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Etymologiquement, le mot patriotisme vient du latin pater qui signifie père. En nous basant sur le Dictionnaire Larousse ( Le Petit Larousse. Grand Format 2003) le mot ‘‘patriotisme’’ peut être défini de la manière suivante :
– sentiment d’appartenance à un pays, qui renforce l’unité selon des valeurs communes.
– état d’âme/d’esprit qui pousse quelqu’un à ressentir de l’amour et de la fierté, pour sa patrie/son pays, et à défendre les intérêts de son pays.
Cependant, il ne conviendrait pas du tout de confondre le patriotisme avec le chauvinisme, qui en est sa manifestation excessive, voire agressive, et que le patriotisme doit être distingué du nationalisme ( Voir E. GELLNER; Nations et nationalisme, Payot et Rivages, Paris, 2008, pp. 11-19) , qui est une idéologie politique (C. GALLI ( a cura di), Manuale di storia del pensiero politico, il Mulino, Bologna, 2004, pp. 440-491).
Partant de ces éclaircissements et sachant que toutes les divisions, les exclusions, les massacres qui ont, plus d’une fois, endeuillé le pays du Rwanda et, finalement, le génocide qui a été perpétré contre les Tutsi au Rwanda en 1994, toutes ces horreurs étaient principalement des actes de Rwandais contre leurs compatriotes ( sans toutefois ignorer ou minimiser l’implication, directe ou indirecte de certains étrangers), alors l’on peut bien apprécier ce choix de réhabiliter actuellement cette valeur du patriotisme. Les autorités, et toute la société, rwandaises actuelles ont bien raison d’inclure le patriotisme dans la liste des valeurs nationales prioritaires à renforcer durablement. L’éducation ( vue au sens large) est sérieusement appelée à contribuer à la réalisation de cette tâche.
En réalité, l’ on pourrait bien affirmer que l’éducation du Rwandais au patriotisme devrait être facile car le patriotisme était une réalité vécue dans la société rwandaise traditionnelle d’avant la colonisation et l’évangélisation du Rwanda. Ainsi sa réanimation sera une : »sorte de rééducation qui recrée cette conscience d’unité, de solidarité, ressuscite les réflexes et les dispositions psychologiques de famille. Tout Rwandais doit retrouver sa fierté comme au temps où tous nos concitoyens étaient abrités sous le même bouclier, derrière un même chef pour donner des leçons utiles à nos agresseurs. Aujourd’hui, l’agresseur le plus redoutable est celui qui nous fait croire que le bonheur des uns exige l’exclusion des autres » ( B. MUZUNGU, ‘‘Présentation du numéro’’, Cahiers Lumières et Société, n°17, Mars 2000, p. 3).
Si les Rwandais retrouvent ce sentiment d’amour et de fierté envers leur chère nation et leurs chers compatriotes, sans exclusion ni ségrégation, le Rwanda, comme nation, retrouvera cette unité et cette cohésion qui ont, pendant un bon bout de temps, fait défaut ou qui ont été piétinées soit par des étrangers ( époque coloniale), soit par certains des Rwandais ( auteurs des divers massacres et du génocide de 1994).
Par ailleurs, dans la société rwandaise, les atouts pour la réanimation rapide de cette valeur du patriotisme ne manquent pas: dans l’ensemble, toute la population rwandaise partage beaucoup de choses : la langue nationale ( le kinyarwanda), l’histoire multiséculaire, la culture, le territoire nationale, indistinctement occupé par les Rwandais, etc. A notre avis, il suffit justement d’avoir des autorités animées de cette intention de ressouder les liens entre les gens et de restaurer leur unité nationale séculaire pour pouvoir assister, après un certain temps, à la résurgence de la cohésion sociale et patriotique au Rwanda.
En effet, comme nous le dit Edgar Morin : »La notion de société est pensée sociologiquement en termes de gesellschaft, système constitué par les interactions matérielles, techniques et d’intérêts. Mais elle est pensée « patriotiquement » en termes de communauté ou gemeinschaft. Bien entendu, la gemeinschaft est évacuée des sociologies réductrices ( techno-économistiques) incapables de concevoir la réalité du mythe. Or, c’est le mythe communautaire qui donne à la société sa cohésion de nation. Le mythe de la substance matricielle-paternelle ( Mère-Patrie) où l’Etat assure la fonction paternelle et la nation l’enveloppement maternel, crée une fraternité mythique entre les « enfants de la Patrie ». Cette fraternité mythique est dans la vie quotidienne, récessive, refoulée, dans l’affrontement des égocentrismes et des intérêts, mais devient réelle lorsque la nation est menacée par l’ennemi » ( E. MORIN, Pour entrer dans le XXI° siècle, Editions du Seuil, Paris, 2004, p. 118).
Nous pensons que l’ennemi le plus redoutable des Rwandais serait, par exemple, celui qui porterait encore les uns à penser commettre des massacres de masses et/ou un génocide contre leurs compatriotes. Ainsi, pour la reconstruction et la cohésion durable da la société rwandaise, les Rwandais doivent être éduqués ou rééduqués à vivre harmonieusement dans une même nation et à réanimer leur sentiment patriotique ( Voir S. M. SEBASONI, Le Rwanda. Reconstruire une nation, Editions Rwandaises, Kigali, 2007, p. 15). D’ores et déjà, vu les diverses réalisations positives et extraordinaires qui sont observables en si peu de temps, après le génocide de 1994, et l’engagement du pays sur la voie de son redressement durable, il y a de quoi à être très optimiste quant ce qui est de l’avenir du Rwanda en tant que nation.
Dr Sébastien GASANA
Sociologue
www.rwandaises.com