© AFP Flora Bagenal. Des enfants posent devant une tente du camp de réfugiés de Kigeme, dans le sud du Rwanda, le 18 juin 2012
Le camp de réfugiés de Kigeme, qui a longtemps hébergé des Burundais dans le sud du Rwanda, a rouvert le 10 juin pour accueillir les Congolais qui fuient la nouvelle vague de violences en République démocratique du Congo (RDC). Un peu plus de dix jours plus tard, il abritait déjà quelque 2.500 personnes.
« Nous accélérons les travaux, » explique Emmanuel Niyibaho, responsable rwandais et chef du camp.
Les réfugiés viennent du centre de transit de Nkamira, situé à 25 km de la frontière congolaise dans le nord-ouest du Rwanda et dont les murs explosent.
Prévu pour 5.400 personnes, Nkamira héberge aujourd’hui environ 12.000 réfugiés, entassés sous des grandes tentes du Haut commissariat de l’ONU aux réfugiés (HCR) et dans une ancienne usine à lait, réquisitionnée dans la crise.
Les réfugiés ont commencé à affluer en avril, quand, dans l’est de la RDC, au Nord-Kivu, une mutinerie au sein des Forces armées gouvernementales (FARDC) a de nouveau embrasé une région chroniquement instable.
Au plus fort des arrivées fin mai, ils étaient 800 à 900 à rejoindre le centre tous les jours. Le flot était redescendu à une centaine par jour, mais est de nouveau en hausse, dit le HCR.
La région des grands lacs africains, meurtrie par des décennies de rébellions, guerres civiles, génocide et guerres régionales, est depuis longtemps le théâtre de déplacements massifs de population.
Mais le Rwanda, qui avant cette nouvelle crise comptait déjà 56.000 réfugiés Congolais, n’en avait plus vu « arriver depuis au moins janvier 2009 », affirme la porte-parole du HCR au Rwanda, Anouck Bronee.
Dans leur majorité, les Congolais qui fuient aujourd’hui sont tutsi et se disent persécutés chez eux parce qu’ils parlent le kinyarwanda, la langue officielle du Rwanda voisin.
Beaucoup disent êtres victimes des FARDC, qu’ils accusent de viols, de pillages, et faire les frais de la mutinerie.
L’instigateur de la mutinerie serait le général en fuite Bosco Ntaganda, un ex-rebelle qui avait été intégré à l’armée congolaise début 2009. Il est lui-même kinyarwandophone et aurait, selon la RDC et l’organisation Human Rights Watch, bénéficié d’une passivité complice ou même du soutien du Rwanda, ce que Kigali dément vigoureusement.
« Les mêmes gens persécutent les mêmes gens »
Les violences, « c’est toujours le côté gouvernemental, » dit Divine Uwimana, qui se présente comme la représentante des réfugiés à Nkamira. Cette femme de 36 ans dit ne pas elle-même avoir subi de violences, mais que d’autres « ont été violées ».
C’est le cas d’une jeune fille de 16 ans, qui dit avoir quitté mi-avril sa région du Masisi, d’où la mutinerie est entre autres partie.
« Au début, dans mon quartier, il y avait des mutins, après ils se sont battus contre les militaires gouvernementaux, qui sont restés et ont commencé à nous violer, » dit-elle doucement. « Ma mère aussi a été violée. Depuis, elle ne peut plus marcher ».
Les violences se sont déplacées plus au nord du Masisi ces dernières semaines. Le HCR au Rwanda pointe la difficulté de démêler la situation de l’autre côté de la frontière et explique que les réfugiés plus récemment arrivés font désormais état de harcèlements commis par différentes parties.
Au delà de la mutinerie, la situation au Nord-Kivu est compliquée par la présence de rebelles FDLR et de milices Maimai qui, depuis des années, agressent les populations.
Parmi elles figurent les Hutu rwandais du Front démocratique de libération du Rwanda (FDLR), dont les chefs ont fui dans l’est de la RDC après le génocide des Tutsi en 1994 au Rwanda. Ou les Maï-Maï, une milice hostile au Rwanda depuis qu’il a envoyé, en 1996, son armée dans l’est de la RDC pour traquer les FDLR.
A Kigeme, Furaha Murekatete dit avoir fui « la guerre » avec son mari, et ses trois enfants, âgés de un à quatre ans. Mais avant les combats déjà, elle était persécutée par son beau-frère, un Maï-Maï qui avait juré de tuer son mari simplement parce qu’il est kinyarwandophone.
Un peu plus haut dans le camp, Célestin Mutabazi, 65 ans, dit lui avoir fui le FDLR. « Ils ont commencé à prendre nos animaux. Ceux qui allaient travailler dans les champs disparaissaient. »
En 1995, ce père de quatre enfants s’était déjà réfugié au Rwanda pour fuir des persécutions du FDLR. Il y était resté sept ans, raconte-t-il.
Dix-sept ans après, dit-il, « c’est toujours la même chose, les mêmes gens persécutent les mêmes gens à cause de la même chose. » « Si on nous dit qu’il y a la paix chez nous, on va rentrer, mais on ne sait pas exactement quand. »
En attendant, Kigeme se prépare à recevoir d’autres réfugiés. Mais très vite ici aussi, un problème de place risque de se poser. Dans sa configuration actuelle, le camp peut à peine accueillir la moitié des réfugiés arrivés à Nkamira depuis avril.
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Posté par rwandaises.com