Le verdict est tombé samedi dernier. Le député Dunia Bakarani, originaire de Masisi au Nord Kivu est puni par la justice rwandaise pour avoir acquis frauduleusement des crédits d’une succursale rwandaise du groupe nigérian Access-Bank, selon la radio d’Etat rwandais. Il écope par conséquent d’un an de prison ferme, toujours d’après cette radio. Outre le parlementaire congolais, six Rwandais poursuivis dans deux affaires distinctes, sont condamnés eux aussi, à des peines allant de 3 mois à 4 ans de prison ferme pour malversations financières, rapporte radiookapi.net
Détenu au Rwanda depuis septembre dernier, le député congolais, qui bénéficierait également de la nationalité rwandaise, s’était vu octroyer 77.000 dollars américains, au terme d’un arrangement avec le gérant de la succursale de la banque à Gisenyi , Joseph Higiro, condamné à 2 ans de détention, toujours selon cette radio d’Etat. Dans la même affaire, le tribunal de grande instance de Rubavu, dans le nord du Rwanda, a prononcé quatre autres peines de prison dont la moins lourde est de 3 mois. Dans un autre procès, le tribunal de grande instance de Kacyiru, dans la ville de Kigali, a condamné vendredi à 4 ans de prison, un ancien directeur des Finances à la présidence de la République, Janvier Murenzi, reconnu coupable d’enrichissement illicite.
Le tribunal l’a également condamné à verser une amende d’un milliard de francs rwandais (environ 1,8 million de dollars) et a saisi ses biens dont des villas. Depuis le début de l’année, au moins une vingtaine de responsables d’établissements publics, secrétaires généraux dans différents ministères ou autorités administratives ont été démis de leurs fonctions, et certains d’entre eux arrêtés, pour corruption ou mauvaise gestion.
L’ancien secrétaire d’Etat à l’Education, Théoneste Mutsindashyaka, également accusé de malversations financières, est en détention depuis deux semaines. Le président Paul Kagame a déclaré à plusieurs reprises récemment qu’il ne tolérerait aucun cas de corruption, quel que soit le rang de la personne mise en cause.
Cas du député Dunia : la loi congolaise autorise-t-elle deux nationalités ?
La nationalité congolaise est une et indivisible. Elle ne peut être détenu concurremment avec une autre nationalité, stipule la loi fondamentale de la RDC. Le cas du député Dunia, détenu pour fraude financière et condamné au Rwanda, relance effectivement le débat. A deux niveaux. D’abord au pays dont il est parlementaire. Selon les autorités rwandaises, le parlementaire congolais détiendrait également la nationalité rwandaise. Si cette information se confirmait, le cas Dunia constituerait une entorse à la législation congolaise et par conséquent, on pouvait bien imaginer les conséquences sur le mandat d’un tel député. Cette question relance sans doute, sur le plan national, le débat sur la nationalité de certains députés nationaux. On se souvient qu’il y a près de trois ans, une motion sur la nationalité était adressée aux parlementaires par José Makila, alors député national du MLC. Un moratoire a été même décrété à la chambre basse du parlement, au moment où Vital Kamhere était encore au perchoir de l’hémicycle du palais du peuple. Depuis lors, ce moratoire sur la nationalité est resté lettre morte. Un peu à l’image de toutes les décisions qui sont prises, vaille que vaille en RDC, sans aucun début d’exécution.
Au niveau du Rwanda, le cas Dunia suscite aussi beaucoup d’interrogations. Est-il permis à la justice rwandaise de condamner un parlementaire étranger, jouissant de l’immunité de son pays d’origine, sans se référer à ce dernier ? En clair, le député congolais pouvait-il faire l’objet d’une poursuite judiciaire, sans que le Rwanda se réfère à la République démocratique du Congo, notamment en matière d’immunité dont jouit le parlementaire congolais. Est-il permis à la justice rwandaise d’ignorer cette immunité ? Selon le professeur Ambroise Kamukumy, constitutionnaliste, l’immunité parlementaire d’un député se limite aux juridictions nationales. Dans le cas d’espèce, le député Dunia ne peut jouir de son immunité qu’en République démocratique du Congo. En cas des démêlées avec la justice de la RDC, l’Assemblée nationale peut, elle seule, décider de la levée ou non de son immunité parlementaire. A l’extérieur du pays, seuls les diplomates jouissent de ce que le professeur appelle « immunité diplomatique ». Par ailleurs, le député Dunia incarcéré, jugé et condamné au Rwanda ne jouirait alors qu’une simple protection diplomatique, comme le commun des Congolais, si et si seulement si le Congo le demandait auprès des autorités rwandaises et si ces dernières l’acceptaient », précise le professeur Ambroise Kamukumy. Selon ce constitutionaliste, la situation du député Dunia se complique davantage, étant donné qu’il détiendrait deux nationalités, rwandaise et congolaise. Le député perd de fait la nationalité congolaise qui est unique, il est alors poursuivi comme citoyen rwandais, conclut-il.
Enfin, le professeur Ambroise Kamukumy regrette que l’Assemblée nationale ait violé la constitution, en validant le mandat de certains députés à double nationalité.
Les choses deviennent plus compréhensives si le Rwanda ou même la justice rwandaise considèrent Dunia comme un citoyen rwandais, tenu au respect des lois de ce pays. C’est peut-être à ce titre que le Rwanda s’est permis de franchir le rubicond, sans se soucier du rétablissement, tout récent, des relations diplomatiques avec la République démocratique du Congo.
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