Lubumbashi,
L’étape katangaise a donné à Didier Reynders un bel aperçu des réalités congolaises, de ce mélange de gigantisme, d’imprévu et de cordialité qui est l’un des charmes du pays. Mercredi matin, alors que la délégation belge s’attendait à être reçue en audience par le président Kabila, un contr’ordre lui fit mettre le cap sur Tenke Fungurume, à 170 km de Lubumbashi. Sur ce plateau situé à plus de mille mètres d’altitude, le peuple des Bayeke pratique la métallurgie depuis des siècles et, avant la colonisation, c’est ici qu’étaient fabriquées les croisettes de cuivre qui servaient de monnaie à travers toute l’Afrique australe. Aujourd’hui, ce site immense, 1.600 km2, se révèle l’un des plus riches de la planète avec 105 millions de cuivre dont la teneur, 3,1% est considérée comme exceptionnelle.
En 2002, c’est la société américaine Freeport Mac Moran qui a pris le contrôle du gisement et les premiers travaux ont commencé en 2007, tandis qu’en 2010, le litige avec les autorités congolaises à la suite de la revisitation des contrats miniers ayant été aplani, le développement du site et l’exploitation de ses ressources a pu vraiment débuter. Les populations ayant été déplacées et leurs villages reconstruits plus loin, des alignements de maisons préfabriquées abritent désormais des travailleurs venus du Pakistan ou d’Afrique australe, tandis que la société s’efforce de former du personnel congolais qualifié et a ouvert six écoles, appuyées par la coopération belge-ce qui explique la visite-éclair. Dotée de casques, de vestes phosphorescentes, la délégation belge s’apprêtait à parcourir un paysage lunaire, creusé de cratères immenses, dont sont extraits chaque jour 65.200 tonnes de minerai, lorsqu’elle dut soudain rebrousser chemin : le président Kabila attendait Reynders, séance tenante ! Tout le monde mit alors le cap sur la vieille demeure de style afrikaans, ancienne résidence du gouverneur, où le président aime recevoir ses hôtes lorsqu’il se trouve à Lubumbashi.
Alors que l’on s’attendait à rencontrer le chef d’un pays en guerre, l’ambiance était plutôt décontractée : des chaises attendaient sous les arbres du parc, un petit garçon, le fils du président vraisemblablement, jouait au football avec les gardes du corps, des rafraîchissements circulaient.
Les Belges aussi, au propre comme au figuré, avaient enlevé leurs casques et la délégation eut droit à un long entretien avec un président décontracté, en tenue sportive, mais toujours aussi réticent à s’exprimer publiquement. Une heure en groupe, une demi heure en tête à tête, loin de toute oreille indiscrète : Kabila et Reynders ont pris le temps de s’expliquer.
D’après le ministre belge des Affaires étrangères, rien n’a été omis et bien des points soulevés lors de son premier voyage à Kinshasa, en mars dernier, ont progressé : les textes permettant la réforme de la Commission électorale indépendante seront examinés par le Bureau de l’Assemblée nationale dès la rentrée du 15 septembre, la société civile sera représentée, le texte créant la Commission nationale des droits de l’homme est prêt à être ratifié, les instruments de ratification de l’OHADA, régulant le droit des affaires, sont fin prêts, le sommet de la francophonie se réunira du 12 au 14 octobre à Kinshasa, remise à neuf pour la circonstance (même si beaucoup reste encore à faire…), le ministre espère que le procès en appel des assassins de Floribert Chebeya se poursuivra sans dérapage. Bref, si en mars dernier, contre l’avis de beaucoup, il valait la peine de faire le voyage, la visite d’août, elle, a permis de constater de notables avancées dans le bon sens.
Mais, sans surprise, ce satisfecit fut loin d’être au centre des entretiens : la situation à l’Est du pays hante les esprits et le mouvement M23, initialement composé d’officiers et de militaires mutins et qui a établi une administration parallèle à Rutshuru, au Nord Kivu, vient de se doter d’un bureau politique, comme s’il s’agissait de faire monter les enchères avant une éventuelle négociation.
Alors qu’il est attendu samedi à Kigali, Reynders refuse d’abattre ses cartes et de se prononcer sur d’éventuels messages dont il serait porteur auprès des autorités rwandaises. Ayant enregistré le fait que les autorités congolaises considèrent que leurs voisins, en dépit de leurs démentis, appuient les mutins et ayant pris connaissance des rapports internationaux allant dans le même sens, Reynders répète sa « formule magique », selon laquelle le Rwanda, s’il n’est pas partie du problème, doit contribuer à la solution et permettre à une force neutre internationale de « rendre la frontière étanche ». Il note que plusieurs pays d’Afrique australe seraient prêts à mettre des troupes à la disposition de cette force.
Pour ce qui concerne le M23 en revanche, le ministre belge est très clair : aucune négociation ne figure à l’ordre du jour.
Tirant la leçon du passé, Reynders estime que « malheureusement, la communauté internationale a souvent demandé que des mutins intègrent l’armée congolaise. Ce fut une erreur, et il faut qu’aujourd’hui cette armée procède à un certain assainissement, la Belgique étant prête à renforcer sa coopération en la matière. Mais on ne peut plus imaginer des formules de négociation qui conduiraient à la réintégration de mutins dans les forces armées. » Et de conclure : « à force d’intégrer des indisciplinés, c’est l’indiscipline que l’on intègre… »
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Posté par rwandaises.com