Au Burundi, après l’injonction samedi du pouvoir burundais d’arrêter immédiatement ce qu’il appelle « l’insurrection » contre la candidature du président Pierre Nkurunziza à un troisième mandat, quelque 200 femmes, bravant l’interdit, sont descendues dans la rue ce dimanche 10 mai, le matin, dans le centre de Bujumbura. Depuis le début de la contestation, c’est la première manifestation dans le centre-ville de la capitale.
Les femmes, ce matin, sont fières. Nous avons interrogé une femme qui se prenait dans les bras avec une autre : « Nous sommes les premières à être arrivées en centre-ville. La police n’a pas osé intervenir, c’est la preuve que même les fous respectent les femmes », nous disait-elle, ce matin.
Elles ont défilé d’abord sur la place de l’Indépendance. Là, elles ont été stoppées par la police et ont été cantonnées devant le ministère de l’Intérieur pendant à peu près trente minutes. Puis, elles ont décidé de marcher, bravant les cordons policiers.
Nous avons vu des policiers sortir des grenades de gaz lacrymogène et ne pas oser les lancer sur ces femmes qui chantaient pour la paix.
« Nous sommes là contre le 3e mandat »
« Nous sommes les mères. Ce sont nos enfants qui sont tués. Ce sont nos enfants qui sont en prison. Nous sommes là pour le respect des droits humains. Nous sommes là contre le troisième mandat », scandaient-elles
Toutes ces femmes ont ensuite rejoint d’autres groupes qui arrivaient d’une autre direction. A Bujumbura, nous avons ainsi assisté à des situations incroyables où il y avait des cordons de police qui bloquaient ces femmes et qui les empêchaient de se rejoindre. Puis, elles se mettaient à courir pour se rejoindre sans que la police n’ose intervenir.
Lorsque les policiers essayaient de les bloquer, à chaque fois, elles s’assayaient par terre, mains en l’air, et toujours en chantant. Puis, elles se remettaient en route au grand dam des forces de sécurité.
A plusieurs reprises, des policiers énervés les ont menacées avec des grenade de gaz lacrymogène mais d’autres les ont découragés. Il fallait voir ces femmes se mettre à courir entre les policiers qui étaient sans cesse en train de reculer pour reformer les barrages. Finalement elles se sont retrouvées à plus de 200.
Prières, hymne national, chants pour la paix, elles ont fait ce que les hommes n’ont jamais réussi à faire, c’est-à-dire défiler dans le centre ville. Les hommes, des jeunes des quartiers populaires ou des étudiants pour l’essentiel, ont pourtant essayé, ces deux dernières semaines, mais ils ont toujours été bloqués dans les quartiers périphériques par les forces de sécurité, la police et surtout avec des gaz lacrymogènes, camions anti-émeutes et tirs à balles réelles.
« Si ça avait été des hommes, ça fait longtemps qu’on les aurait dégagés », a expliqué, à RFI, un policier.
« Ils savent que tirer sur nous, ça donnerait une image encore plus désastreuse à la police burundaise », a confirmé l’une des manifestantes.
De 10h00 à midi, ce dimanche, elles se sont dispersées petit à petit – quand elles l’ont décidé – se prenant dans les bras, pleurant aussi pour certaines, pour « rejoindre les hommes restés à la maison », disaient-elles amusées. Elles sont heureuses aujourd’hui d’avoir réussi là où les hommes ont échoué.