Dessin de Burki paru dans 24 Heures

Concernant l’élection prési­­dentielle française, deux mots ­seulement sont à retenir. Le premier est “aptitude” (à diriger le pays). Le second est “changement”. Tout le reste, comme disent les Français, “c’est du bla-bla*”. Si les Français décrètent que, en temps de crise, l’aptitude au commandement prime sur le reste, ils serreront les dents et rééliront Nicolas Sarkozy. S’ils veulent se défaire de ce président qu’ils n’ont jamais porté dans leur cœur, ils privilégieront l’espoir par rapport à l’expérience et éliront le candidat socialiste, François Hollande.

A première vue, c’est Hollande qui devrait l’emporter. Dégrossi et policé comme les Français aiment que leur président le soit, il est donné favori dans les sondages d’opinion. Le taux de chômage s’approche de la zone à deux chiffres. La réforme des retraites est impopulaire. Même pour un pays réputé pour son pessimisme, le climat général est morose. Et la gauche n’a plus mis le pied à l’Elysée depuis la sortie, à une autre époque, de François Mitterrand. En bref, la gauche française a toutes les chances de son côté, mais risque fort de tout gâcher.

Un ego napoléonien

Quand je suis allé à Paris, à la mi-janvier, j’étais convaincu que Hollande coifferait Sarkozy au poteau. En repartant, une semaine plus tard, je me disais que ­Sarkozy avait davantage de chances de l’emporter. Le président fait montre d’un courage politique indéniable : beaucoup de gens qui ne peuvent pas le sentir ont aujourd’hui le sentiment qu’ils ont sans doute besoin de lui. François Hollande, le gentilhomme qui a fait les bonnes écoles, possède du charme et de l’humour, mais n’a pas su faire mentir ses détracteurs, qui le trouvent hésitant face à la crise. Ses exhortations confuses exhalent des relents nombrilistes et moralisateurs.

Nombreux sont les Français qui ­veulent pousser Nicolas Sarkozy vers la sortie, rêvant d’infliger ce qu’il mérite à cet agité, avant de se raviser : Oh non ! Pas la gauche et ses atermoiements, ses slogans qui sentent le réchauffé, son immobilisme* forcené, qui, d’une certaine manière, a érigé la lutte des classes en dogme, quand la plupart des gauches européennes – la gauche allemande, par exemple – sont passées à autre chose depuis des années déjà.

J’ai parlé du courage de Nicolas ­Sarkozy. Je dirais que c’est ce qui fait de lui le dirigeant politique le plus intéressant d’Europe. Mais je commencerai par exprimer des réserves : lorsqu’il flagorne l’électorat de Marine Le Pen – le traitement révoltant réservé aux Roms, le refus borné de la candidature de la Turquie à l’entrée dans l’Union européenne, la politique d’immigration de plus en plus restrictive –, il montre son pire visage. Son ego napoléonien peut aussi agacer, même si Carla Bruni, sa flamboyante épouse, a su contenir ses manifestations les plus extrêmes.

Au bout du compte, ce qui est impardonnable chez un politique, ce sont l’ego et l’ambition, car ils ne laissent pas de place pour une cause supérieure. Nicolas Sarkozy n’est pas dans ce cas de figure. C’est un homme d’action doublé d’un ­iconoclaste : il a réintégré la France dans le commandement intégré de l’Otan, déclaré qu’il n’y a rien de honteux à aimer les Etats-Unis, réformé les universités et les régimes de retraite face à une opposition déchaînée, embrassé la digne cause libyenne là où Jacques Chirac et François Mitterrand auraient botté en touche (ce que l’Allemagne a piteusement fait).

Mais le haut fait de Nicolas Sarkozy est d’avoir rallié à lui l’Allemagne dans la crise de l’euro. La crise a éclaté au moment où l’Allemagne se détournait de l’idéalisme européen – épuisée par l’effort financier consenti pour réunifier le pays, agacée par les pique-assiette méditerranéens, convaincue d’avoir expié ses péchés commis pendant la guerre et portée davantage sur le profit financier que sur les grandes causes morales. Devant une telle situation et face à une Angela Merkel qui l’avait comparé en privé à M. Bean, Nicolas Sarkozy ne s’est pas effacé. Il a persévéré.

Efforts et persévérance

A contrecœur, Angela Merkel a fini par accepter l’idée que la cause européenne primait sur l’agacement de ses concitoyens à l’égard de l’Europe. L’effort n’a pas été constant, et d’innombrables erreurs ont été commises. Mais la France a consenti des efforts énormes pour convertir l’Allemagne à son point de vue. Aujourd’hui, les taux d’intérêt des obligations espagnoles et italiennes sont à la baisse, les esprits s’apaisent. C’est un bon point pour Nicolas Sarkozy – et un point qui pèse lourd. L’aptitude à diriger compte pour beaucoup.

 

http://www.courrierinternational.com/article/2012/02/16/si-les-francais-veulent-un-leader

Posté par rwandanews