Par Christophe Baroni © mai 1995, Nyon, Suisse


Qui est responsable de la haine entre «Hutu» et «Tutsi» ?

Avant l’arrivée, à la fin du XIX e siècle, des explorateurs et colonisateurs européens, «Tutsi», «Hutu» et «Twa» vivaient en harmonie sous la tutelle du roi, le Mwami. Les mariages interethniques n’étaient pas rares. En fait, au Rwanda, l’ethnie à laquelle on est censé appartenir est celle du père : du point de vue biologique, la notion d’ethnie n’a donc guère de sens ici, d’où les guillemets (par respect pour la langue du Rwanda, le kinyarwanda, je n’impose pas le «s» français au pluriel du nom des ethnies). Les «Tutsi» élevaient le bétail, les «Hutu» cultivaient le sol, les «Twa» (pygmées) étaient artisans ou artistes.

Impressionnés par la haute taille, la finesse des traits et l’intelligence des «Tutsi», les Allemands, présents au Rwanda de 1890 à 1916, virent en eux une «race de seigneurs» et leur inventèrent une origine caucasienne, puisque, selon les préjugés racistes de l’époque, des êtres aussi remarquables ne pouvaient être de souche africaine : c’étaient donc des «Européens noirs». Ils pensèrent, et après eux les colonisateurs belges qui leur succédèrent de 1916 à 1962, que cette «aristocratie tutsi» pourrait les aider à conduire le pays vers le Progrès et à le convertir au christianisme. Certains familles de «Tutsi» (pas toutes, loin de là !) furent donc favorisées par le régime colonial, qui est ainsi responsable du prétendu «conflit ethnique» que voient (ou prétendent voir) dans la tragédie du Rwanda ceux qui ignorent (ou feignent d’ignorer) sa véritable histoire. Avec machiavélisme, les extrémistes «hutu» assoiffés de pouvoir imputeront aux «Tutsi» les injustices du pouvoir colonial des Blancs, administrateurs et missionnaires, et attiseront chez les «Hutu» la haine du «Tutsi» en tant que tel, alors que bien des familles de «Tutsi» étaient elles aussi victimes d’injustices.

En 1957, le «manifeste des Bahutu» dénonce le monopole à la fois politique, économique, social et culturel des « Tutsi » et prétend que ceux-ci seraient venus d’ailleurs et auraient imposé leur domination aux «Hutu». Le parti Parmehutu est soutenu en Belgique par les réseaux de l’Action catholique et par le Parti social chrétien : se targuant de défendre un peuple opprimé, on veut surtout s’opposer aux nationalistes tentés par le socialisme.

En 1959, dans le contexte du processus de décolonisation, le roi Mutara, qui avait noué des contacts avec Patrice Lumumba, Premier ministre du Congo, s’effondre dans les bras du remplaçant de son médecin belge, remplaçant qui vient de lui administrer une piqûre. Les Belges refuseront l’autopsie…

En novembre 1959, après un sermon de Mgr Perraudin, éclate la «Toussaint rouge». Les cases des «Tutsi» sont incendiées par des «Hutu» qui leur disent : «Il faut partir.» Sur les collines du Rwanda, on sectionne les tendons des «Tutsi», on les «raccourcit» en leur coupant les jambes – et plus tard on regrettera cette «mansuétude» : «On aurait dû les liquider, jusqu’aux enfants. Puisqu’ils sont revenus…» C’est pourquoi, durant le génocide perpétré par les extrémistes «hutu» d’avril à juillet 1994, la Radio des Mille Collines insistera pour que, cette fois-ci, on tue aussi les bébés «tutsi» – ce sera fait consciencieusement.

Des «Tutsi» seront massacrés en 1959, 1961, 1963 (le «Noël rouge»), 1973, et de 1990 jusqu’au génocide de 1994. Dès l’instauration du Hutu Power, appuyé par la Belgique et par la France, il ne s’écoule pas une seule année où des «Tutsi», et aussi des «Hutu» ou des «Twa» épris de vraie démocratie, n’aient été menacés, persécutés, spoliés, torturés, assassinés. Aux dénonciations de ces graves violations des droits de l’homme, les puissances occidentales demeureront sourdes, à cause d’intérêts matériels, géopolitiques et géostratégiques.


Non pas une « guerre tribale », mais un GÉNOCIDE soigneusement préparé

Elimination physique des «Hutu» modérés et génocide perpétré contre les «Tutsi» en tant que «Tutsi» (des vieillards aux bébés, sans oublier les femmes et les jeunes filles, systématiquement violées et si possible contaminées par le virus du sida, le viol ayant servi d’ «arme de guerre ethnique» : cf. le rapport de l’ONU) : ces crimes contre l’humanité commis par des centaines de milliers, voire des millions de «Hutu», obéissant aux ordres de la clique mafieuse (l’Akazu) qui détenait le pouvoir, n’ont rien d’une explosion spontanée de violence, d’une guerre tribale née d’antagonismes ancestraux. Il s’agit d’un G É NOCIDE (supprimer tous les « Tutsi ») et de l’élimination systématique des opposants («Hutu» modérés), tout cela soigneusement préparé des mois à l’avance. De listes avaient été dressées avec précision par l’administration, les maisons des «ennemis intérieurs» (les «Tutsi») repérées une par une. Les ambassades des puissances occidentales présentes à Kigali le savaient… Le Vatican le savait… On tuait déjà plusieurs heures avant l’attentat du 6 avril 94, 20 h 23, qui abattit l’avion où se trouvaient les présidents du Rwanda et du Burundi : cet attentat était le signal qu’attendait le Hutu Power, qui avait «préparé l’apocalypse», selon l’expression du «cerveau du génocide», le colonel Théoneste Bagosora. Et les autorités françaises fournirent au Hutu Power une aide aussi efficace que discrète.


L’OP
ÉRATION INSECTICIDE est «une opération militaire organisée à la demande du Gouvernement intérimaire rwandais pendant le génocide au Rwanda et à laquelle le Capitaine Paul Barril aurait été associé selon plusieurs enquêtes», et «visait essentiellement à former au tir de précision et aux techniques d’infiltration des élites choisies parmi la garde présidentielle rwandaise connue pour sa très grande activité dans les massacres dès le premier jour du génocide (assassinat également de dix casques bleus belges le premier jour dans le but de faire partir la Minuar)», peut-on lire dans l’Encyclopédie libre Wikipédia. L’OP É RATION INSECTICIDE «comportait aussi, selon des précisions apportées ultérieurement, une fourniture d’armes». Le nom de cette opération «semble étroitement lié à la propagande des génocidaires» qui, sur la sinistre Radio des mille collines, appelait sans relâche à tuer les «cafards tutsi».

Cette opération n’est mentionnée que par deux sources : Alison Des Forges, «Aucun témoin ne doit survivre : le génocide au Rwanda» (Karthala, Paris, 1999 , trad. de «Leave none to tell the story : Genocide in Rwanda», Human Rights Watch, New York, 1999) et Patrick de Saint-Exupéry, «L’inavouable : la France au Rwanda» (Les Arènes, Paris, 2004). Elle «semble avoir été conduite dans le plus grand secret et son évocation éveille de très grandes résistances. En particulier, Paul Barril, bien qu’il ne soit pas avare de détails sur ses actions au Rwanda, n’a pas confirmé sa participation à cette opération dont il serait pourtant la cheville ouvrière», précise Wikipédia.

Quant à l’OPÉRATION TURQUOISE , que les naïfs croient «humanitaire», elle fut lancée par le président Mitterrand et son ministre des Affaires étrangères Alain Juppé au moment précis où le Front patriotique rwandais (FPR) dirigé par Paul Kagame commençait à contrôler l’ensemble du Rwanda, empêchant, par sa simple présence, la poursuite de l’extermination des Tutsi. Le carnet de bord de Samantha Bolton, de «Médecins sans frontières», publié dans «Le Nouvel Observateur» du 28 juillet 1994, révèle combien les déclarations officielles des chefs militaires de Turquoise étaient mensongères : ils n’attendaient en fait que le moment de «casser du FPR», comme ils l’avaient déjà fait, fin 1990, pour sauver in extremis la dictature mafieuse d’Habyarimana et de son «Akazu»  en dardant leurs missiles et en déversant du napalm sur les jeunes combattants du même FPR, qui étaient en passe de prendre la capitale Kigali. Derrière l’opération prétendument humanitaire exhibée devant les caméras et fâcheusement applaudie avec enthousiasme par les miliciens qui venaient de tuer, violer et piller, Turquoise avait été «concoctée par les têtes pensantes d’un état-major à la recherche d’un point d’appui dans cette région des Grands Lacs», écrit Laurent Bujard dans le même numéro du «Nouvel Observateur».

Voici un fait précis, révélé par «Billets d’Afrique» (n o 33, avril 1996), mais tu (vraiment ignoré?) par l’ensemble des médias. En juillet 1994, 5 000 civils tutsi résistaient encore aux massacreurs près du mont Karongi, dans la région de Kibuye. Un hélicoptère français les rejoint. On leur demande de se regrouper sur le sommet et on leur promet un secours imminent. Les soldats français ne reviendront qu’au bout d’une semaine : entre-temps, 90% de ces rescapés ont péri, mitraillés par les miliciens, leur concentration ayant enfin fait d’eux une cible commode.

Des témoignages accusent des miliaires français d’avoir eux-mêmes perpétré des viols de femmes et jeunes filles tutsi lors du génocide. Et ce qui ne fait aucun doute, c’est qu’avant le génocide, des instructeurs français entraînèrent les miliciens, notamment au maniement du couteau et du fusil, et que des Français étaient présents au «fichier central», au centre de Kigali, où se déroulaient les séances de torture des opposants à la dictature d’Habyarimana (voir Colette Braeckman, «Rwanda. Histoire d’un génocide», Fayard, 1994, pp. 159-160).

GOMA, choléra et début de la tragédie au Zaïre L’avance du FPR ayant été plus rapide que ne l’avaient escompté les stratèges de Paris, Turquoise, prétendument zone humanitaire de sécurité, se transforma en opération d’évacuation du «Gouvernement intérimaire», des Forces armées rwandaises et des miliciens, qui emmenèrent avec eux une masse humaine leur servant de bouclier humain. Les monstres qui dirigèrent le Rwanda pendant la perpétration du génocide purent ainsi quitter le pays au moment où le FPR, par un mouvement tournant, allait les capturer. Dès lors, la région de Goma, au Zaïre voisin, devint ce mouroir où, comme l’avaient prédit les organisations vraiment humanitaires, le choléra fit des ravages. Ainsi, les protégés des autorités et militaires français furent, eux aussi, leurs victimes. Bien entendu, certains journalistes s’apitoyèrent sur ces malheureux qui, «après avoir fui les massacres, étaient rattrapés par le choléra». Autant dire qu’ «après avoir fui Auschwitz», les nazis tombaient sous les coups des Alliés… Et qui brouilla enfin les émissions de la Radio des Mlle Collines, qui continuait à lancer ses appels au génocide ? Pas les Français, certes, mais les Américains, quand ils vinrent au secours des victimes du choléra – probablement attirés eux aussi par les richesses du sous-sol zaïrois.  

En 1996, Paul Kagame intervint militairement au Zaïre pour désarmer les troupes et miliciens génocidaires. Nouvelle intervention en 1998, et l’on connaît la suite… Les autorités politiques et militaires françaises (ne disons pas « la France» : on n’insulte pas le pays de Voltaire et de Victor Hugo) portent donc une part de responsabilité écrasante dans la tragédie du Zaïre, d’autant plus qu’elles continuent à aider les génocidaires, accusent des observateurs.

L’APPEL RWANDA d’août 1994 Cet appel fut passé sous silence par la presse et les autres médias, à tel point que même de bons connaisseurs du dossier en ignorent l’existence, alors qu’il était signé de noms aussi illustres qu’Albert Jacquard, Mgr Gaillot, Pierre Bourdieu, René Dumont, Jean Ziegler, le chanteur Renaud… En voici des extraits :

« Considérant que la France a été gravement impliquée dans la tragédie rwandaise, étant donné que le gouvernement français : 1) a été le principal appui du régime génocide d’Habyarimana, notamment en ayant fourni durant des années l’armement et l’encadrement de ses troupes et de ses milices ; 2) a soutenu ce régime dans sa lutte meurtrière pour conserver le pouvoir, a tenté de le sauver en occupant une partie du Rwanda grâce à l’opération ‘’Turquoise’’ et ses commandos de choc, a assuré dans ladite ‘’zone humanitaire sûre’’ le refuge à un grand nombre d’assassins et aux cadres de ce régime, a accueilli en France des dignitaires de ce régime, a conservé des liens avec des dirigeants de ce régime qui réorganisent leurs bandes armées au Zaïre ; 3) a renforcé, par la création de la ‘’zone de sécurité’’, le terrible engrenage de l’exode, en particulier vers la ‘’zone’’ qu’il contrôlait ; 4) a toléré la propagande de la radio du régime et de Radio Mille Collines, dont les appels au massacre des Tutsis, puis à la fuite de la population hors du Rwanda, ont été déterminants dans la genèse et l’aggravation de la tragédie ; 5) a réhabilité Mobutu (…) ; 6) a saboté l’action du nouveau gouvernement rwandais (…), avant de le dénigrer aujourd’hui ; 7) a trompé l’opinion publique sur son propre rôle, notamment par les voix de messieurs Juppé, Balladur et Mitterrand, en présentant comme un modèle de dévouement humanitaire une opération de nature néocoloniale (…), pour conserver le contrôle d’une zone géostratégique francophone au Rwanda, de l’uranium et du cobalt au Zaïre ; 8) a bafoué la représentation nationale, en ne l’ayant pas consultée avant l’envoi des troupes ; 9) a aggravé à chaque étape une tragédie dont il contrôlait les paramètres dès le début, au lieu d’en inverser le cours, illustration aberrante et ultime de la ‘’politique africaine’’ de la France. Nous saisissons l’occasion de cet immense désastre, Européens et Africains ensemble, pour demander solennellement : I. La comparution du gouvernement français devant le tribunal international que l’ONU a institué pour déterminer les responsabilités dans le drame rwandais. II. L’abandon de la ‘’politique africaine’’ de la France, lourde d’autres Rwanda… » Cet Appel interpelle en outre solennellement les journalistes et rédactions des grands médias, notamment audiovisuels, «pour avoir mis leurs compétences et leur indépendance au service du SIRPA (Service d’information et de relations publiques des armées) et avoir par conséquent diffusé massivement la version ‘’officielle’’ des événements» et avoir été «les maîtres d’œuvre d’une mystification médiatique planétaire».

Le livre «SOLIDAIRES !» de Christophe Baroni reproduit le texte complet de cet Appel RWANDA de 1994. Vous y trouverez aussi l’APPEL DES FEMMES AU SUJET DES VIOLS, qui furent systématiques durant ce génocide et utilisés comme «arme de guerre» anti-tutsi. Voir dans la partie Comment obtenir ses livres ?


Génocide des Tutsi : ce que savait l’Elysée

Dans « Le Monde » du 2 juillet 2007, Piotr Smolar évoque le Conseil des ministres restreint qui, le 29 juin 1994, se tint autour de François Mitterrand. La France venait de lancer l’opération « humanitaire » Turquoise. « Historiquement, la situation a toujours été périlleuse », dit Mitterrand. « Avant l’assassinat du président Habyarimana, on ne m’avait pas signalé de drames à l’intérieur du pays. » C’est faux : dès la fin de l’année 1990, l’Elysée avait reçu « des signaux d’alerte diplomatiques et militaires », accuse Piotr Smolar, qui précise que ces signaux furent « aussitôt négligés, au nom d’une vision conservatrice façonnée par l’histoire coloniale de la politique africaine de la France ». La preuve ? Plusieurs volumes d’archives de l’Elysée transmis au Tribunal aux Armées, dont « Le Monde » a eu connaissance. Ces archives dessinent bien une France « mithridatisée » à son sommet, c’est-à-dire accoutumée volontairement au poison, selon le mot de la Mission parlementaire réunie en 1998. Ces archives répondent à deux questions-clés : Que savait la France des préparatifs de l’entreprise génocidaire ? Quelle était la nature de la coopération militaire décidée par l’Elysée ?

La version officielle de l’Etat français a toujours été la suivante, rappelle Piotr Smolar : « La présence militaire au Rwanda, à partir du dernier trimestre 1990, avait pour but non pas de soutenir unilatéralement le régime d’Habyarimana, mais de le pousser à un partage du pouvoir, tout en empêchant l’avancée militaire du Front patriotique rwandais (FPR) de Paul Kagame, soutenu par l’Ouganda. »

Le 3 octobre 1990, le régime rwandais sollicite l’appui de la France contre l’offensive conduite par le FPR. Mitterrand décide d’envoyer une compagnie de parachutistes pour protéger, voire évacuer les Français sur place. Le détachement Noroît restera trois ans, et ses effectifs monteront jusqu’à 680 hommes, soit quatre compagnies. « Déjà, les prémices du génocide étaient visibles. En ce début octobre 1990, plusieurs milliers de personnes sont arrêtées arbitrairement dans la capitale ; elles ont le tort d’être tutsies ou d’avoir des intérêts communs avec des Tutsis. La France fournit néanmoins des munitions en masse à l’armée régulière, les Forces armées rwandaises (FAR) », rappelle Piot Smolar. Le 12 octobre, le colonel Galinié, attaché de défense à Kigali, envoie à Paris un télégramme diplomatique : « Il est à craindre que ce conflit finisse par dégénérer en guerre ethnique. » Et le lendemain, son supérieur, l’ambassadeur Georges Martres, précise : « Les paysans hutus organisés par le MRND [parti du président] ont intensifié la recherche des Tutsis suspects dans les collines. Des massacres sont signalés dans la région de Kibilira. » Les paysans, fidèles au régime, « participent de plus en plus à l’action militaire à travers des groupes d’autodéfense armés d’arcs et de machettes ».
« Et à l’Elysée ? On pense stratégie, front contre front. Il faut aider Habyarimana coûte que coûte et endiguer l’influence anglo-saxonne dans la région portée par l’Ouganda qui soutient la rébellion tutsie », déplore Piotr Smolar. Une assistance militaire technique est décidée. Il s’agit de « renforcer la coopération » et de « durcir le dispositif rwandais ». Mesures, avertit l’amiral Jacques Lanxade, qui comportent le risque d’être interprétées par les autorités rwandaises comme un « soutien inconditionnel à leur politique ». Le 21 mars 1991, le DAMI (détachement d’assistance militaire et d’instruction) est envoyé. Mais la guerre « déstabilise et radicalise de plus en plus » le Rwanda, affirme Paul Dijoud, directeur des affaires africaines du Quai d’Orsay, dans une note du 11 mars 1992 qui appelle à un renforcement de l’appui de la France à Kigali. Les livraisons d’armes s’accélèrent.

Le pouvoir de Kigali voudrait « procéder à un génocide systématique », écrit dans un télégramme à Paris l’ambassadeur de France à Kigali, le 19 janvier 1993, après sa rencontre avec Jean Carbonare, président du mouvement Survie et membre de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH). La FIDH est sur le point de publier un rapport accablant. Le président Habyarimana aurait intimé « l’ordre de procéder à un génocide systématique en utilisant, si nécessaire, le concours de l’armée et en impliquant la population locale dans les assassinats », écrit l’ambassadeur.

Mais au lieu de s’alarmer de ce risque de génocide, le diplomate Bruno Delaye, conseiller Afrique de l’Elysée, « décèle un autre urgence » ; car, comme tout l’entourage du président Mitterrand, il est obsédé « par la préservation de l’influence française dans la région », s’indigne Piotr Smolar. Dans une note du 15 février 1993, Bruno Delaye s’alarme du fait que le FPR est « en mesure de prendre Kigali » grâce notamment à la « complicité bienveillante du monde anglo-saxon » et à un « excellent système de propagande qui s’appuie sur les exactions malheureuses commises par les extrémistes hutus ». Il se garde de préciser ce que sont ces « exactions malheureuses », prémices du génocide, et il ne lui vient pas à l’esprit de les dénoncer : il semble les regretter uniquement en tant que gaffes qui risquent d’indisposer l’opinion publique internationale et de nuire au régime mafieux et dictatorial soutenu par Paris.

Le 18 février, la DGSE signe une note sur les « véritables massacres ethniques » et les 300 morts dénombrés au cours des semaines précédentes : « Il s’agirait d’un élément d’un vaste programme de purification ethnique dirigé contre les Tutsis », fomenté au sommet de l’Etat. La France va lancer l’opération « Chimère ». « Du 20 février au 20 mars 1993, la présence militaire française au Rwanda a franchi un cap qu’elle n’aurait pas dû dépasser », avouera la Mission parlementaire en 1998, déplorant les « nouvelles missions » des soldats français : patrouilles, contrôles de zone autour de la capitale et vérifications d’identité aux points d’accès de Kigali.

« Cet engagement radical de la cellule de l’Elysée ne fait pas l’unanimité. Le malaise gagne les rangs du gouvernement », observe Piotr Smolar. Pierre Joxe, ministre de la Défense, se dit « préoccupé » par la position française : l’envoi de deux compagnies supplémentaires ne serait pas « la meilleure façon » d’amener le président rwandais à « faire les concessions nécessaires ». Mais « autour de François Mitterrand, dans ce palais hermétique, on veut défendre une autre perspective et justifier, à tout prix, la politique française », accuse Piotr Smolar. On va mentir. Le 3 mars, « pour renverser les charges », le général Quesnot propose au président d’incriminer la rébellion en exigeant « une réorientation forte et immédiate de l’information des médias [français] sur notre politique au Rwanda en rappelant notamment (…) les graves atteintes aux droits de l’homme du FPR : massacres systématiques de civils, purification ethnique, déplacement de population… ».

Piotr Smolar met ici le doigt sur la motivation (et donc probablement le sens et la crédibilité) qu’il convient de donner aux accusations contre le FPR, qui excitent tant un Pierre Péan et quelques autres.

Le 7 mars 1993, un accord entre Kigali et le FPR prévoit un cessez-le-feu et le départ des deux compagnies françaises. Des négociations politiques aboutiront aux accords d’Arusha, le 4 août.

En France, c’est désormais la cohabitation entre le gouvernement Balladur et le président Mitterrand. Le 2 avril, un conseil des ministres restreint a pour thème le Rwanda : « La droite découvre un dossier sans issue. Le ministre des affaires étrangères, Alain Juppé, est tranchant. ‘‘Il y a des risques de massacres si nous partons et un risque de défiance africaine vis-à-vis de la France. Mais par contre, si nous renforçons nous nous enfonçons dans ce dossier. Nous ne pouvons pas partir.’’ Le premier ministre, Edouard Balladur, envisage d’envoyer 1000 hommes de plus. François Mitterrand est d’accord et théorise : ‘‘La règle est qu’il n’y a d’intervention française que s’il y a agression extérieure et non pas s’il y a un conflit tribal. Ici, c’est mélangé, car il y a le problème tutsi.’’ »

Les accords d’Arusha sont enfin signés : partage du pouvoir et élections dans les 22 mois à venir. Une force internationale neutre devra être mise en place sous l’égide des Nations unies. Le 15 décembre 1993, la présence française est réduite à 24 assistants militaires.

Pourtant, rien n’est réglé. Dans un télégramme diplomatique du 12 janvier 1994, l’ambassadeur de France à Kigali rapporte les confidences d’un informateur du représentant des Nations unies, qui lui a livré les détails « graves et plausibles » d’un plan de déstabilisation radicale du pays grâce à des provocations contre les troupes du FPR à Kigali, pour susciter une riposte. « Les victimes rwandaises que ne manqueraient pas de provoquer ces réactions seraient alors le prétexte à l’élimination physique des Tutsis de la capitale », explique le diplomate. Selon l’informateur de la Minuar, 1700 Interahamwe, membres des milices populaires, auraient reçu une formation militaire et des armes pour cela, avec la complicité du chef d’état-major FAR. La localisation précise des éléments tutsi de la population de Kigali « devrait en outre permettre d’éliminer 1000 d’entre eux dans la première heure après le déclenchement des troubles », cite Piotr Smolar, qui s’il était encore besoin nous prouve là combien mentent bêtement ceux qui voudraient tant expliquer le génocide par l’attentat du 6 avril 1994, en allant jusqu’à l’imputer au FPR de Paul Kagame – et qui le lui imputent pour masquer leur propre culpabilité de planificateurs, d’exécutants ou de complices de ce génocide.

(Ouvrons ici une parenthèse utile. Persuadé que l’attentat du 6 avril1994 est l’œuvre du FPR, et de surcroît assez bête pour s’imaginer (ou fait-il semblant ?) que cet attentat est la cause d’un génocide minutieusement préparé durant des mois, le juge antiterroriste français Bruguière veut inculper des militaires proches de Kagame, à défaut de pouvoir s’en prendre au chef actuel de l’Etat. Bruguière reste sourd à toutes les preuves et à tous les indices recueillis sur place par des observateurs sérieux, dont Colette Braeckman, qui contrairement à lui est allée enquêter sur place juste après l’attentat. Le juge s’entête. Il persiste et signe. Si j’étais Kagame, eh bien, à supposer que je fusse responsable de cet attentat, je me féliciterais d’être dans le collimateur de ce juge-là : car son enquête est bâclée, sinon mensongère, et son rapport, systématiquement évoqué à chaque commémoration du génocide des Tutsi, début avril, prend l’eau de toutes parts, avec des témoins qui se rétractent. Tel a été interrogé en français sans traducteur alors qu’il ne comprend pas la langue de Molière, tel autre est téléguidé par les Services secrets qui l’ont exfiltré du Rwanda où il avait maille à partir avec Kagame, etc. Qui tremblerait devant le rapport d’un juge quand des témoins cités tombent des nues quand ils découvrent ce qu’on leur a fait dire ? Les adversaires de Kagame oublient-ils que lorsqu’un juge s’est saisi d’une affaire, on ne peut la confier à un autre juge, qui serait peut-être plus dangereux ? Et ne savent-ils pas que les autorités du nouveau Rwanda détiennent des preuves accablantes contre la France ? Toujours au sujet de l’attentat, il est intéressant de rappeler que le capitaine Paul Barril, ancien de la Cellule antiterroriste de l’Elysée, connu comme spécialiste des fausses preuves depuis l’affaire tragi-comique des Irlandais de Vincennes, était présent dans la région début avril 1994. Il se rendit ridicule en exhibant une fausse boîte noire. En 2007 on a signalé sa présence à Goma, au moment où, buvant des bières et s’exprimant donc avec spontanéité, des militaires français présents au Kivu lâchaient qu’à défaut de pouvoir tuer l’homme fort du nouveau Rwanda, Paul Kagame, ils allaient éliminer physiquement « son frère » (entendez son bras droit), le général tutsi Nkunda, qui se pose en défenseur des Tutsi du Kivu. En décembre 2007, Paul Barril a été placé en détention après avoir été mis en examen pour association de malfaiteurs dans le cadre de l’instruction du dossier de blanchiment visant le cercle de jeux parisien Concorde – rouvert en 2006, le cercle Concorde est soupçonné « d’avoir servi de couverture à un vaste réseau de recyclage d’argent sale », lit-on dans « Le Figaro » du 24 décembre 2007.)

Quand un missile abat l’avion transportant les présidents du Rwanda et du Burundi,.il suffira de quelques heures pour que la machine génocidaire se mette en marche « comme prévu », précise à juste titre Piotr Smolar – je rappelle ici que Théoneste Bagosora, considéré comme « le cerveau » du génocide, avait annoncé qu’il allait préparer l’apocalypse.
Au milieu de ces horreurs, Jean-Michel Marlaud, ambassadeur de France, est plein de compréhension pour les tueurs-violeurs-pilleurs : « Tant qu’ils auront le sentiment que le FPR essaie de prendre le pouvoir, ils réagiront par des massacres ethniques », écrit-il le 25 avril. Ainsi, « le génocide est présenté comme une réaction spontanée, et non un plan », s’insurge Piotr Smolar. L’Elysée est parfaitement au courant du génocide : trois jours plus tard, Bruno Delaye reconnaît que les massacres se déroulent « avec une ampleur horrifiante : de l’ordre de 100 000 morts, selon les responsables du CICR » et que « les milices hutues, armées de grenades et de machettes, massacrent les Tutsis qui n’ont pas pu trouver refuge dans la zone FPR ou bénéficier de la protection de la Minuar ».

Mais « la ligne française demeure marquée par ses pesanteurs historiques, quitte à nier la réalité », analyse Piotr Smolar : « Le 6 mai, le général Quesnot résume le danger d’une victoire militaire éventuelle du FPR, sa hantise. ‘‘Le président [ougandais] Museveni et ses alliés auront ainsi constitué un Tutsiland avec l’aide anglo-saxonne et la complicité objective de nos faux intellectuels, remarquables relais d’un lobby tutsi auquel est également sensible une partie de notre appareil d’Etat.’’ » Le 24 mai, le général Quesnot s’alarme une nouvelle fois des ambitions du FPR : « L’arrivée au pouvoir dans la région d’une minorité dont les buts et l’organisation ne sont pas sans analogie avec le système des Khmers rouges est un gage d’instabilité régionale. » Dans les conversations informelles à l’Elysée, il parle des « Khmers noirs » de Kagame, relève Piotr Smolar.

Face à l’ampleur des massacres, la pression diplomatique monte. La France est mise en cause par les ONG. « Le 19 juin, l’Elysée publie même un communiqué exceptionnel, pour dénoncer les ‘‘procès sommaires’’ qui lui sont faits. Les médias n’auraient rien compris : la France serait au contraire à louer pour son engagement. » L’opération « humanitaire » Turquoise est lancée ; et va durer jusqu’au 22 août. « Toute cette mission doit être présentée comme une étape nouvelle de notre politique : le passé est le passé », écrit Bruno Delaye le 21 juin.
« Mais il est difficile d’imposer l’idée d’une virginité en matière de politique africaine, après plus de trois ans d’étroite coopération avec Kigali », objecte Piotr Smolar : « Au cours d’une réunion avec des représentants du FPR, le 22 juin, Philippe Baudillon, conseiller à Matignon, assure que le gouvernement de droite a développé une nouvelle approche vis-à-vis du continent. Il souligne la volonté d’Edouard Balladur d’établir des ‘‘relations claires’’ avec les pays africains, rapporte Bruno Delaye dans une note au président. ‘‘Votre interprétation des intentions françaises au Rwanda n’est pas la bonne, aurait dit le conseiller du premier ministre à ses interlocuteurs du FPR. Elle est en contradiction avec ce qui s’est fait depuis un an.’’ François Mitterrand enrage à cette lecture et ajoute à la main : ‘‘Inadmissible. Protester à Matignon.’’ »

Le 14 juillet 1994, s’exprimant à la télévision à l’occasion de sa dernière fête nationale en pleine lumière, Mitterrand ose dire, probablement conscient comme Goebbels que plus un mensonge est gros, plus il est facile de le faire passer : « Nous avons sauvé des dizaines, des milliers de gens, de pauvres gens qui avaient déjà supporté beaucoup de souffrances. » (De Mitterrand, P.-O. Giesbert, qui l’admire, se plaisait à dire qu’« il ne mentait pas toujours ». Ce jour-là, l’ancien élève des jésuites a menti, au moins par omission.)

Bernard Kouchner, ministre français des Affaires étrangères, a fait une brève visite au Rwanda, en janvier 2008. Il a osé dire que pendant le génocide des Tutsi du Rwanda en 1994, « on ne comprenait pas ce qui se passait ». Tentative grossière de manipulation de l’opinion mondiale, dénonce Serge Farnel, correspondant à Paris de l’Agence Rwandaise d’Information (Rwanda News Agency). Car le 19 avril 1994, le compte-rendu des officiers français Cussac et Maurin démontre que l’armée française savait, dès la nuit du 7 au 8 avril 1994, que « dans toute la ville » avait lieu « l’exécution de Tutsi ». L’ordre d’opération Amaryllis lui-même, le 8 avril 1994, établit que l’Etat-major français savait que le génocide des Tutsi venait de commencer : « Pour venger la mort du président Habyarimana (…), les membres de la Garde présidentielle ont mené dès le 7 matin des actions de représailles dans la ville de Kigali. » Ce document consigne que lesdites représailles incluaient l’ « élimination des opposants et des Tutsi », précise Serge Farnel. Donc « l’Etat-major français, qui en est l’auteur, savait, au moins dès le 8 avril, que c’est précisément le gouvernement intérimaire rwandais qui était génocidaire. Ce qui n’a pas empêché que ce dernier soit formé le matin même de ce 8 avril au sein de l’ambassade de France à Kigali. Bernard Kouchner entendrait-il ainsi nous faire croire qu’il aurait été le seul à ne pas comprendre ce qui se passait alors au Rwanda ? » demande Serge Farnel. Quelle constance ! Car « trois jours à peine après que Jean-Hervé Bradol, alors médecin chez Médecins Sans Frontières, avait, quant à lui, clairement dénoncé, sur la chaîne française TF1, le génocide en cours », Kouchner, lui, dans « Le Monde », n’évoquait qu’une « catastrophe humanitaire » ! C’était à la mi-mai. « Combien de Tutsi avaient alors déjà été tués depuis plus d’un mois que leur extermination programmée avait démarré ? Trois cent mille ? Quatre cent mille ? Un demi-million ? Et Kouchner voudrait nous faire croire qu’il ne parvenait alors toujours pas à comprendre ce qui se passait ? » s’indigne Serge Farnel. « Les propos de Kouchner sont une insulte autant à la mémoire des morts qu’à l’intelligence des vivants », assène-t-il.

Mais on n’arrête pas éternellement la marche de la Justice. Une information judiciaire pour « complicité de crimes contre l’humanité » et « complicité de génocide », visant le rôle de l’Armée française lors de l’opération « humanitaire » Turquoise, entre le 22 juin et le 22 août 1994, a été ouverte en décembre 2005. La Grande Muette, comme on appelle l’Armée française, a du reste à son palmarès une longue série de massacres coloniaux, à travers l’histoire : l’Afrique du Nord et l’Afrique noire, Madagascar, et les anciens territoires d’Asie où la France fit la loi en savent quelque chose. Certaines plaies restent éternellement ouvertes. Certes, les Etats relativement puissants échappent généralement à la Justice. Mais ils n’échappent pas au jugement de l’Histoire. Depuis que Paul Kagame a vaincu l’Armée française (relisez ci-dessus, dans la partie « Turquoise », le témoignage de Samantha Bolton, de Médecins sans Frontières : elle était sur place et a constaté que les chefs de Turquoise n’attendaient que le moment de « casser du FPR »), le ton des leaders africains a changé. Hommes de pouvoir ou d’opposition, historiens ou journalistes, ils toisent désormais avec fierté les représentants du Pouvoir d’une République qui, les mains couvertes de sang, ose se proclamer « Pays des droits de l’homme ». Ils les toisent avec fierté toujours, avec mépris de plus en plus souvent.

Hypocrisie de l’Armée française : deux notes secrètes de la Défense

Le correspondant en France de l’Agence Rwandaise d’Information (en anglais Rwanda News Agency), Serge Farnel, s’est procuré deux notes que la Mission française d’Information Parlementaire pour le Rwanda, chargée d’examiner la politique de la France au Rwanda de 1990 à 1994, n’a pas cru bon, il y a dix ans, de rendre publiques.

Le premier document fait état du souci de l’Armée de ne pas montrer aux médias des soldats français n’intervenant pas pour faire cesser les massacres dont ils sont alors les témoins proches, tandis que le second prouve que l’Armée française savait, dès le 8 avril 1994, que lesdits massacres faisaient partie d’un plan génocidaire à l’encontre de l’ethnie tutsi.

1) Le premier document est la note N° 018/3°RPIMa/EM/CD (« Confidentiel Défense ») que le colonel français Henri Poncet adressa le 27 avril 1994 à l’attention du chef d’Etat-Major des Armées. Il y fait le compte-rendu de l’opération « Amaryllis », dont il assura le commandement au Rwanda du 9 au 14 avril 1994 – opération destinée à évacuer les ressortissants français alors présents à Kigali suite à l’attentat du 6 avril. Il y fait savoir à l’Amiral Lanxade que « les médias ont été présents dès le deuxième jour de l’opération » et ajoute que « le COMOPS [Communication opérationnelle] a facilité leur travail en leur faisant deux points de presse quotidiens et en les aidant dans leurs déplacements ».  Il précise le « souci permanent de ne pas leur montrer [aux médias] des soldats français limitant l’accès aux centres de regroupement aux seuls étrangers sur le territoire du Rwanda », tout en précisant qu’il s’agit là des provisions consignées dans la Directive n°008/DEF/EMA du 10 avril.  Le Colonel Poncet fait mention, dans sa note, de l’autre « souci permanent de ne pas leur montrer [aux médias] des soldats français n’intervenant pas pour faire cesser des massacres dont ils étaient les témoins proches » : « Il s’agit déjà à cet endroit, constate Serge Farnel, « d’un aveu de non-assistance à personne en danger ».

2) Mais un compte-rendu, également révélé ce jour par Serge Farnel, rédigé le 19 avril 1994, conjointement par le Colonel Cussac et le Lieutenant-Colonel Maurin, relatif à l’ « action des AMT [Assistants militaires techniques] » lors de l’opération Amaryllis, fait savoir que l’Armée française savait, au moins dès le 8 avril 1994, que les massacres de Kigali ciblaient l’ethnie tutsi.  Les deux officiers français y font en effet état, pour ce qui concerne la nuit du 7 au 8 avril, d’une « nuit très agitée, ponctuée de nombreux tirs au niveau du CND [Conseil National pour le développement, parlement rwandais] mais aussi dans toute la ville (exécutions des tutsi [sic] et des personnalités de l’opposition) ». « L’armée française connaissait, au moins depuis le 8 avril 1994, le caractère génocidaire des massacres qui se déroulaient à Kigali », constate Serge Farnel.

« Dans cette perspective, la reconnaissance par le Colonel Poncet d’un souci permanent de ne pas montrer aux médias des soldats français n’intervenant pas pour faire cesser des massacres dont ils étaient les témoins proches, et dont ils savaient, comme l’indiquent par ailleurs formellement les officiers Cussac et Maurin, qu’il s’agissait là de la mise en œuvre de l’extermination d’une ethnie, pourrait bien constituer, devant une Justice nationale ou internationale, une nouvelle preuve constitutive d’une complicité de l’Armée française dans le génocide des Tutsi du Rwanda. »

Les propos récemment tenus à Lisbonne par l’actuel président français, Nicolas Sarkozy, selon qui le génocide des Tutsi du Rwanda « nous oblige à réfléchir, France comprise, à nos faiblesses ou nos erreurs », semblent bien, à la lumière de ces nouvelles révélations, « n’être qu’euphémisme destiné à minimiser la responsabilité pleine et entière de la France dans le génocide des Tutsi du Rwanda, tout en la diluant dans une responsabilité collective », conclut l’Agence Rwandaise d’Information.

 

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Posté par rwandaises.com