Indignation contre le négationnisme et ses nouvelles formes de nuisance au travail de mémoire
En cette période de la 18ème commémoration du Génocide perpétré contre les Tutsi au Rwanda en 1994, les Représentants des Associations : IBUKA – Mémoire et Justice, Union des Rescapés du Génocide des Tutsi (URGT), MPORE et Collectif des Parties Civiles, portent à la connaissance du Public rwandais et international, avec beaucoup d’indignation ce qui suit, au regard des comportements des négationnistes, des révisionnistes et de leurs sympathisants:
1. Selon la Convention des Nations Unies pour la prévention et la répression du crime de génocide, on entend par génocide : les actes commis dans l’intention de détruire, intégralement ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux tels que : le meurtre de membres du groupe; l’atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe; la soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle; l’application des mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe; et le transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe.
2. Le génocide qui a eu lieu au Rwanda en 1994 au vu et au su du monde entier a été perpétré contre les Tutsi pour la seule raison qu’ils sont nés Tutsi. Ce génocide a été préparé méthodiquement et exécuté avec une atrocité indescriptible. Pendant cent jours successifs, plus d’un million de personnes de tous âges, des deux sexes, de toutes catégories (citoyens ordinaires, pauvres et riches, intellectuels, hommes et femmes politiques, religieux, handicapés, des malades, y compris des mentaux, voire des fœtus, etc.), ont été tués sans pitié.
3. Les négationnistes et les révisionnistes de ce Génocide contre les Tutsi ont inventé, au fur et à mesure que les années passent depuis 1994, des pseudo-arguments, soit pour nier purement et simplement ledit Génocide, soit pour le minimiser et le banaliser. Ceci dans l’objectif de semer le doute et de détourner l’attention des personnes normalement sensibles à ce crime innommable.
4. Au cours des dernières années et même récemment, nous avons été témoins des agissements et des faits suivants qui relèvent du même esprit de négationnisme et de révisionnisme:
· Les juges d’instruction Jean-Louis Bruguière et Fernando Andreu Merelles ont exploité abusivement le génocide des Tutsi à des fins purement négationnistes. Par des procédés judiciaires abusifs (enquête bâclée, faux témoins,…) ils ont instrumentalisé la justice européenne en tentant de faire croire que le génocide perpétré contre les Tutsi a été causé par les Tutsi eux-mêmes. En effet, ils ont fait jouer l’amalgame avec une enquête visant à déterminer les responsables du fameux attentat de l’avion qui transportait feu Président Juvénal Habyarimana, le 06 avril 1994. Cette démarche, qui sous-entend que l’attentat a été la cause d’un génocide pourtant planifié minutieusement depuis de longues années, est inacceptable. Depuis janvier 2012, les résultats d’une enquête d’experts commandités par les juges français Marc Trévidic et Nathalie Poux apportent des éléments qui décrédibilisent totalement la thèse du juge Bruguière.
· Des pseudo-chercheurs ont publié un document fantaisiste mais combien nocif intitulé
« Le rapport du projet Mapping concernant les violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises entre mars 1993 et juin 2003 sur le territoire de la République Démocratique du Congo. », HCDH, 2010. Cette démarche visait à faire croire qu’il y a eu un double génocide.
5. Actuellement nous assistons à un exercice apparenté à celui que les juges Bruguière et Merelles ont mené il y a quelques années : certaines personnes utilisent comme prétexte le fait qu’elles ont servi comme cadres dans les instances dirigeantes de l’Etat Rwandais ou dans les hautes sphères politiques et/ou militaires pour s’arroger le droit d’inventer des contre-vérités, de les propager avec vigueur et de tenter de nuire au travail de mémoire que le monde entier soutient et mène sans relâche. Nul n’ignore que l’ONU, l’Union Africaine, le Groupe des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (Groupe ACP) et nombre d’organisations tant rwandaises qu’internationales, ont décidé de commémorer la date du 07 avril de chaque année comme Journée de Souvenir du génocide anti-Tutsi. Malgré cela, ici en Belgique, des négationnistes n’hésitent pas à proclamer à haute voix que la date de commémoration acceptable est celle du 06 avril.
Aujourd’hui, une nouvelle forme de négationnisme est apparue, propagée par la nouvelle alliance des partis politiques d’opposition et de leurs sympathisants qui se réclament de la société civile. Des invitations sont en train de circuler invitant les gens à se souvenir de tous les disparus du « génocide rwandais », entendez par là le double génocide, celui des Tutsi mais aussi des Hutu. Ces partis se cachent derrière le libre exercice des droits civils et politiques afin de prêcher la thèse du double génocide, les uns dans le but de se dédouaner de leurs propres responsabilités et les autres, à des fins purement politiques.
6. Aujourd’hui, nous exhortons les pays, les organisations internationales, les institutions de l’Union Européenne, notamment la Commission, le Conseil et le Parlement, à donner davantage de place aux questions de la mémoire des génocides reconnus et de la lutte contre le négationnisme dans le cadre de leurs politiques de prévention des conflits et d’éducation à la citoyenneté.
7. La lutte contre l’impunité des personnes qui ont participé au génocide contre les Tutsi doit rester une priorité. Un appel est lancé à tous les pays, notamment européens, qui hébergent les personnes soupçonnées de génocide afin que la justice fasse la lumière sur leur rôle et responsabilités dans ce génocide, à l’instar de la justice belge qui est en avance dans ce domaine.
8. La lutte contre le négationnisme et le révisionnisme doit être réaffirmée dans tous les pays. Nous interpelons les gouvernements des pays de l’Union Européenne pour qu’ils élargissent leurs lois de lutte contre la négation de la Shoah aux autres génocides reconnus notamment celui des Tutsi. En effet, la négation d’un génocide non seulement fait partie du projet génocidaire mais aussi contribue à aggraver les traumatismes subis par les victimes survivantes et leurs descendances. Dans l’intérêt de ces victimes, il est impératif que les pays prennent la décision de légiférer contre toute sorte de négationnisme et de révisionnisme de l’histoire.
Fait à Bruxelles, le 12 avril 2012.
Pour IBUKA – Mémoire et Justice asbl : Eric RUTAYISIRE, Président
Pour MPORE asbl : Manzi BAKURAMUTSA, Président
Pour l’Union des Rescapés du Génocide des Tutsi – URGT : Viateur MUTANGANA, Président
Pour le Collectif des Parties Civiles – CPC (Tubavugire) : Bernadette MUKAGASANA, Présidente
Pour la Communauté des Rescapés du Génocide perpétré contre les Tutsi au Rwanda, qui habitent à Charleroi : Tatien NDOLIMANA MIHETO, Président
Posté par rwandaises.com