Paris, 11 janvier 2010 (FH) – Les ministres français des Affaires étrangères et de la Justice ont annoncé la création prochaine d’un pôle « génocide et crimes contre l’humanité » au Tribunal de Grande instance de Paris, dans un « point de vue » publié dans Le Monde daté du 7 janvier.
Un projet de loi sera discuté à cet effet au Parlement, au premier semestre 2010.
L’annonce coïncidait avec la visite, jeudi 7 à Kigali, du chef de la diplomatie française Bernard Kouchner. L’intention du ministre français était de sceller la réconciliation entre Paris et Kigali. Les deux pays ont officiellement renoué leurs relations diplomatiques le 29 novembre 2009, après trois années de rupture.
Durant le séjour de Bernard Kouchner, le Rwanda a fait deux demandes, indique sur son site internet Radio France Internationale. La première consisterait à créer une commission conjointe pour étudier le rôle joué par Paris durant le génocide. La seconde serait de faire avancer les enquêtes sur les suspects Rwandais résidant en France.
La création d’un pôle judiciaire spécialisé s’incrirait dans ce contexte. Il pourrait permettre de débloquer en priorité les dossiers liés au génocide rwandais, dont aucun n’a encore abouti à un procès devant les tribunaux français. « L’augmentation du nombre d’affaires en suspens, concernant notamment plus de quinze Rwandais en attente d’un jugement, nous incite à agir vite », écrivent dans Le Monde Bernard Kouchner et la Garde des sceaux Michèle Alliot-Marie.
En juin 2004, la Cour européenne des droits de l’homme avait condamné Paris pour sa lenteur dans l’affaire du père Wenceslas Munyeshyaka, ouverte dès 1995. Quinze ans après, son cas reste un des douze dossiers Rwandais actuellement en cours d’instruction devant le Tribunal de Grande instance de Paris. Tandis qu’en Belgique, la Cour d’Assises de Bruxelles a organisé quatre procès de Rwandais impliqués dans le génocide de 1994, les tribunaux français n’en ont pour l’instant jugé aucun.
En 2007, le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), basé à Arusha, en Tanzanie, a rendu public trois mandats d’arrêt dirigés contre des suspects résidant sur le territoire français et accusés d’avoir participé au génocide de 1994, forçant ainsi la France à réagir. Outre Munyeshyaka, ces mandats concernaient l’ancien préfet de Gikongoro (sud) Laurent Bucyibaruta, et Dominique Ntawukulilyayo, qui était sous-préfet dans la région de Butare (sud). Seul le dernier de ces trois accusés, dont le procès s’est ouvert en mai 2009, est entre les mains du tribunal d’Arusha. Le TPIR a renvoyé les deux autres cas devant la justice française, estimant qu’elle était « disposée à juger les deux hommes et en avait la compétence ».
En 2008, la France a ouvert deux nouvelles instructions pour complicité de génocide et crimes contre l’humanité. Elles concernent Agathe Habyarimana, veuve de l’ancien président rwandais, et Eugène Rwamucyo, un ancien médecin de Butare qui travaillait jusqu’en octobre 2009 à l’hôpital de Maubeuge, dans le Nord de la France. .
Dans le même temps, les dossiers judiciaires rwandais ont été progressivement regroupés à Paris, entre les mains de deux puis de quatre juges d’instruction du Tribunal de grande instance (TGI). Le projet de pôle « génocide et crimes contre l’humanité » annoncé par les ministres viendra renforcer la section spécialisée déjà composée par ces magistrats du TGI de Paris. « Elle favorisera, précise l’article signé des deux ministres, la mutualisation des compétences, en réunissant des magistrats spécialisés, ainsi que des traducteurs, interprètes, experts et chercheurs indispensables au traitement d’affaires aussi sensibles que complexes ».
Le réchauffement des relations diplomatiques entre Paris et Kigali a permis en novembre 2009 à deux de ces magistrats spécialisés, Fabienne Pous et Michelle Ganascia, de se rendre au Rwanda pour compléter leurs enquêtes, qui concernent notamment Munyeshyaka et Bucyibaruta . Les deux autres juges d’instruction spécialisés dans les affaires rwandaises, Nicolas Aubertin et Brigitte Jolivet, ont obtenu l’autorisation se rendre au Rwanda. Leur visite est prévue pour fin janvier-début février.
Ces deux derniers juges s’occupent notamment d’un troisième dossier susceptible de déboucher en priorité sur un procès : celui de Pascal Simbikangwa, transféré le 20 novembre dernier dans une prison parisienne depuis La Réunion, où il était incarcéré pour trafic de faux papiers. Beau-frère du colonel Elie Sagatwa, il est apparenté à la famille d’Agathe Habyarimana. Rattaché à la présidence rwandaise, il travaillait aux services de renseignements.
FP/ER/GF
http://fr.hirondellenews.com/content/view/14805/325/
Posté par rwandaises.com