Le président rwandais Paul Kagame (D) et son homologue burundais, Pierre Nkurunziza (G)

Alors que le Burundi s’enfonce depuis des mois dans une crise politique majeure, les relations n’ont cessé de se tendre avec le Rwanda voisin, accusé par Bujumbura de vouloir déstabiliser le président Pierre Nkurunziza.

Depuis le début de la crise politique au Burundi en avril, avec la forte contestation populaire contre un troisième mandat du président Nkurunziza – finalement réélu mi-juillet – de nombreux ressortissants rwandais ont été arrêtés au Burundi.

Ils étaient une trentaine il y a deux semaines, selon la ministre rwandaise des Affaires étrangères Louise Mushikiwabo, mais d’autres Rwandais ont été arrêtés depuis, dont quatre dans la province de Ngozi (nord), frontalière du Rwanda.

« Les autorités les accusent d’espionner au profit du Rwanda et pour le compte de groupes armés burundais basés » en territoire rwandais, a expliqué à l’AFP un responsable administratif local, sous couvert d’anonymat.

Ce responsable évoque une « psychose au sein de l’administration et des forces de l’ordre burundaises, car nous savons qu’il y a des gens qui se préparent de l’autre côté, pour attaquer le Burundi », accuse-t-il.

Kigali a « exigé » des explications au gouvernement burundais, qui a contre-attaqué en dénonçant le rôle que jouerait le régime rwandais dans la déstabilisation du Burundi.

Fin août, le nouveau président de l’Assemblée nationale burundaise, Pascal Nyabenda, a dénoncé « des tentatives d’attaquer le Burundi plusieurs fois et en provenance d’un pays voisin, membre de la communauté de l’Afrique de l’Est » (EAC).

Sur internet et les réseaux sociaux, son intervention a donné le signal d’une offensive généralisée des sites et comptes proches du parti au pouvoir (CNDD-FDD), qui s’en prennent violemment et désormais ouvertement au président rwandais Paul Kagame et à sa volonté supposée de « conquérir » le Burundi.

Car à Bujumbura, on est convaincu que « le Rwanda veut la chute de notre pouvoir », justifiait encore fin juillet un haut responsable des services de sécurité.

Kagame « a pris fait et cause pour l’opposition qu’il est en train d’armer et d’entraîner dans plusieurs camps situés notamment dans la forêt de Nyungwe, près de notre frontière », accusait ce responsable sous couvert d’anonymat.

« Qu’il nous attaque de face et il verra qu’ici, ce n’est pas le Congo », s’était-il emporté, en référence aux multiples interventions rwandaises dans les Kivu, dans l’est de la RDC voisine.

Pour le pouvoir CNDD-FDD, les « preuves » ne manquent pas, comme la présence au Rwanda de plusieurs généraux burundais impliqués dans le putsch manqué du 13 mai contre Nkurunziza et une attaque lancée par un groupe armé le 10 juillet dans le nord du Burundi.

– Discours ethnique –

« Le Rwanda a accueilli beaucoup de réfugiés burundais depuis le début de la crise et il est très préoccupé par la détérioration de la situation et l’ethnicisation du discours par les autorités », explique sous couvert d’anonymat à l’AFP un analyste rwandais, qui reconnaît la présence à Kigali « d’un certain nombre de personnalités politiques, de la société civile et de l’armée qui fuient le pouvoir Nkurunziza ».

« Ça tourne au vinaigre parce que le Rwanda a pris position publiquement contre le 3e mandat de Nkurunziza, et aujourd’hui, nombre d’opposants se promènent librement à Kigali », juge Thierry Vircoulon, analyste pour ICG. Le général burundais Godefroid Niyombare, le chef des putschistes de mai, a ainsi « été vu là-bas pendant un moment », relève-t-il.

Autre reproche, côté Kigali cette fois, les liens supposés des responsables burundais avec les rebelles hutus rwandais des FDLR, la capitale burundaise étant de plus en plus décrite comme leur base arrière.

Les relations ont commencé à se détériorer vers 2012-2013 entre les deux pouvoirs issus de mouvements rebelles, mais que tout différencie – hutu au Burundi et tutsi au Rwanda -, selon l’analyste rwandais déjà cité.

« Ce sont deux pays dont l’histoire est très liée, et il est évident que les tensions dans un pays se répercutent dans l’autre », prévient M. Vircoulon.

Côté rwandais, le même analyste « ne pense pas » que Kigali peut autoriser l’existence de camps d’entrainements et « une attaque en provenance de son territoire », notamment en raison du « contexte international ».

Au Burundi, le ministre des Relations extérieures, Alain Aimé Nyamitwe, se contente de dire que « nous avons encore nos canaux de communication ouverts ». Mais l’armée burundaise a renforcé ses positions dans les provinces frontalières du Rwanda.

(AFP 08/09/15)

http://fr.africatime.com/rwanda/articles/crise-au-burundi-les-relations-senveniment-avec-le-rwanda

Posté le 08/09/2015 par rwandaises.com