RFI, 27 septembre 2011

Par Ursula Soares

La Burundaise Marguerite Barankitse (Présidente de l’ONG Maison Shalom) est la lauréate du prix 2011 de la Fondation pour la prévention des conflits de l’ex-président français Jacques Chirac. Elle est la fondatrice de la Maison Shalom, une ONG qui a recueilli, jusqu’à ce jour, 20 000 enfants victimes de la guerre et du sida.

Maman « Maggy », comme on l’appelle dans son pays, de son vrai nom Marguerite Barankitse, est une femme endurante qui n’a jamais été découragée par les déceptions, les incompréhensions, le poids des blessures de la guerre et de la pauvreté, sans oublier les difficultés à obtenir les financements pour mener à bien son action. Son rêve : que le Burundi devienne un havre de paix où tout enfant pourra vivre dans la dignité, aller à l’école, grandir et fonder une famille.

Marguerite Barankitse a grandi à Ruyigi, à la frontière tanzanienne, à 200 kilomètres de Bujumbura. C’est l’une des régions qui ont le plus souffert de la discrimination ethnique et des massacres qu’a connus le Burundi en 1993.

Elevée chez les religieuses, elle est devenue institutrice. De sa mère, elle a hérité l’humour, l’optimisme et un cœur en or massif. Aujourd’hui, à 55 ans, elle lutte toujours pour que les orphelins soient accueillis, retrouvent une famille et que leur nombre diminue, notamment en améliorant la condition des mères. Pour cela, elle a créé des écoles, un hôpital, des fermes…

Sa vocation de mère adoptive

Marguerite Barankitse a eu l’occasion de témoigner, à plusieurs reprises, de son histoire exceptionnelle et de son parcours inédit. Reçue l’année dernière à la mairie de Lille, en France, dans le cadre du 21e anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant, elle avait raconté sa première adoption suivie de bien d’autres.

Le quotidien français La Voix du Nord avait repris son histoire. Un jour, alors qu’elle avait 23 ans et était jeune enseignante au Burundi, une enfant de sa classe s’est mise à pleurer. Orpheline de père, elle venait d’apprendre que sa mère était morte. « Elle m’a dit que tous ses frères et sœurs avaient fui et qu’elle ne savait pas où aller. Je lui ai dit : ‘ Tu peux venir chez moi. Tu choisis d’être ma fille ou ma petite sœur ‘. Elle était hutu protestante, moi tutsi catholique. Ma famille m’a demandé : ‘ Mais qu’est-ce que tu es en train de faire ? Tu es folle ! ‘ – J’ai répondu : ‘ Je viens d’avoir un enfant. Il faut se réjouir ! ‘ »

Sa vocation de mère adoptive était née. Lorsque la guerre au Burundi a éclaté, en 1993, elle avait adopté quatre enfants hutus et trois enfants tutsis.

Au-delà des clivages ethniques

C’est en octobre 1993, alors que le Burundi est en pleine guerre civile, que Marguerite Barankitse rencontre le malheur. Catholique et Tutsi, elle travaille à l’évêché de Ruyigi où elle se réfugie avec les enfants et où elle a caché 72 personnes, Hutus. Le 24 octobre, ils se font prendre et des Tutsis arrivent pour se venger. Elle échappe au massacre mais assiste, enchaînée à une chaise, à l’assassinat de 72 hommes et femmes, vieux et enfants. Le feu est mis aux locaux de l’évêché.

C’est la vue de quelques enfants épargnés qui lui donne une force de vivre et d’agir qui ne la quittera plus. La profonde révolte qu’elle a ressentie l’a poussée à créer les maisons Shalom qui, depuis, abritent des enfants orphelins ou non, victimes des massacres, du sida et de la faim. En 2009, elle déclarait au journal français La Croix : « Vivre et travailler au contact d’enfants, défendre leurs droits, comme je l’ai toujours fait, donne une grande force. A travers les guerres civiles, à travers les malheurs, les enfants m’ont toujours portée. Dans leurs yeux, on lit tellement d’espoir ! Les enfants sont les bâtisseurs de l’espérance. ».

Interrogée par RFI, Marguerite Barankitse évoque ce jour terrible où elle a pris, avec elle, les 25 enfants rescapés de ce massacre, avec un seul objectif : les protéger.

Une grande joie et un grand encouragement

Marguerite Barankitse figure parmi les Africaines les plus distinguées au niveau international. Elle a reçu de nombreuses décorations, la plus prestigieuse étant celle du prix Nobel des enfants, en 2003. Le 24 novembre prochain, le prix de la Fondation pour la prévention des conflits de l’ex-président Chirac, doté de 100 000 euros, lui sera remis à Paris. Réagissant sur RFI, elle a déclaré que « ce prix est une grande joie et un grand encouragement ».

Un « prix spécial du jury » sera également remis à l’ancienne procureure canadienne du Tribunal pénal international (TPI) pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda, Louise Arbour, « pour son action à rendre efficace et visible la justice internationale ».

RFI, 27 septembre 2011

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