On allait voir ce qu’on allait voir… Depuis que le président nous avait annoncé, à Matadi, qu’il recherchait quinze hommes de confiance, les spéculations se multipliaient, dans la presse et ailleurs. Les uns pariaient sur le départ du Premier Ministre Muzito, les autres, enfourchant une nouvelle fois le grand cheval de bataille du complot, assuraient que le CNDP, le mouvement de Laurent Nkunda, allait entrer au gouvernement de Kinshasa, la pacification du Kivu étant à ce prix.
Rien de tout cela ne s’est produit : on attendait un virage lourd, c’est un changement « light » qui a été préféré, on spéculait sur des déchirements, des ruptures d’alliances et c’est dans la dentelle que le président a opéré, choisissant, avec sagesse sans doute, une certaine continuité afin de ne prendre aucun risque de dérapage avant deux échéances très attendues. La première, c’est l’aboutissement, avant l’été, des négociations avec le Fonds monétaire international qui verra le Congo allégé, au prix d’immenses sacrifices, de l’obligation de rembourser 90% d’une dette qui n’a jamais bénéficié à la population. La seconde, ce sont les cérémonies du 50eme anniversaire de l’indépendance, qui devraient représenter une date fondatrice, le point de départ d’une réflexion sur l’indépendance réelle, et, on peut l’espérer, la rampe de lancement d’un véritable décollage…
Sans revenir sur les chaises musicales et sur les personnes, relevons toutefois que les poids lourds de l’équipe gouvernementale sont restés en fonctions ou n’ont été déplacés que pour d’autres postes à responsabilité. Seuls deux hommes, qui avaient osé braver les opérateurs miniers, canadiens entre autres, semblent avoir fait les frais de l’affrontement : Victor Kasongo qui a joué un rôle clé dans la revisitation des contrats miniers, a perdu son poste et le Adolphe Lumanu, le directeur de cabinet du président, qui avait eu un différend avec l’ambassadrice du Canada défendant les opérateurs de son pays a quitté ses fonctions pour un autre poste, tout aussi important d’ailleurs, le ministère de l’Intérieur et de la Sécurité. Pour le reste, les autres « poids lourds » restent en place dans une équipe qui a été sérieusement réduite, comme s’il s’agissait de freiner le train de vie de l’Etat afin d’équilibrer le budget.
Relevons qu’à priori, nous préférons voir diminuer le nombre d’ « Excellences » plutôt qu’assister, comme en décembre dernier, à une mesure autrement plus douloureuse lorsque fonctionnaires, autres agents de l’ Etat et même parlementaires durent finir l’année sans avoir touché leur salaire…
En dehors du gouvernement proprement dit, la mesure la plus remarquée est la nomination de Pierre Lumbi au poste de conseiller spécial en matière de sécurité, en remplacement du professeur Kahumba, un Katangais qui avait pris la place d’un autre intellectuel de Lubumbashi, Samba Kaputo. Le décès inopiné de ce dernier avait laissé un grand vide car là où les autres démontraient des qualités tactiques, réagissant habilement mais au coup par coup, lui se montrait capable d’anticiper, d’entamer des manœuvres à long terme, dont la finalité ne devait apparaître que bien plus tard…A l’époque, Samba Kaputo avait à ses côtés un homme aussi fin stratège que lui, Pierre Lumbi, lui aussi un homme discret et efficace… A la veille des élections, ces deux responsables de la sécurité menèrent des négociations très subtiles, et, puisant dans le vivier de la société civile, ils mirent sur orbite le MSR (Mouvement social pour le renouveau) qui allait jouer un rôle clé dans la constitution d’une majorité présidentielle. Cette dernière « tient » jusqu’à aujourd’hui, l’alliance avec le PALU n’ayant elle non plus pas été désavouée…
Après son petit bureau à la sécurité, Pierre Lumbi connut soudain les feux de la rampe, lorsqu’il revint de Pékin après avoir conclu en septembre 2007, les fameux accords avec la Chine, prévoyant la construction d’infrastructures en échange de l’exploitation de dix millions de tonnes de cuivre. Menées dans le plus grand secret, ces négociations surprirent tous les observateurs et jusqu’à présent, même s’ils ont été amendés à la suite des pressions du FMI, les contrats chinois se sont révélés indéboulonnables et ils ont permis le début des grands travaux…
Conseiller spécial en matière de sécurité, Pierre Lumbi, un homme de terrain qui fit ses débuts dans les associations paysannes du Sud Kivu créées dans les années 80 et qui furent l’embryon de la société civile, n’a guère le temps de beaucoup fréquenter les réceptions d’ambassade. Discret et efficace, ce nationaliste semble bien être l’un de ces quinze hommes de confiance que Kabila cherchait l’an dernier…
http://blogs.lesoir.be/colette-braeckman/2010/02/22/remaniement-light-pour-une-ligne-droite/
Posté par rwandaises.com