Trois mois après les élections législatives du 28 novembre 2011, la vie politique congolaise est toujours en suspens : ce n’est qu’en avril que la Cour Suprême de justice, après avoir examiné 500 recours en contestation, publiera les résultats définitifs des élections législatives. D’ici là cependant, le président Kabila, tirant les leçons du scrutin, devra s’atteler à la recomposition des deux principaux centres du pouvoir : le gouvernement et le cabinet présidentiel. Donnant la priorité à son mandat de député du PALU (Parti lumumbiste unifié) le premier ministre Adolphe Muzito a présenté la démission de son gouvernement, assurant que « le président devait avoir les mains libres ».
C’est bien entre les mains du chef de l’Etat que se trouvent désormais toutes les cartes : alors qu’en 2006, sa victoire au deuxième tour avait été obtenue grâce au soutien du Palu, qui, en échange, avait obtenu le poste de Premier Ministre, cette fois, la nébuleuse des partis ayant soutenu le président représente une majorité absolue au Parlement. Sur le plan strictement arithmétique, la nécessité d’une coalition ne s’impose donc plus. Cependant, le parti le plus proche du chef de l’Etat, le PPRD (parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie), arrivé en tête à l’Assemblée, est passé de 111 sièges en 2006 à 62. En outre, plusieurs « poids lourds » de l’ancienne majorité présidentielle ont été recalés par les électeurs : des proches du président, anciens membres de son cabinet ou de son entourage, Léonard She Okitundu, Marcellin Cishambo, Jean-Charles Okoto, plusieurs ministres sortants comme Tambwe Mwamba (Affaires étrangères) José Endundo (Tourisme) Martin Kabwelulu( Mines) Raymond Tshibanda (Coopération internationale) l’ancien ministre des Sports, l’ancien questeur de l’Assemblée Bahati Lukwebo.
Décimée par la sanction électorale, la « garde rapprochée » du chef de l’Etat a aussi été décapitée par le décès d’Augustin Katumba Mwanke, victime du crash aérien de Bukavu. Ce dernier, député de Pweto au Nord Katanga, était le véritable « faiseur de rois » du régime, toutes les nominations et aussi tous les contrats importants passaient par lui. La disparition de ce fusible essentiel place désormais le chef de l’Etat en première ligne, l’obligeant à assumer lui-même les décisions politiques et le choix des hommes.
Les enjeux de ce deuxième et, en principe, dernier mandat sont de taille. Exprimé par le vote sanction, le message des électeurs est limpide et impératif : il y a exigence de changement, exigence de social. Il faut, d’urgence, que la population bénéficie des fruits de la croissance. Un technocrate compétent, comme le ministre des Finances sortant, Matata Mponyo, (rescapé de l’accident de Bukavu) pourrait, au poste de Premier Ministre, incarner cette nouvelle politique, avec la bénédiction des institutions financières internationales. Plusieurs femmes incarnent aussi le social, Marie-Ange Lukiana, ex ministre du travail, mais aussi l’épouse du chef, Olive Lembe, et sa sœur Jaynet Kabila, à la tête d’une Fondation très active. Dans la foulée des cinq chantiers, le président entend aussi poursuivre la « révolution de la modernité », qu’il s’agisse des transports, des communications, de l’enseignement.
Il devra aussi, à la fois, récompenser les provinces qui ont voté pour lui, (Katanga, Maniéma, Nord et Sud Kivu) peu favorisées lors de son premier mandat, et se rallier les autres (Bas Congo, Bandundu et surtout les deux Kasaï). Le critère de la fidélité ouvre la voie, entre autres, au président du parti PPRD Louis Koyiagialo ou à Pierre Lumbi, le puissant « conseiller spécial », dont le parti, Mouvement social pour le renouveau a vu son score doubler. Quant aux deux Kasaï, bastions de Tshisekedi, ils ont envoyé des représentants de poids dans l’entourage du président, Evariste Boshab, président de l’Assemblée nationale sortante, Adolphe Lumanu, ministre de l’Intérieur, mais sans faire pencher la balance.
Un autre enjeu, plus visible depuis Bruxelles ou Paris que depuis Kinshasa, est la réconciliation avec les Occidentaux, réticents face aux nouveaux partenaires « émergents » et surtout très critiques face au déroulement des élections. L’actuel président du Sénat, Léon Kengo wa Dondo pourrait être chargé, à un titre ou un autre, de jouer les go between…
Reste enfin la pacification de l’Est du pays, où règne toujours la violence des groupes armés : obligé de compter avec le Rwanda et ses alliés militaires, Kinshasa cherche toujours le faiseur de miracles…
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Posté par rwandanews