… Quant aux survivants de ce qu’il convient d’appeler une campagne d’extermination des partisans de l’opposition, ils se disent prĂŞts Ă  donner leur vie pour qu’elle – la lumière sur les crimes commis au Togo – soit faite. Ce sont lĂ  des choses indicibles, dangereuses et capables de mettre le Togo en flammes… Les togolais savent, Ă  peu près, comment, un jour, l’orage va Ă©clater. On verra bien, plus tard, si la France n’a pas prĂ©parĂ© au Togo, le plus retentissant des dĂ©sastres, après celui du Rwanda dont elle est accusĂ©e d’être le boutefeu.

Ces parties de l’analyse du 12 aoĂ»t 2010 du journaliste Kodzo Epou intitulĂ©e « Le Togo au bord de l’explosion, la France prise la main dans le sac Ă  LomĂ© » font frĂ©mir. De ces frĂ©missements que l’on ressent devant des vĂ©ritĂ©s que l’on connaĂ®t, que l’on croit, mais qu’il faut, par dĂ©cence ou prudence, taire, pour continuer de jouir des leurres de l’ignorance. De ces frĂ©missements que l’on ressent devant… une prophĂ©tie annonçant la face du mal.

Oui, car, au-delà d’une simple analyse, ces passages sont une prophétie, une prophétie qui peut, qui va, hélas, bientôt, se réaliser, chez nous là-bas, au Togo, si rien n’est fait pour conjurer le mauvais sort. Citer aujourd’hui le Togo en parlant du Rwanda, celui du génocide, n’est pas du tout danser avant la musique. Nous sommes maintenant prêts à recevoir le mal.

Dans un article intitulĂ© Que Gil se taise, publiĂ© dans notre blog le 1er mai 2010 et repris dans la revue de presse du Collectif pour la VĂ©ritĂ© des Urnes, CVU, du 02 mai 2010, nous avons dĂ©jĂ  annoncĂ© le feu sur le Togo, en comparant notre pays au mĂŞme Rwanda que cite dans son article le journaliste. Oui, le Togo est au bord de l’explosion, le journaliste n’a fait que prĂ©dire. Car tout, vraiment tout, sent aujourd’hui le feu, le fer, le sang dans notre pays. Ca peut, ça va arriver, aujourd’hui, demain, après-demain… un jour, si les choses continuent d’être ce qu’elles ont Ă©tĂ©, ce qu’elles sont au Togo.

Il peut pleuvoir du feu sur le Togo aujourd’hui, demain, après-demain… un jour, car il y a longtemps que le peuple togolais a cessĂ© d’être un peuple maĂ®trisĂ©, maĂ®trisable. Le Togo dont Faure GnassingbĂ© a hĂ©ritĂ© n’est plus celui terrorisĂ© par les armes, les incantations, les matoiseries de son père, un Togo soumis, mĂ©prisĂ©, qui malgrĂ© son dĂ©sir ardent, n’a pas pu se rĂ©volter. Le Togo que prĂ©tend diriger Faure GnassingbĂ©, celui d’aujourd’hui, est un Togo dĂ©cidĂ© a en finir avec ces plats de couleuvres qu’il n’a cessĂ© d’ingurgiter depuis 1963. Un Togo qui ne veut pas chanter et danser Ă  un marmot morveux, après avoir adulĂ© un vulgaire cultivateur fauteur de coup d’Etat pendant trente-huit ans. Faure GnassingbĂ© n’est pas connu pour son intelligence, il est vrai, comme il l’est pour sa lâchetĂ© et son opportunisme, mais il ne doit pas ĂŞtre si idiot jusqu’au point d’oublier qu’il y a seulement cinq ans, il est arrivĂ© Ă  la tĂŞte du Togo dans un bain de sang, une vĂ©ritable boucherie de milliers de morts, de rĂ©fugiĂ©s, de mutilĂ©s… Il doit savoir qu’il est cet indĂ©sirable voyageur puant le malheur et la malĂ©diction que les Togolais n’ont pas acceptĂ©, que les Togolais n’acceptent pas, que les Togolais n’accepteront jamais. Jamais ! Et qu’ils sont prĂŞts Ă  abattre, anĂ©antir, mĂŞme en versant leur sang !

Il peut pleuvoir du feu sur le Togo aujourd’hui, demain, après-demain… un jour, car, contrairement Ă  presque tous les pays du monde, le Togo n’est pas une nation. Rien, mais alors rien n’unit aujourd’hui les Togolais, pas mĂŞme la mĂ©moire commune Ă  toutes les anciennes colonies, l’IndĂ©pendance. Oui, mĂŞme l’IndĂ©pendance n’unit, ne peut unir les Togolais. Elle n’est, hĂ©las, que le symbole fort pour faire dĂ©chaĂ®ner toutes les passions, toute la haine accumulĂ©e pendant trop d’annĂ©es contre une histoire qui n’aurait pas dĂ» ĂŞtre ce qu’elle avait Ă©tĂ©. Car l’histoire du Togo ne peut, chez les Togolais, susciter que haine, que vengeance, que goĂ»t du sang. Cette histoire qui comporte trop de mensonges, de non-dits, d’erreurs… d’injustices. L’histoire du Togo, pourquoi ne pas le dire, n’aurait pas dĂ» ĂŞtre celle d’Eyadema. Celle qui rappelle un assassinat, celle qui rappelle une dictature sanglante, celle qui rappelle des meurtres, trop de meurtres, celle qui rappelle le nĂ©potisme, la prĂ©varication, la gabegie… L’histoire du Togo ne peut pas plaire aux Togolais, du moins ceux qui ont su garder leur dignitĂ©. Aucun citoyen digne et honnĂŞte n’aurait aimĂ© une telle histoire de son pays. Les Togolais ont Ă©tĂ© contraints d’oublier, calomnier, dĂ©tester leur père de l’IndĂ©pendance pour aimer un tueur. Ils n’ont pas Ă©tĂ© autorisĂ©s Ă  aimer leur histoire, Ă  s’aimer donc ! Et rien ne peut empĂŞcher un peuple qui ne s’aime pas de s’exterminer pour allĂ©ger sa trop grande frustration. Car frustrĂ©s, les Togolais le sont aujourd’hui. FrustrĂ©s de ne pas pouvoir s’unir. FrustrĂ©s de ne pas pouvoir librement choisir leurs dirigeants, comme leurs voisins bĂ©ninois et ghanĂ©ens. FrustrĂ©s de se voir diriger par des ministres qui ne sont en fait que d’anciens dĂ©linquants, d’anciens Ă©tudiants tricheurs et brĂ»leurs d’écoles, tueurs, d’anciens diplomates renvoyĂ©s comme des musaraignes pour leur incompĂ©tence notoire, et qui aujourd’hui leur livrent un one-man-show qui ne fait que les enrager au jour le jour. FrustrĂ©s de ne pas pouvoir survivre, juste survivre, comme leurs voisins. FrustrĂ©s d’être la risĂ©e de toute la terre. FrustrĂ©s de ne mĂŞme pas se sentir chez eux dans leur propre pays ! Et ils cherchent quelqu’un Ă  sacrifier pour se soulager. Les Togolais cherchent leur quelqu’un, ce quelqu’un qu’ils dĂ©testent, ce quelqu’un qu’on leur a imposĂ©, qu’on leur impose et qu’ils veulent assassiner, pour se libĂ©rer…

Il peut pleuvoir du feu sur le Togo aujourd’hui, demain, après-demain… un jour, car, mĂŞme si chacun fait semblant de le mâcher entre les dents, pour ne pas ĂŞtre le bouc Ă©missaire, le problème de la division Nord-Sud persiste au Togo. Ca se sent, ça se voit, partout, aujourd’hui, parmi les Togolais Ă  l’intĂ©rieur et Ă  l’extĂ©rieur du Togo. Un Sud qui se sent lĂ©sĂ© – qui est d’ailleurs lĂ©sĂ©, un Nord injustement mis en quarantaine pour avoir ouvert la boĂ®te de Pandore, et dont le seul crime est d’être l’origine d’Eyadema et de sa descendance dĂ©testĂ©e. Une division que se permettent d’entretenir des imbĂ©ciles de l’administration togolaise qui ne font passer Ă  travers leur tamis que les graines du Nord. Pourquoi ne pas le dire tout haut quand nous le murmurons tous tout bas ? Et les plus graves gĂ©nocides, les guerres civiles les plus meurtrières de l’histoire de l’Afrique ont toujours germĂ© ainsi. Quand une ethnie, une partie du peuple se sent Ă©cartĂ©e de la res publica, au dĂ©triment d’une autre. Le Rwanda dont parle le journaliste dans son analyse a ainsi pris feu. Nous avions frĂ´lĂ© l’enfer en 2005. De justesse !

Il peut pleuvoir du feu sur le Togo aujourd’hui, demain, après-demain… un jour, car c’est tout simplement Ă©nervant, rĂ©voltant de voir qu’en ces temps oĂą les autres anciennes colonies françaises cherchent par tous les moyens Ă  extirper la France de toutes leurs affaires, des Français peuvent se permettre de menacer des journalistes togolais au Togo, juste parce qu’ils ont le soutien d’un pouvoir illĂ©gitime, encore illĂ©gitime, toujours et Ă  jamais illĂ©gitime qui leur doit tout. Quel sentiment de fiertĂ© le Togo peut-il encore susciter chez les Togolais quand mĂŞme notre dignitĂ©, qui nous a toujours Ă©tĂ© si chère, peut ĂŞtre foulĂ©e aux pieds, chez nous, par des Ă©trangers, oui des Ă©trangers, d’indĂ©sirables et nuisibles Ă©trangers sans aucune valeur, inutiles et vils ? Il peut pleuvoir du feu sur le Togo, il faut qu’il pleuve du feu sur le Togo, pour que ces Français dĂ©soeuvrĂ©s, chassĂ©s de chez eux par l’oisivetĂ©, et qui ne peuvent trouver grâce qu’aux yeux de vagabonds et dĂ©linquants comme ceux qui prĂ©tendent gouverner notre pays, soient, comme en CĂ´te d’Ivoire, remis Ă  leur place, celle qu’ils mĂ©ritent, la rue de leur propre pays, la France.

Il peut pleuvoir du feu sur le Togo aujourd’hui, demain, après-demain… un jour, car l’arrestation sauvage de Kofi Folikpo, ce Ă©nième coup de poignard donnĂ© aux droits de l’homme dans notre pays, cette barbarie devant laquelle Faure GnassingbĂ© va encore, dans son ineffable lâchetĂ©, garder le silence, n’est qu’une raison de plus pour pousser les Togolais Ă  vouloir embraser leur pays, pour, enfin, peut-ĂŞtre, trouver la paix. Cette arrestation, quelle que soit la raison qui la justifie, quelle que soit la faute commise par l’accusĂ©, n’est qu’un sadisme de plus de la part du RPT, une raison de plus pour pousser les Togolais Ă  vouloir mettre leur pays en flammes, un pas de plus pour s’éloigner de la rĂ©conciliation, du Grand Pardon, un citoyen de plus transformĂ© en rĂ©voltĂ©. Car un Etat, un Etat de droit, un vrai Etat civilisĂ© doit savoir respecter ses citoyens. ArrĂŞter des citoyens, des citoyens dignes, nobles, en pleine rue, comme on arrĂŞte un bandit, un criminel, ne relève que de la volontĂ© du gouvernement togolais et du RPT Ă  humilier et intimider l’opposition togolaise. Que signifient donc ces imbĂ©cillitĂ©s dans un pays pourtant rĂ©putĂ© pour l’intelligence de son peuple ? Des citoyens qui n’ont mĂŞme pas le droit de rentrer chez eux, circuler chez eux, vivre chez eux, et qui doivent moisir, mourir en exil, juste pour avoir commis le crime de ne pas ĂŞtre d’accord avec les principes de brutes mal domptĂ©es que le RPT essaie de leur faire avaler ! L’arrestation des militants de l’opposition, la dissolution des partis politiques, l’ingĂ©rence du gouvernement togolais dans les affaires internes des partis politiques, les menaces et agressions sur les journalistes… ajoutĂ©es au lot quotidien d’humiliations et de dĂ©ceptions ne font que fermenter cette haine que nourrissent les Togolais envers leur propre pays, une haine qu’ils finiront un jour, bientĂ´t, par noyer dans leur sang, leur propre sang, le sang du Togo.

Il peut pleuvoir du feu sur le Togo aujourd’hui, demain, après-demain… un jour. Un coup d’œil jetĂ© aux commentaires des Togolais sur les sites, une discussion avec les jeunes Togolais, les marches du Frac qui s’obstine Ă  ne pas dĂ©poser les armes malgrĂ© les menaces, les intimidations et les humiliations montrent que la rĂ©volte a fini par gagner le cĹ“ur des Togolais. Les Togolais, contrairement Ă  leurs habitudes, commencent maintenant Ă  parler d’armes, de violence, de rĂ©bellion pour se libĂ©rer, car ils ont compris que ceux qui les ont pris en otage n’écoutent qu’un langage, celui des armes, les armes qui les ont façonnĂ©s. Du sang va couler au Togo si Faure GnassingbĂ© continue de prendre les Togolais pour des animaux de ces forĂŞts de Kara oĂą a grandi son sinistre boucher de père, en faisant la sourde oreille aux mises en garde d’un peuple qui a toujours su ce qu’il veut, mais qui ne l’a jamais eu. Car des mises en garde, il en a reçu depuis 2005. La dernière est celle du 04 mars 2010 oĂą le peuple togolais, tout le peuple togolais lui a une fois de plus donnĂ© la chance de quitter, vivant, le pouvoir.

Les Togolais sont prêts à donner leurs vies pour que la lumière soit faite sur les crimes, tous les crimes du régime d’Eyadema et de son fils depuis 1963. Mais ils prendront une vie avant de donner les leurs, celle qui empoisonne aujourd’hui leur existence. Ca, nous y croyons. Le Togo y croit !

David Kpelly

1- La prochaine fois, le feu : titre d’un essai à succès de l’écrivain américain James Baldwin.

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Posté par rwandaises.com

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