Les Gabonais sont-ils aussi affecté par le décès de leur président, comme nous le montre en boucle les télés?
Il semble en effet que de nombreux gabonais soient affectés par le décès de Omar Bongo. Malgré cela, nombreux sont ceux qui sont en désaccord avec la manière dont il a géré le pays, ce qui n’enlève probablement pas chez eux un deuil d’un personnage qui a tout de même occupé pendant plus de quarante ans l’espace politique. Aujourd’hui, l’heure est au deuil et au recueillement, et il semble que ce soit la priorité des gabonais, ceci ne doit pas occulter les graves difficultés économiques, sociales, et politiques auxquelles ils ont à faire face, qui sont le résultat d’une gestion catastrophique du pays par Omar Bongo et son entourage.

Alx. Des militants de la société civile gabonaise furent récemment emprisonnées (Marc Ona il me semble, et des militants de Publish what you pay). Quelle est leur situation actuellement? Que pont-on attendre du nouvel exécutif gabonais quant à leur situation?
 Il faut espérer que la société civile ne soit pas à nouveau l’objet de mesures de répression, de limitation de la liberté d’expression et d’action. Nous verrons dans les jours qui viennent quelles attitudes les autorités politiques gabonaises auront vis-à-vis de ces militants, mais il est clair que ces militants posent problème au régime, qu’il y a fort à penser qu’ils seront à nouveau inquiéter dans l’avenir, ce n’est seulement le système bongo qu’ils dénoncent, pas seulement le chef de l’Etat, mais aussi son entourage.

Samito. De lourds secrets ne vont-ils pas disparaître dans la tombe de Bongo?
Oui, il y a de fortes chances, puisque Omar Bongo a trempé dans de multiples affaires, qu’il a rendu de nombreux services à l’ensemble de la classe politique française, il a joué pour la France un rôle de bras droit dans sa politique en Afrique. Il est ainsi au carrefour de tout un tas d’intérêts politiques, économiques, militaires de la France en Afrique.

Alx. Vincent Bolloré, Christophe de Margerie (Total), Martin Bouygues, ou des représentants de BNP, Air France, Rougier étaient-ils présents à la cérémonie aujourd’hui? Quelle semble être la stratégie de l’exécutif français pour maintenir à ceux qui en avaient une, une place de choix dans l’exploitation des ressources gabonaises?
La diplomatie française intercède en effet régulièrement auprès des chefs d’Etat africains afin de défendre les intérêts de grands groupes français, et amener les chefs d’Etat africains à accorder des marchés à ces entreprises. En échange de quoi, la diplomatie accorde un soutien politique, diplomatique, financier, (via l’aide publique au développement) voire militaire, à ces régimes. Ce qui contribue à renforcer une certaine stabilité, dont les entreprises françaises ont justement besoin pour travailler.
 A Survie nous considérons cette politique dangereuse, d’une part parce qu’elle n’est pas viable à long terme, et d’une part, parce qu’elle renforce la dictature, encourage à la corruption, la mauvaise gestion des ressources naturelles et, in fine, nuit au développement économique, mais aussi au développement politique des pays concernés. En tant qu’association de citoyens français, Survie demande que la France promeuve au contraire la démocratie, la bonne gouvernance, et les droits de l’homme dans les pays avec lesquels elle coopère. Les droits et les libertés des populations ne doivent pas être sacrifiés sur l’hôtel des intérêts des entreprises françaises en Afrique.

Posté par rwandaises.com