Les avocats lors du procès de Wenceslas Munyeshyaka et Laurent Bucyibaruta, deux génocidaires rwandais présumés, en 2007, à la cour d'appel de Paris.
Les avocats lors du procès de Wenceslas Munyeshyaka et Laurent Bucyibaruta, deux génocidaires rwandais présumés, en 2007, à la cour d’appel de Paris. Crédits photo : AFP

D’ici la fin 2010, des magistrats du TGI de Paris vont être spécialement détachés pour enquêter sur les auteurs de crimes contre l’humanité réfugiés en France. Principal dossier concerné : le génocide rwandais.

«La France ne sera jamais un sanctuaire pour les auteurs de génocide, de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité.» C’est par ces mots que le ministre des Affaires étrangères et la ministre de la Justice annoncent, dans Le Monde de jeudi, la création prochaine d’un pôle «génocide et crimes contre l’humanité» au tribunal de grande instance de Paris.

«Il ne s’agit pas de mettre en place la compétence universelle mais de faire valoir les principes du droit international au sein de juridictions nationales», écrivent Bernard Kouchner et Michèle Alliot-Marie. Sont donc principalement visés les auteurs de crimes de génocides ou de crimes de guerre réfugiés sur le territoire français. Pas question donc de marcher sur les plates-bandes du Tribunal pénal international.

Cette nouvelle structure est prévue dans le projet de loi sur la spécialisation des juridictions et des contentieux qui sera discuté au Parlement au premier semestre 2010 et devrait être créée avant la fin de l’année, selon le ministère de la Justice. Elle a été pensée par le juriste Serge Guinchard, qui a rendu en juin 2008 un rapport constitué de 65 propositions destinées à renforcer l’efficacité de la justice française.

A l’époque, la proposition avait été fraîchement accueillie du côté de Rachida Dati, alors garde des Sceaux : la Chancellerie aurait commandé un audit sur le sujet, sans y donner suite. Mais Bernard Kouchner n’avait pas caché son enthousiasme, allant jusqu’à écrire à la ministre pour lui témoigner son intérêt pour le projet.

Pour le ministre des Affaires étrangères, un pôle spécialisé permettrait notamment d’accélérer les procédures judiciaires liées au génocide du Rwanda. «L’augmentation du nombre d’affaires en suspens, concernant notamment plus de quinze Rwandais en attente d’un jugement, nous incite à agir vite», écrit-il jeudi dans le quotidien du soir aux côtés de Michèle Alliot-Marie.

«Une avancée considérable»

Plusieurs enquêtes judiciaires visant des Rwandais réfugiés en France ont été ouvertes et sont instruites à Paris. Mais elles peinent à aboutir. «La dispersion géographique des informations, des preuves, des témoignage complexifie la tâche des enquêteurs et des juges», expliquent les deux ministres. Selon Me Michel Laval, avocat du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), «les magistrats ont aussi pâti d’un manque de moyens». A ce jour, seuls un prêtre, Wenceslas Munyeshyaka, et un ancien préfet, Laurent Bucyibaruta, ont été mis en examen en France pour des faits liés au génocide.

Une autre affaire en cours concerne Agathe Habyarimana. La veuve du président rwandais Juvénal Habyarimana mort dans l’attentat le 6 avril 1994 aurait, selon des familles de victimes, participé à la «planification, à l’organisation et à la direction» du massacre. Si Paris lui a refusé le statut de réfugiée politique, elle réside toujours en région parisienne sans être inquiétée. Autre Rwandais sous le coup d’une enquête : Eugène Rwamycio, un médecin installé à Maubeuge, soupçonné par Interpol d’avoir été impliqué dans le génocide.

«Il y a de nombreux cas déroutants, voire scandaleux, de criminels qui courent des jours heureux sur notre territoire», assure Me Michel Laval. «A ce jour, nous avons déposé 17 plaintes. Aucune n’a véritablement abouti.» L’avocat voit dans la création d’un pôle spécialisé «une avancée considérable. Pour la première fois, la France manifeste la volonté politique de poursuivre les auteurs de grands crimes».

Reste à savoir si le futur pôle spécialisé bénéficiera de moyens substantiels pour mener à bien sa mission. Le ministère de la Justice précise que les magistrats du pôle pourront se consacrer « à plein temps» aux enquêtes. «Ils seront assistés de traducteurs, d’experts, de chercheurs qui pourront les aider au quotidien», ajoute Guillaume Didier, porte-parole du ministère.

Du côté du Quai d’Orsay, le bénéfice est d’abord diplomatique. La future accélération de la machine judiciaire sur le dossier rwandais est un signal fort, alors que les relations entre Paris et Kigali sont en cours de normalisation. En novembre 2009, un premier progrès avait été accompli : deux juges françaises avaient été autorisées à se rendre au Rwanda pour enquêter sur des plaintes visant des Rwandais installés en France et soupçonnés d’avoir pris part au massacre des Tutsis. Une première depuis la rupture des relations diplomatiques en 2006.

 

Jim Jarrassé (lefigaro.fr

http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2010/01/06/01016-20100106ARTFIG00696-une-cellule-speciale-genocide-au-tribunal-de-paris-.php

Posté par rwandaises.com