Le « crime » journaliste Gaston Mushid, directeur de la radio télé Manika de Kolwezi, l’un des professionnels les plus respectés du Katanga et auquel le réalisateur Idriss Gabel vient de consacrer un documentaire, était simple : à l’issue d’un match de football, il avait interviewé par téléphone le président de l’équipe gagnante, le Tout Puissant Mazembe, qui n’était autre que Moïse Katumbi, l’ancien gouverneur du Katanga. Devenu la bête noire du régime, le riche homme d’affaires est visé par un mandat d’arrêt pour une affaire immobilière qui l’empêche de rentrer au pays. Interpellé puis détenu par les services de renseignements, (ANR) Gaston Mushid a finalement été remis en liberté sans conditions en même temps que Karton Kasong, directeur des programmes de la radio-télévision Manika. Les deux journalistes ont déclaré avoir été « menacés verbalement » et avoir reçu l’ordre
de ne plus diffuser d’interview de l’opposant Moïse Katumbi sur leur radio.
Par ailleurs, le brouillage des signaux du signal de radio OKAPI, la radio des Nations Unies et de Radio France internationale, deux radios très écoutées à travers tout le pays, continue à susciter une volée de critiques, d’une fermeté inhabituelle : l’ambassade américaine à Kinshasa a publié un communiqué assurant que « les Etats Unis sont fortement préoccupés par les restrictions continues aux libertés de rassemblement et des médias. » Les Etats Unis assurent ainsi partager les inquiétudes déjà exprimées la semaine précédente par trois rapporteurs spéciaux de l’ONU et par la Monusco elle-même, qui avait regretté l’interdiction de la manifestation prévue pour samedi dernier.
Le communiqué, en termes inhabituellement graves, assure que les Etats Unis demeurent préoccupés par le risque de violences et d’agitation sociale alors que le président Kabila arrive à la fin de son deuxième mandat et il souligne la nécessité d’un accord élargi, exigence partagée par l’Union européenne et par la Belgique.
Alors que le dialogue entre le pouvoir et une partie de l’opposition s’est terminé le 18 octobre dernier, la nécessité de l’élargir à d’autres forces d’opposition, de le rendre plus inclusif, explique le retard intervenu dans la nomination d’un Premier Ministre issu de l’opposition, dispositif principal de l’accord qui avait été conclu sous la houlette du médiateur Edem Kodjo. Alors que l’on s’attendait à ce que le président de l’UNC (Union pour la nation congolaise) Vital Kamerhe remplace cette semaine encore le Premier Ministre sortant Matata Mponyo, les chefs des différentes délégations ont annoncé un retard d’une semaine. Sans s’étendre sur les raisons profondes du délai, Vital Kamerhe a déclaré que « six jours de patience supplémentaire » n’entravaient guère l’objectif de rechercher plus d’inclusivité et d’assurer des élections apaisées.
En fait, le retard s’explique probablement par une nouvelle médiation qui vient de démarrer : à la demande du président Kabila, les évèques catholiques ont entamé une mission de bons offices auprès du « Rassemblement de l’opposition » constitué autour de la figure historique d’Etienne Tshisekedi. D’après un document de synthèse qui serait en voie d’élaboration, le compromis envisagé porterait sur durée de la période transitoire : si les élections étaient organisées en 2017 et non en 2018 comme initialement proposé, le « glissement » si controversé serait fortement limité dans le temps.
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Posté le 15/11/2016 par rwandaises.com