Durant l’été 2008, les autorités rwandaises ont fait raser le dernier bidonville du centre de Kigali, situé dans le quartier de Kiyovu. Ce dernier, composé de cabanes et de huttes de boue, était adossé au quartier riche de la capitale. La semaine dernière, l’un de nos Observateurs s’est rendu sur place afin de photographier la zone désertée. Sur place, il est tombé sur un groupe de plusieurs familles, qui attendent d’être indemnisées pour quitter les lieux. Elles vivent dans des habitations qui ont été récemment détruites par de fortes pluies.
Tout a commencé en mai 2007, quand Aisa Kirabo Kacyira, le maire de la capitale, a lancé un processus d’expropriation visant à remplacer le bidonville du « Kiyovu des pauvres » par des logements haut de gamme. Une indemnisation allant jusqu’à 3,5 millions de francs rwandais (4 450 euros), selon la taille et le matériau composant l’habitation, a alors été proposée aux habitants. Ceux-ci se sont plaints de ne pas avoir été prévenus de l’arrivée des bulldozers et de la faible indemnisation accordée par les autorités. En guise de réponse, le maire avait alors lancé un appel aux Rwandais « qui aiment leur pays » à accepter « les changements positifs ».
« Kiyovu des pauvres », avant le passage des bulldhozers
Photo postée par « Mostly Maurice » sur son blog.
Pendant la destruction
Photo postée par le blogueur « Morgan in Africa« , en juillet 2008.
Après la démolition
Photo postée par « Mostly Maurice« , en août 2008.
« Pour les laissés-pour-compte, la situation est impossible »
Janvier Ruhigisha est ingénieur informatique et photographe amateur. Il s’est rendu la semaine dernière dans le quartier de Kiyovu, à Kigali.
Les autorités ont exproprié les habitants du « Kiyovu des pauvres » pour les reloger dans de meilleures conditions, mais aussi pour construire à la place du bidonville des logements de luxe. Les familles ont été relogées loin du centre-ville.Pour les laissés-pour-compte, qui attendent d’être indemnisés avant de quitter les lieux, la situation est impossible. Leurs habitations, que j’ai photographiées, ont été récemment détruites par de fortes pluies. Pour reconstruire, ils ont besoin d’une autorisation… qu’ils n’auront pas puisqu’ils ont cédé leurs maisons aux autorités locales il y à deux ans.
Malgré leurs demandes insistantes, ils n’ont toujours pas été indemnisés. Il leur a été demandé de patienter. Les familles que j’ai rencontrées m’ont dit qu’elles allaient devoir s’installer chez des proches, mais elles sont inquiètes. Elles craignent de ne pas être indemnisées par le gouvernement si elles s’en vont avant de recevoir l’argent. »
Photos prises par Janvier.
« Ceux qui sont partis ont été correctement indemnisés »
Maurice, un blogueur expatrié vivant à Kigali, a suivi la destruction du « Kiyovu des pauvres » par l’intermédiaire d’amis qui y vivaient.
Le gouvernement a fini d’indemniser tous ceux qui ont été correctement expropriés. Les personnes qui ont porté plainte contre les autorités ont fini par avoir gain de cause en obtenant des compensations plus élevées. J’ai un ami musicien qui vivait dans le « Kiyovu des pauvres ». Il a gagné le procès qu’il avait intenté aux autorités et reçu la somme qu’il avait demandé. Il est toujours à la recherche d’un logement actuellement.Je ne m’attendais pas à ce que le processus d’indemnisation soit juste, car le gouvernement rwandais n’a pas une bonne réputation en matière d’expropriations. Cependant, dans ce cas particulier, les autorités municipales de Kigali ont fait preuve d’indépendance par rapport au pouvoir. Elles-mêmes ont reconnu que des erreurs avaient été commises. Mais je m’interroge sur le bien-fondé de vouloir éradiquer le centre-ville de logements à loyer modeste. Je constate en plus que rien n’a été construit pour l’instant sur la zone rasée. Probablement faute d’investisseurs.
Posté par rwandaises.com
