(Syfia Grands Lacs/Rwanda) Des habitants de Kigali, chassés de leurs maisons, préfèrent s’installer dans les campagnes. Ils y construisent, sans tracasseries, de belles maisons, attirent commerces et services et apportent de nouveaux modes de vie. Au grand plaisir des villageois.
Depuis quatre ans, pour faire de Kigali une ville propre et moderne, les autorités emploient les grands moyens : les règles de construction sont très strictes et toute maison bâtie sans autorisation ou sans respecter le plan directeur est détruite. « Depuis six mois, une centaine de maisons frappées par cette mesure ont été démolies par les autorités urbaines, sous bonne garde policière », estime un activiste des droits de l’homme de Kigali. « Notre vision ne supporte plus les constructions anarchiques qui avilissent notre belle ville, met en garde un responsable de l’urbanisme dans Kigali. Ceux qui ne sont plus en mesure de construire suivant les normes de la ville doivent être expropriés et voir où se réinstaller ailleurs. »
La campagne redynamisée
Ceux qui sont ainsi chassés, insuffisamment dédommagés, sont du coup contraints d’aller dans des régions rurales ou à la périphérie des villes. »Quand on a rasé ma maison dans Kiyovu (beau quartier de Kigali, Ndlr) , j’ai décidé de me reloger un peu loin de la ville », témoigne Gratien, récemment installé à Muyumbu, dans le district de Rwamagana, à une trentaine de kilomètres de la capitale. Cet ancien citadin, commerçant moyen, propriétaire d’une camionnette passe chaque jour à Kigali pour livrer des denrées alimentaires à ses anciens clients. « Aujourd’hui, je suis soulagé, car j’ai pu me construire une nouvelle maison sans me confronter aux tracasseries. A la campagne, il y beaucoup de facilités », dit–il.
Comme lui, près de 70 familles ont quitté Kigali pour s’installer dans cette localité de l’Est. « Avec l’arrivée de ces riches des villes, nous avons tout le nécessaire, les boutiques pleines de bons produits, des techniciens qui développent différentes activités. Il y a même un médecin qui vient de monter un cabinet ici au village », témoigne un villageois de Ruyenzi, Kamonyi. Très vite, ces nouveaux venus imposent leurs modes de vie. « Mes nouveaux voisins m’ont appris à travailler dur, car eux ne se reposent que le soir », révèle ce villageois, qui reste aux champs au moins huit heures par jour. Avant il n’y passait pas plus de quatre heures.
Le bonheur des villageois
Ces anciens citadins importent leur style de construction dans leurs nouveaux quartiers. À Runda, Sud, 30 km de Kigali, d’imposantes maisons en matériaux durables, telles les briques cuites, avec des grandes fenêtres vitrées, remplacent les maisons au toit de chaume. Bon nombre éclairent leurs habitations avec des petits groupes électrogènes ou à l’énergie solaire.
Les villageois en bénéficient aussi. « Notre nouveau voisin nous déplace souvent dans son véhicule et ses installations d’énergie solaire éclairent une grande partie du quartier », témoigne un habitant de Kamonyi.
Ces nouveaux venus sont plutôt satisfaits. « Dans les régions rurales, on peut facilement construire une maison d’une valeur de 5 millions de Frw, avec tout le nécessaire », révèle un relogé de Kamonyi, Sud. « Puisque les installations électriques et d’eau potable sont disponibles, nous avons tout ce qu’on avait en ville », ajoute-t-il. Actuellement, bon nombre de centres et des grands villages ont l’eau et l’électricité sans problèmes. À Kigali, les maisons voulues par l’État valent entre 20 et 40 millions de Frw (entre 40 et 80 000 $). L’Etat favorise particulièrement celles à étages d’au moins trois niveaux.
Les statistiques indiquent que le nombre d’habitants de Kigali a été multiplié par quatre depuis 1994 et atteint aujourd’hui un million. Aux réfugiés rentrés d’exil après le génocide s’ajoutent tous ceux qui ont fui les campagnes sans perspectives d’avenir. Beaucoup d’entre eux vivent de petit commerce, car les moyens de gagner sa vie sont limités dans la capitale. Mais avec la rigoureuse modernisation de la ville, nombre de citadins, prévoyant que la vie deviendra bientôt intenable en ville, affluent vers les petites localités et villages qui se développent dans les campagnes.