(Le JDD.fr )

La veuve de l’ancien président rwandais Juvénal Habyarimana, sous le coup d’un mandat d’arrêt international pour sa participation présumée au génocide de 1994, a été arrêtée dans l’Essonne mardi. Elle a été relâchée quelques heures plus tard et placée sous contrôle judiciaire. Jusqu’à présent, la justice française a refusé d’extrader vers Kigali des personnes recherchées par la justice rwandaise. Mais cette arrestation, moins d’une semaine après la visite de Nicolas Sarkozy au Rwanda, interpelle.

Peu avant 8 heures, mardi matin, Agathe Kanziga, la veuve de l’ancien président rwandais Juvénal Habyarimana, a été arrêtée dans l’Essonne. Elle était sous le coup d’un mandat d’arrêt international émis en octobre 2009 par les autorités rwandaises, pour sa participation présumée au génocide de 1994. Elle a été libérée et placée sous contrôle judiciaire dans l’après-midi. Jusqu’à présent, la justice française a refusé d’extrader vers Kigali les personnes soupçonnées d’avoir participé au génocide qui a fait 800.000 victimes, essentiellement des Tutsis ; les magistrats français estimant que la justice rwandaise n’est pas à même de garantir un procès équitable.

La France pourrait bien avoir changé d’avis. Cette arrestation intervient moins d’une semaine après la visite de Nicolas Sarkozy au Rwanda, lors d’un voyage scellant la réconciliation entre les deux pays, après plusieurs années de brouille, liée notamment à l’émission de neuf mandats d’arrêt par la juge Bruguière à l’encontre de proches du président Paul Kagamé. La semaine dernière à Kigali, le chef de l’Etat a notamment reconnu que la France avait commis de « graves erreurs d’appréciation » et évoqué « la forme d’aveuglement quand nous n’avons pas vu la dimension génocidaire du gouvernement du président [Habyarimana] ». Et aux côtés de son homologue rwandais, qui réclame l’extradition de toutes les personnes soupçonnées d’avoir participé au génocide, Nicolas Sarkozy avait déclaré: « Nous voulons que les responsables du génocide soient retrouvés et soient punis », avant d’ajouter: « Est-ce qu’il y en a en France? C’est à la justice de le dire. » Des propos qui ont donc une résonance particulière aujourd’hui.

Agathe Habyarimana, « au cœur du régime génocidaire »
Grâce à l’aide de militaires français, Agathe Habyarimana avait précipitamment quitté le Rwanda, trois jours après l’attentat du 6 avril 1994 contre l’avion de son mari, abattu par des missiles sol-air à son atterrissage à Kigali. Un événement souvent considéré comme l’élément déclencheur du génocide. Installée en France depuis 1998, elle souvent présentée comme membre de « l’akazu », le premier cercle du pouvoir qui a organisé et encourage le génocide. La Commission des recours des réfugiés, aujourd’hui rebaptisée Cour nationale du droit d’asile, a conclu en février 2007 au rôle central d’Agathe Habyarimana dans les tueries, en raison de sa place « au coeur du régime génocidaire responsable de la préparation et de l’exécution du génocide ». L’ancienne Première dame du Rwanda s’était d’ailleurs vu refuser sa demande de droit d’asile politique en France. Elle a pourtant toujours nié toute responsabilité dans les massacres.

Si la procédure suit son cours, le Rwanda doit présenter une demande officielle comportant les documents relatifs aux charges retenues contre elle. La cour d’appel doit ensuite donner son feu vert à cette extradition qui sera mise en œuvre par décret du Premier ministre au terme d’une procédure qui peut prendre plusieurs mois. Toujours de source judiciaire, on estime toutefois qu’il est peu probable que la démarche aboutisse à une extradition. Même si le Rwanda a aboli la peine de mort, les conditions de détention y sont en effet jugées incompatibles avec les normes européennes, ce qui pourrait empêcher le transfert. En revanche, la veuve du président Habyarimana fait l’objet d’une autre plainte, déposée en France par des associations de victimes pour « complicité de génocide et complicité de crime contre l’Humanité ».

M.E – leJDD.fr

 

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