Le correspondant du Monde en Afrique, Jean-Philippe Rémy, et le photographe britannique Philip Moore, arrêtés jeudi 28 janvier à Bujumbura, ont été libérés vendredi après-midi. Ils avaient été interpellés par les services de sécurité burundais lors d’une descente dans un quartier contestataire de la capitale.
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Interrogés dans la matinée, les deux journalistes ont été transférés devant le procureur vers 14 heures. Deux délégués du Comité international de la Croix-Rouge puis l’ambassadeur de France, accompagné d’un représentant du consulat britannique et de la journaliste américaine Julia Steers, avaient pu leur rendre visite dans le bâtiment de l’Agence nationale de renseignement, situé dans le quartier de Rohero à Bujumbura, près de la cathédrale Regina Mundi.
Still detained, journalists @jpremylemonde and @fil say they are OK, meet w embassy officers, wait for their release https://t.co/LG3dB3IO0S
— JCSteers (@Julia Steers)
Matériel confisqué
Contrairement à ce qu’a pu affirmer la police, Philip Moore n’a pas été arrêté avec des hommes armés. Il se trouvait dans une église lorsque des incidents ont éclaté dans le quartier de Nyakabiga. Jean-Philippe Rémy, venu le chercher, était sur place depuis une dizaine de minutes lorsqu’il a été appréhendé.
Malgré leur libération et l’absence de charges retenues à leur égard, leur matériel professionnel (téléphones, carnet de notes, enregistreur et appareils photo) ne leur a pas été rendu au terme des auditions, ce qui faitcourir des risques importants à leurs contacts et sources journalistiques, dans un contexte de répression généralisée.
« Des étrangers surpris au milieu de criminels »
L’annonce de leur interpellation, avec quinze autres personnes, avait été diffusée la veille par la Radio-Télévision nationale du Burundi (RTNB) et confirmée officiellement sur Twitter par le conseiller média et communication de la présidence, Willy Nyamitwe :
17 pers arrêtées à #Nyakabiga & #Jabe dont les journalistes Moore Philip Edward, britannique et @jpremylemonde , français. #Burundi 2/3
— willynyamitwe (@Willy Nyamitwe)
D’après le communiqué du ministère de la sécurité publique, « un mortier, une kalachnikov et des pistolets ont été saisis au cours de cette opération de police dans le quartier de Nyakabiga ». C’est « la première fois que des étrangers sont surpris au milieu de criminels », avait réagi le porte-parole adjoint de la police, Moïse Nkurunziza, sur la RTNB.
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Le quartier de Nyakabiga est l’un des bastions de la contestation contre lepouvoir du président Pierre Nkurunziza. Les forces de l’ordre quadrillent la zone depuis les soulèvements d’avril 2015 contre un troisième mandat du chef de l’Etat, et des caches d’armes sont régulièrement mises au jour. C’est à Nyakabiga et dans les quartiers contestataires de Musaga, de Mutakura et de Jabe qu’avait été menée la répression des 11 et 12 décembre, au cours de laquelle près de deux cents personnes avaient été tuées. Des dizaines de corps de jeunes ligotés avaient été retrouvés dans les rues au matin.
Le Monde, qui réclamait la libération immédiate de ses envoyés spéciaux, a tout de suite pris contact avec les autorités burundaises et l’ambassade de France à Bujumbura. « Des démarches diplomatiques sont en cours », avait également précisé dans la matinée le ministre des affaires étrangèresfrançais, Laurent Fabius, faisant part de sa « préoccupation ».
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L’ONG Human Right Watch a souligné que « ces arrestations ont eu lieu dans un contexte de répression sévère de la part du gouvernement envers les journalistes, toutes les principales stations de radio privées burundaises étant suspendues depuis avril-mai 2015. »
« Au cours des derniers mois, des représentants du parti au pouvoir ont fait des commentaires de plus en plus négatifs au sujet de journalistes étrangers couvrant le Burundi. »