Au Rwanda les « Solutions localement conçues » sont à la base du «miracle rwandais», elles favorisent la démocratie participative, permettent la participation aux décisions et l’exécution des programmes. Par André Twahirwa*
Dans le cadre des efforts visant à reconstruire le Rwanda et à favoriser une identité nationale commune, le Gouvernement rwandais s’est appuyé sur des aspects de la culture et des pratiques traditionnelles rwandaises pour enrichir et adapter ses programmes de développement aux besoins et au contexte du pays. Le résultat est un ensemble de solutions maison: «Solutions localement conçues» (SLC), qui sont gravées dans la Constitution dans son article 11(Culture rwandaise comme source de solutions endogènes).
Le recours aux «Solutions localement conçues» (SLC) est aux sources même du «miracle rwandais». Les SLC sont, en effet, au cœur de la démocratie participative, et qui permettent au peuple le plus large possible de participer le plus possible aux décisions sur les questions qui le concernent et à leur exécution.
Les 12 «solutions localement conçues» (slc)
En ce jour, 12 «Solutions localement conçues » (SLC) sont recensées dans le site officiel Rwandapedia.
Nous proposons une présentation succincte, des 12 solutions endogènes dans l’ordre chronologique de leur réintroduction officielle. Pour chaque SLC, nous proposons d’abord, entre parenthèses, une traduction en français suivie de sa définition «littérale» avant d’en proposer une articulation entre tradition ET mode-rnisation/réintroduction.
1-Ingando
Ingando («Camp de solidarité (citoyenne)»; littéralement, «Étape ou lieu d’arrêt ou de cantonnement; campement pour plusieurs personnes»): Ingando traditionnel était une retraite pendant laquelle les personnes âgées ou jeunes, les chefs ou non quittaient leurs maisons et restaient regroupés dans un endroit pour méditer et partager des idées sur la manière de résoudre des problèmes concernant leurs communautés ou la nation. Les participants à Ingando pouvaient y discuter de l’élaboration d’une stratégie pour la guerre ou des problèmes de sécurité alimentaire.
Réintroduite officiellement en 1997, l’ingando est un programme d’éducation pour la paix qui a pour but d’éclairer l’Histoire du Rwanda, de comprendre les origines des divisions au sein la population, d’encourager le patriotisme et de combattre l’idéologie génocidaire.
2-Umuganda
Umuganda («Travail communautaire» ; littéralement: «Perche de construction»; d’où gutiza umuganda: «Donner gratuitement des matériaux de construction; apporter une aide»). Dans la culture rwandaise traditionnelle, les membres de la communauté demandent à leur famille, à leurs amis et à leurs voisins de les aider à accomplir une tâche difficile.
Créé juste après l’indépendance en 1962 et renforcé par la deuxième République en 1974, l’umuganda n’a été réintroduite qu’en 1998. En effet, durant le génocide en 1994, il était devenu synonyme de chasse aux tutsis («travail»).
Tous les derniers samedis du mois, entre 8h00 et 11h00, chaque rwandais qui a atteint l’âge de majorité (18 ans) a l’obligation de participer aux travaux communautaires.
Tout en offrant un cadre privilégié de réalisation d’objectifs communs aux habitants d’une localité, il permet des moments de dialogue entre les autorités et la population sur les problèmes d’intérêt local : à la fin de chaque mois, à la fin des travaux, la population se concerte avec ses autorités sur les projets à réaliser pour les prochaines échéances d’umuganda.
3-Ubudehe
Ubudehe («Développement communautaire»; littéralement: «Ensemble de personnes cultivant ensemble»; d’où «grand nombre de gens; réunion»). L’Ubudehe est une pratique traditionnelle d’action collective destinée à résoudre les problèmes du monde agricole essentiellement: un ensemble de personnes se réunissaient pour accomplir collectivement une activité agricole. Tout se déroulait en chansons et se terminait par le partage autour d’une bière préparée par le principal bénéficiaire de l’ubudehe.
Réintroduite dès 2001, l’Ubudehe a été adoptée par le gouvernement du Rwanda dans son approche de lutte contre la pauvreté. Les membres de la communauté locale identifient eux-mêmes les problèmes relatifs au développement et décident quelles actions prioritaires seront entreprises pour lutter contre la pauvreté dans leurs quartiers.
L’Ubudehe est notamment le cadre dans lequel les citoyens sont classés dans différentes catégories en vue de déterminer le niveau de soutien que les familles reçoivent des programmes gouvernementaux de protection sociale (Mutuelle de santé et autres bourses d’étude…). Ainsi, en 2014, l’Agence locale de développement des entités administratives a créé de nouvelles catégories «Ubudehe». Les ménages sont classés en fonction de leur statut socio-économique et de leurs biens (terres et d’autres biens) et ce que le ménage fait pour gagner sa vie. Les catégories sont les suivantes :
• Catégorie 1: Familles qui ne possèdent pas de maison et qui ne peuvent guère satisfaire les besoins élémentaires;
• Catégorie 2: Ceux qui ont un logement en propriété ou sont en mesure d’en louer un, mais peuvent rarement obtenir des emplois à temps plein;
• Catégorie 3: Ceux qui ont un emploi et les agriculteurs qui vont au-delà de l’agriculture de subsistance pour produire un excédent qui peut être vendu. La catégorie comprend également ceux qui ont des petites et moyennes entreprises qui peuvent fournir un emploi à des dizaines de personnes;
• Catégorie 4: Ceux qui possèdent des entreprises à grande échelle ou qui travaillent avec des organisations et des entreprises internationales ainsi que des fonctionnaires….
Ubudehe a été reconnu internationalement comme un excellent programme de développement et récompensé par l’ONU (Better Management: Better Public Service Award) en 2008.
4-Gacaca;
Gacaca («Tribunaux traditionnels»; littéralement: «clairière où les gens se réunissent», urucaca désignant un lopin de gazon): Dans la tradition, une communauté se réunissait pour discuter de questions préoccupantes, des conflits internes. Les gens (aînés et dirigeants) de grande intégrité connus sous le nom de inyangamugayo («ceux qui refusent le déshonneur; les sans reproche») facilitaient une discussion à laquelle n’importe quel membre de la communauté pouvait prendre part. Une fois que tout le monde s’était exprimé, les inyangamugayo prenaient une décision sur la solution au problème. Si celle-ci était acceptée par tous les membres de la communauté, la réunion se terminerait par le partage d’une boisson comme signe de réconciliation.
Réintroduites officiellement le 18 juin 2002 et officiellement closes le 18 juin 2012, ces juridictions Gacaca populaires ont servi de cadre pour le jugement des génocidaires, hormis les planificateurs du génocide et les personnes accusées de viol.
En 10 ans (2002-2012), plus de 12 000 tribunaux communautaires ont effectué plus de 1,2 millions de jugements à travers le pays. Les Gacaca ont conservé aussi leur dimension traditionnelle: elles ont servi à encourager la réconciliation en permettant aux victimes d’apprendre la vérité sur la mort de leurs proches et aux coupables l’occasion d’avouer leurs crimes et de demander pardon devant la communauté.
5-Umushyikirano
Umushyikirano («Conseil de dialogue national»; littéralement: «Amitié, bonne entente») La SLC peut être considéré comme l’équivalent, au niveau national, de l’Ubudehe: il s’agit d’une réunion où les participants sont en mesure d’échanger des idées, de partager leurs expériences et de s’interroger sur un sujet particulier.
Le premier «Conseil National de dialogue» a eu lieu en 2003. Chaque année, en décembre, un millier de personnes se réunissent pour assister à l’événement pendant que des milliers d’autres suivent les débats en direct à la télévision, à la radio ou sur les réseaux sociaux via internet. Et les Rwandais ont alors l’occasion de poser des questions à leurs dirigeants sur le thème de l’année ou sur un tout autre sujet d’intérêt public via Twitter, Facebook, SMS ou téléphone.
Il constitue le plus grand moment de démocratie participative. Toutes les couches de la société rwandaise se rencontrent pour débattre sur les différents problèmes de la nation autour d’un thème particulier. Thème central de la 14ème édition (2016): «Esquissons ensemble le Rwanda que nous voulons».
6-Umwiherero
Umwiherero («Retraite nationale sur le leadership»; littéralement: «Retraite»).
Réintroduite en 2004, L’Umwiherero est la version mode-rnisée de l’Ingando traditionnel mais réservé aux dirigeants (leaders). Il s’agit aujourd’hui d’une Retraite gouvernementale élargie: il est organisé par le bureau du Président conjointement avec celui du Premier Ministre; mais des dirigeants du secteur privé ou des responsables de la société civile peuvent y être associés. La Retraite nationale sur le leadership se déroule au début chaque année, pour une durée au moins trois jours. Après le bilan sur l’avancement des projets en cours, les débats portent sur un thème particulier: en mars dernier, la 14ème session(2017), qui a duré 5 jours, avait comme thème central: «La prestation des services publics».
7-Abunzi
Abunzi («Comités de médiation»; littéralement: «Réconciliateurs», «médiateurs»). Dans le Rwanda traditionnel, les Abunzi étaient des hommes connus dans leur communauté pour leur intégrité personnelle qui étaient invités à intervenir en cas de conflit. Chaque partie en conflit choisissait une personne considérée comme digne de confiance, connue comme ayant de grandes qualités de médiateur et peu susceptible d’aliéner l’une ou l’autre partie. Le but était de régler les différends et de concilier les parties en conflit afin de rétablir l’harmonie au sein de la communauté touchée.
Réintroduite en 2004, deux ans après les Gacaca et aujourd’hui complètement intégrés au système judiciaire, la SLC Abunzi a pour but une plus grande décentralisation et un désengorgement des tribunaux ainsi que la réduction de frais de justice: des médiateurs élus tentent de résoudre gratuitement et rapidement les petits litiges fonciers et familiaux qui naissent au sein des communautés locales.
Chaque comité est composé de 12 membres élus pour un mandat de 5 ans renouvelable parmi les personnes reconnues pour leur intégrité et leurs qualités de médiateur. Les comités des Abunzi opèrent au niveau de la Cellule («Akagari») en première instance et au niveau du Secteur («Umurenge»), en appel.
8-Imihigo
Imihigo («Contrats de performance»; littéralement, pluriel de Umuhigo «Genre oral conventionnel par lequel on se présente comme le meilleur; haut fait guerrier; défi lancé en public»). Le terme Imihigo décrit la pratique culturelle traditionnelle où un individu fixe des cibles ou des objectifs à atteindre dans une période de temps spécifique notamment en temps de guerre. La personne doit remplir ces objectifs en suivant des principes directeurs et être déterminée à surmonter tous les défis qui ne manqueront pas de se poser.
L’idée des «Contrats de performance» est née avec le début de la politique de décentralisation en 2000. Depuis 2006, même si tout organisme étatique peut les mettre en place, ils sont organisés chaque année au niveau du district (akarere) mais dans le cadre des objectifs fixés nationalement.
Chaque début d’année (fiscale), les dirigeants de toutes les institutions à tous les niveaux s’engagent devant le chef de l’État et la population mais aussi les uns vis-à-vis des autres à fournir un certain nombre de résultats dans le cadre des programmes de développement. Ainsi, dans chaque district, le nombre de kilomètres de route à construire, d’hectares de plantations à développer ou d’enfants à scolariser…sont clairement définis. Cet ensemble d’indicateurs forme alors la base du contrat de performance que le Maire va réaliser Et, à la fin de l’année, il faut rendre des comptes sanctionnés par un classement rendu public lors d’une cérémonie officielle en présence du Président et des plus hautes autorités du pays mais aussi des représentants du secteur privé et du corps diplomatique.
Une culture du résultat et de la «comptabilité» mais aussi de la transparence est aujourd’hui devenue la norme.
9-Girinka
Girinka («Une Vache par famille pauvre»; littéralement: Gira inka, «que tu aies une/des vache-s», est une salutation traditionnelle des plus courantes). Dans la tradition rwandaise, le don d’une vache en guise d’amitié, de service rendu ou en guise de «dot» («inkwano») comme gage d’alliance entre les deux familles est encore courant aujourd’hui.
La SLC Girinka consiste à donner une vache à une famille pauvre.
Introduite en 2006, en réponse à un taux alarmant de malnutrition enfantine, ce programme est un moyen de réduire la pauvreté: la vache donne du lait, qui peut être consommé ou vendu, mais aussi du fumier naturel qui permet d’augmenter la productivité agricole. Depuis 2006, plus de 198.000 vaches ont été distribuées et il est prévu la distribution de 350.000 à des familles pauvres en 2017.
Mais, au-delà de cette dimension purement économique, la SLC doit jouer un rôle hautement symbolique dans la reconstruction de l’unité nationale en recréant des liens: le bénéficiaire de la vache doit donner la première génisse à un autre (pauvre) de sa communauté sans vache et perpétuer ainsi la tradition de kwitura («être reconnaissant en donnant à son tour au bienfaiteur»).
Girinka est sans doute la SLC à laquelle les membres de la Diaspora participent le plus.
11-Umuganura
Umuganura («Festival des prémices»; littéralement «Prémices de la récolte que l’on consomme rituellement»). Dans la culture rwandaise, il était interdit à une famille de manger les fruits de sa récolte, des céréales essentiellement, avant d’avoir goûté aux prémices. La traditionnelle Umuganura était célébrée en juin avant la moisson (du sorgho…).
C’était un jour de festin et d’action de grâce («Thanksgiving») à Dieu et aux ancêtres, non seulement pour la moisson, mais aussi pour toutes les bonnes choses dans la vie. Et à tous les niveaux: du palais royal à la cellule familiale.
Les citoyens des quatre coins du pays se retrouvaient en compétition pour présenter la meilleure récolte et l’événement s’achevait sur un spectacle artistique au cours duquel ils célébraient leurs rendements et se fixaient de nouveaux objectifs.
En1925, la puissance coloniale l’avait interdite en tant qu’événement national: elle la considérait comme étant le symbole même de résistance culturelle rwandaise. Umuganura est sans aucun doute la pratique traditionnelle, de loin, la plus ancienne : elle remonterait au 3ème siècle avant J.C. selon les archéologues, ce qui pourrait expliquer pourquoi c’est l’Institut des Musées Nationaux du Rwanda (INMR) qui, en 2011, a institutionnalisé la SLC.
Aujourd’hui, Umuganura est un moment de reconnaissance et de célébration des résultats obtenus dans tous les secteurs de la vie nationale autres que l’agriculture (économie, technologie, éducation, santé publique, infrastructure, tourisme, etc.). Il permet, par ailleurs, de se fixer d’autres objectifs plus ambitieux. Musiques, poèmes, danses et autres expressions artistiques symboliques ne manquent jamais au rendez-vous sans oublier la cuisine traditionnelle car, après tout, Umuganura est d’abord une fête gastronomique. L’édition 2016 du FESPAD (Festival panafricain de danses traditionnelle) s’est déroulée au Rwanda dans le cadre de l’Umuganura: Kigali, qui accueillait le Festival pour la 3ème fois depuis sa création en 1998, a été déclarée capitale de la danse africaine. Tout comme Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, est connue comme la capitale du cinéma africain et Brazzaville, au Congo, comme la capitale de la musique africaine.
10-Itorero
Itorero («Programme d’éducation civique»; littéralement: «Lieu d’entraînement des cadets»): Itorero traditionnel était l’École où les jeunes rwandais apprenaient la langue et la rhétorique, les relations sociales, les sports (y compris les sports de combat), la danse et chant et l’art de la guerre. Les participants étaient donc encouragés à discuter et à explorer les valeurs culturelles rwandaises et, à travers, au patriotisme. L’Itorero a également fourni le cadre d’apprentissage pour les futurs dirigeants.
Réintroduit en février 2007, le programme Itorero est un programme d’éducation civique supérieur pour promouvoir les valeurs rwandaises, reconstruire ainsi l’unité nationale, condition fondamentale du Développement.
Piloté par le Commission nationale Itorero, le programme inclut des activités physiques et il est adapté à la catégorie professionnelle des participants. Il a accueilli des membres de la Diaspora mais, pour les jeunes et les enfants, il existe de plus en plus d’itorero organisés sur place dans leur pays de résidence.
12-Fonds de développement «Agaciro».
Fonds de développement «Agaciro». (Agaciro signifie «dignité»; littéralement, «valeur»; déverbal de gucira «donner une valeur; fixer un prix») L’Agaciro a été adoptée comme la valeur morale fondamentale du Rwanda dans son chemin vers le développement socio-économique durable et la véritable indépendance nationale. A ce propos, une phrase est devenue culte au Rwanda: Agaciro ni wowe ukiha («la valeur, c’est toi qui te la donnes»).Par la fierté d’appartenir à un grand peuple: une autre phrase devenue aujourd’hui presque une devise est « (Rwanda), a small country but a great people » (un petit pays mais un grand peuple).
Agaciro Development Fund est le fonds souverain du Rwanda qui a été proposé par les Rwandais au neuvième Umushyikirano (Conseil national du dialogue) en décembre 2011. Le Fonds a ensuite été officiellement lancé par le Président Paul Kagame le 23 août 2012.
Son capital provient de contributions volontaires de Rwandais (particuliers ou sociétés). Il est destiné à accroître l’autonomie financière du pays et constitue un outil essentiel pour protéger le Rwanda contre les chocs économiques extérieurs potentiels ainsi qu’aux fluctuations des aides extérieures (bilatérales, notamment).
En mars 2016, ce premier fonds souverain du Rwanda a été admis au Forum international des fonds souverains (IFSWF), ce qui permet au Rwanda de bénéficier d’un pool global de réseaux pour la recherche d et les politiques d’investissement.
Le mois de juillet de la même année 2016 a vu le lancement d’un autre fonds souverain, Iterambere Fund (Rwanda National Investment Iterambere) pour répondre aux aspirations de création de richesse, en particulier des Rwandais. Mais bien qu’il soit contrôlé par l’État et qu’il repose embrasse l’esprit d’autosuffisance («kwigira», il diffère du Fonds Agaciro par la provenance des fonds: il ne s’agit pas de dons mais de placements par des particuliers ou des investisseurs institutionnels, rwandais ou non. Aussi n’est-il pas (encore) classé parmi les SLC avec les 12 autres dans Rwandapedia. Il en est de même de la Cérémonie de «baptême» des gorilles (Kwita Izina), qui pourtant répond davantage aux critères des autres SLC, entre tradition ET modernité.
Créée en 2005, elle se déroule depuis 2016 en septembre, dans le cadre des activités du mois du tourisme mondial, à l’intérieur du Parc National des Volcans dans la Province du Nord.
Dans la tradition, le huitième jour après la naissance, le père soulevait l’enfant et lui donnait un nom (propre) en guise de reconnaissance de paternité. Il n’en était de même pour les meilleures vaches du troupeau, à la naissance de leur premier veau.
Les gorilles ont des familles. Comme leurs cousins, les humains. Dans la cérémonie «Kwita izina», ce sont les guides de parc qui font les suggestions et finalement choisissent les noms de tous les gorilles nouvellement nés. La cérémonie se caractérise par de grands spectacles de musique et de danse traditionnelle. Les voyageurs qui participent au festival peuvent même choisir de parrainer un gorille s’ils le souhaitent. En tout, 238 gorilles ont été «baptisés» depuis 2005, sur une population des primates dépassant aujourd’hui 400 membres.
Mais la cérémonie est surtout l’occasion de célébré les efforts de conservation réussis : en 2016, le thème était « Unie dans la croissance par la conservation », un thème en rapport l’appel lancé l’année précédente pour donner la priorité à la conservation dans la promotion du tourisme durable.
À cet effet, cinq pour cent des recettes du tourisme sont reversées dans les communautés autour des parcs nationaux. Cette redistribution est au centre des efforts nationaux pour la conservation des gorilles et d’autres espèces sauvages. Le Rwanda Development Board(RDB) indique que plus de 1,6 milliard de RWF ont été dépensés pour près de 500 projets communautaires depuis 2005. Le programme a pour but d’aider à traiter les conflits humains-faune et de transformer de nombreux anciens braconniers en gardes du parc, ce qui facilite l’association des avantages du tourisme et ceux de la conservation.
De façon plus générale, le succès du recours aux SLC confirme le postulat que Développement (socio-économique) et Culture sont indissociables. Culture comme valeurs communes(la solidarité”horizontale” ou “partage”, l’Agaciro…) et culture comme manifestations de la Culture c’est-à-dire les pratiques sociales (de l’Ingando à l’Umuganura etc.) ainsi que les manifestations artistiques qui accompagnent ces pratiques mais qui participent aussi et de plus en plus au développement par le biais des industries culturelles(cinéma et audiovisuel, musique, édition…).
Depuis la mise en place de la «Vision 2020» (prononcer: «vingt-vingt»), des pratiques traditionnelles de démocratie participative ont donc été progressivement remises à l’honneur en même temps qu’une politique de décentralisation avancée était enclenchée dans le but d’inclure et de faire participer le plus possible les populations _ y compris, celles de la Diaspora, considérée comme «la sixième Province» _ dans leur propre développement.
L’attelage «solutions localement concues/décentralisation » et «vision 2020»
La Vision «2020» (prononcer: «vingt vingt») est le résultat d’un long processus de consultations nationales qui se sont déroulées entre 1997 et 2000. Ces discussions et débats ont impliqué toutes les catégories, comprenant les opérateurs économiques, l’Etat, le monde académique et la société civile. Voici comment le présente le Président Paul Kagame lui-même :
«La Vision 2020 reflète les aspirations et la détermination des Rwandais à la construction d’une identité rwandaise d’unité, de démocratie et d’inclusion, après de longues années marquées par des régimes autoritaires et exclusivistes. A travers cette Vision, nous visons de transformer notre pays en un pays à revenu intermédiaire où les Rwandais jouissent d’une meilleure santé, éduqués et plus prospères de façon générale».
La Vision «2020» lie donc clairement développement socio-économique et démocratie participative. Et la décentralisation est le gage de l’efficacité de celle-ci. C’est ce que stipule de la Constitution dans son article 6 : Décentralisation
«Les pouvoirs publics sont décentralisés au profit des entités administratives locales conformément aux dispositions légales.»
La politique nationale de décentralisation ainsi que la stratégie de sa mise en œuvre ont été adoptées par le Gouvernement du Rwanda en mai 200 dans le cadre de la «Vision 2020».
Trois phases étaient prévues pour une «responsabilisation économique, politique et administrative et une réconciliation du peuple rwandais dans la détermination de ses moyens d’existence » . Ces trois phases ont été mises en œuvre comme suit :
– Phase I : 2001 – 2005
– Phase II : 2006 – 2010
– Phase III : 2011 – 2015.
Aujourd’hui, deux ans après le terme prévu du processus, le Rwanda (26.338 km2, classé 143e) est sans doute un des pays les plus décentralisés au monde. La loi organique du 31 décembre 2005 organise le territoire national en 5 niveaux de gouvernement. Elle a rendu les entités décentralisées plus «viables» en baissant considérablement leur nombre et elle a poursuivi le processus de décentralisation en créant un cinquième échelon de base, le village («umudugudu») et donc plus d’espace pour la participation citoyenne:
-Province – Intara (de 12 préfectures à 4 Provinces et la Ville de Kigali)
-District – Akarere (de 106 communes à 30 Districts
– Secteur – Umurenge (de 1.545 à 416 Secteurs),
– Cellule – Akagari (de 9.165 à 2.150 Cellules),
– Village – Umudugudu(14.837 Villages)
Le programme du Gouvernement rwandais rend impératif de continuer à faire de ce dernier un solide niveau de prestation de services.
Enfin, la décentralisation a accordé plus de légitimité aux responsables des collectivités territoriales. En effet, à l’exception du gouverneur de province nommé par arrêté présidentiel sur approbation du Sénat, les autorités des autres entités sont désormais élues au suffrage universel.
La politique de décentralisation visait donc à donner à la population à tous les niveaux les capacités de participer activement à la transformation politique, économique et sociale du pays dans les services qui ont été décentralisés: Agriculture; Education; Bonne gouvernance; Santé; Infrastructures ; Justice; Protection sociale.
Et si la «Vision 2020» a porté ses fruits, c’est parce que le processus de décentralisation et la mise en place les solutions «endogènes» vont de pair comme le souligne la Banque mondiale (Banque Mondiale, Rwanda – Vue d’ensemble, 06 oct. 2015).
Ce que la Banque Mondiale et les autres observateurs oublient de souligner, c’est que le succès fondamental, la source de ces succès socio-économiques est le choix «révolutionnaire» de recourir aux solutions endogènes et donc l’option pour la démocratie participative.
Le «miracle rwandais» est donc (d’abord) d’ordre politique: le pays a pu renouer avec ses racines après le génocide contre les tutsi de 1994, qui est lui-même l’aboutissement tragique d’un siècle de colonisation-chosification et d’une décolonisation, pour le moins, ratée et qui n’a fait que «cultiver» les germes du divisionnisme inoculés par la colonisation.
Et Paul KAGAME est, non un «PDG de l’entreprise Rwanda », mais un homme politique exceptionnel, un grand homme politique («rencontre d’un homme et de l’Histoire»), l’homme qu’il faut au moment où il faut et à la place qu’il faut: il a su remettre sur ses rails et dans ses fondations multiséculaires le Pays de Gihanga. Il a su redonner au pays toute sa profondeur historique et sa dignité. Et, à partir des fondations solides retrouvées, proposer une vision et ouvrir des perspectives au peuple rwandais. Garantir l’indépendance nationale, c’est le rôle d’un véritable chef d’État. Et «l’Homme de fer» veut d’ : «Un Rwanda qui n’a plus besoin d’être le bénéficiaire de la générosité d’autrui. [Il] souhaite que le Rwanda soit en mesure de donner plutôt que recevoir, qu’il puisse aider d’autres à devenir autonomes et à être les acteurs de leur prospérité. (L’Homme de fer, Conversations avec Paul Kagame, idm, 2015, p.117)…
*TWAHIRWA André, Enseignant à la retraite, Africaniste et ancien consultant de l’UNESCO, Division Arts et Culture.
http://www.rwanda-podium.org/index.php/actualites/politique/874-analyse-aux-sources-du-miracle-rwandais-les-solutions-endogenes
Posté le 07/04/2017 par rwandaises.com