La France au cœur du génocide 
des Tutsi, de Jacques Morel. Éditions l’Esprit frappeur, 2010, 
1 500 pages, 50 euros.

Le 25février, Nicolas Sarkozy effectuait un passage à Kigali, le temps d’une visite au mémorial des martyrs du génocide d’avril à juillet 1994. Ce petit pas du chef de l’État avait été rendu possible par le rétablissement des relations diplomatiques entre le Rwanda et Paris, relations précédemment suspendues après les accusations portées par le juge Bruguière, et dont le caractère provocateur et manœuvrier apparaît aujourd’hui avéré (les principaux témoins évoqués par le magistrat ont notamment désavoué les propos qui leur ont été prêtés). Depuis cette visite éclair, deux faits ont ponctué l’actualité. D’une part, la mise sous contrôle judiciaire d’Agathe Kanziga, veuve du président Habyarimana, que son rôle dans la planification des massacres racistes n’avait pas empêché la France de Mitterrand-Balladur d’accueillir en grande pompe  ; une mesure qui semble bien s’apparenter à un geste théâtral des autorités françaises afin de leur permettre de continuer d’ignorer la demande d’extradition formulée par Kigali. D’autre part, la confirmation par le Wall Street Journal de la présence de militaires français au Rwanda avant le lancement de l’opération Turquoise et de leur participation aux tueries massives perpétrées à Bisesero, non loin de la frontière zaïroise, les 13 et 14 mai 1994. Ce ne serait donc pas d’erreurs politiques, terme cher à Bernard Kouchner, qu’il faudrait parler concernant le comportement français au Rwanda durant la période 1990-1994, mais de complicité active avec les tenants du Hutu Power, organisateurs du génocide des Tutsi. Et de cela, l’Élysée de Sarkozy ne veut pas plus entendre parler aujourd’hui que, hier et avant-hier, celle de Chirac ou Mitterrand.

Le monumental ouvrage que publie l’ingénieur au CNRS Jacques Morel multiplie les arguments en ce sens. D’autant moins réfutables qu’ils proviennent largement de sources officielles (mission d’information de l’Assemblée nationale française, commission d’enquête du Sénat belge, Commission nationale indépendante rwandaise, ONU), même si certaines d’entre elles pratiquent le culte du secret-défense et de la rétention d’informations (à commencer par le Fonds Mitterrand, dont les archives sont le plus souvent inaccessibles). Mille cinq cents pages de synthèse d’une rigueur impressionnante et, à tous points de vue, un outil de référence. Une remarque à propos de la mission parlementaire française  : Jacques Morel ne conteste pas la qualité de sa tâche, mais il s’inscrit en faux contre le rapport de synthèse présenté par Paul Quilès, ancien ministre de la Défense. D’une façon d’autant plus imparable qu’il le fait à partir des documents contenus dans les quatre tomes d’annexes à ce document.

 

Jean Chatainhttp://www.humanite.fr/article2765480,2765480

Posté par rwandaises.com