L’importance de ce genre repose d’abord sur son ancienneté relative, puisque les premiers morceaux remontent au règne de Ruganzu II Ndoli qui, en accordant la moyenne de 30 à 33 ans à la durée d’une génération, se situerait autour de 1510-1544. Elle repose ensuite sur le fait de l’invariabilité des poème, qui furent transmis dans les termes mêmes de leur composition.
Nous ne pouvons pas reprendre ici ce qui à été décrit au sujet de cette invariabilité dans les deux ouvrages auxquels nous renvoyons les lecteur soucieux de vérifier la valeur des preuves. Nous lui signalons également la poèsie rwandaise Dynastique source d’histoire, par Cyprien Rugamba, (mémoire de Licence en sciences Historiques, faculté de phil. et Lettre, Université de Louvain, 1966) surtout les Ch. III (la transmission et IV (l’interprétation)
J’avais cru que les Aèdes compositeurs disparus, tout était fini, qu’il n’y avait plus de déclamateurs de ces poème. dans la suite je dus heureusement me détromper : les Rhapsodes ou Déclamateurs de ces poèmes existent encore nombreux dans le pays. Cela m’a permis, en 1967, d’entrer en campagne pour commencer l’enregistrement des poèmes dont je possédais le texte depuis 1942-1956.
Il y a des dizaines de déclamateurs dans les anciennes provinces du Bufundi, Nyaruguru et Buyenzi et j’ai été surpris de constater que certains d’entre eux étaient âgés de 25, 30 ans. Ceci m’a prouvé que les familles d’Aèdes ne maintenaient pas ces poèmes uniquement pour les avantages qu’elles en retiraient sous l’ancien régime, mais que leurs enfants les apprenaient gratuitement comme une spécialité de leurs groupes au sein de la culture Rwandaise
Dans l’ancienne province du Rukoma, j’eus la chance de retrouver deux Aèdes qui m’avaient dicté leurs morceaux en 1942. il en fut de même d’un autre qui habite à Gisozi, localité en face Kigali. ces trois-là étaient précieux au plus haut point : comparée à la plus ancienne, la nouvelle déclamation qu’ils faisaient devait démontrer dans quelle mesure, après plus de 25 ans, les poèmes pouvaient avoir été conservés tels quels dans la même tête, ou dans quelle mesure des variantes pouvaient s’y être glissées.
J’avais également pris la dictée d’un poème dicté par le nommé Nyecura, fils de Nyagasani, qui habitait à Rwamiko dans l’ancienne province du Murangara. Il mourut en 1943 . Durant ma campagne de 1967 , je découvris dans le Bafundi un déclamateur appelé Rwabigwi,auquel le même Nyecura avait enseigné ledit poème à la cour de Nyanza, avant 1925. j’en pris donc de nouveau le texte, en vue de comparer au premier : a) pour relever les variantes pouvant exister entre le répétiteur et son élève : b) voir la fidélité du texte après un laps de temps d’environ 50 ans dans la tête d’un déclamateur.
Au cours de la même campagne, au sujet de tel ou tel poème en plusieurs textes dictés séparément, je fit la généalogie de transmission. chaque déclamateur me disait le nom de son répétiteur et parfois celui qui l’avait enseigné à ce dernier. Il s’avéra que ‘en dehors de trois frères, habitant à Giseke dans le Nyaruguru, qui avaient tout appris de leur père, les autres avaient retenu le même morceau des répétiteur différents.
Nous nous promettons de publier ces résultats dès que nous aurons le temps de mettre au point l’édition du corpus complet de la poésie Dynastique. on verra alors que l’invariabilité des Bisigo est une réalité qui s’impose.
Disons en attendant que les Aèdes compositeurs, qui ne faisaient pas de l’histoire, – office réservé alors aux compositeurs des Ibitekerezo, – ont mieux servi les futurs historiens du Rwanda. Ils nous ont signalé des événements important et nombreux en exaltant les monarques de leurs temps respectifs, d’une génération à l’autre, et nous tenons les poèmes dans les termes même de leur composition, comme genre poétique, certes,les Bisigo doivent être d’abord soumis à leurs propres principes d’interprétation.
Il est des événements de leurs passé à eux qu’il reprenaient. Les 176 recueillis, entiers ou fragmentaires, couvrent une période de 13 générations des monarques Rwandais, de Ruganzu II Ndoli à Mutara III Rudahigwa. Avant Ruganzu II Ndoli, leurs traditions ne reprennent que 6 générations, de Ruganzu I Bwimba à Ndahiro II Cyamatare. En toute hypothèse, ils sont très rapprochés des traditions anterieures à eux qu’ils ont puisés soit aux Ibinyeto (forme antérieure de bisigo) soit aux Ibtekerezo. En les figeant dans des textes invariables, ils nous ont certifié que de leurs temps ces traditions étaient déjà en cours. Et ceci est très important, car nous ne nous trouvons plus en face de traditions sans témoins de contrôle.
Nous sommes convaincus que la connaissance des bisigo est indispensable pour une histoire du Rwanda de niveau scientifique. Nous nous en sommes servi comme trame de tout notre récit, lors même que nous ne nous y référons pas explicitement. On notera, en effet, que les points en apparence empruntés au genre Ibitekerezo, n’ont été choisis qu’en raison de leur confirmation par l’un ou l’autre poème dynastique, lorsqu ils n’étaient pas avec le code ésotérique, ou avec un tabou limitatif de liberté chez les intéressés.
Si nous avions eu le temps de publier le corpus des Bisigo, nous aurions constamment renvoyé le lecteur aux passages justificatifs. les choses étant ce qu’elles sont, nous nous sommes contenté de citer le titre des poèmes, en regrettant que le lecteur n’ai pu disposer du texte que nous lui signalons.
Par M.gonzague
Extrait: A. Kagame « un Abrégé de l’histoire du Rwanda »
Posté par rwandaises.com