La poétesse Nyirarumaga et moi

Ensemble nées du même sort

Se balancent nos dépouilles

Et nos orbites creuses

Sont léchées par la nuit

Nos langues décapitées

Les lunes de mort à nos trousses

Et la vérité toujours avortée

L’impossibilité de vivre

À sa mesure

 

Permets-moi de te dire Nyirarumaga

J’ai trouvé tes traces

Et je t’ai appelée

Du point initial de l’univers

Cache-toi

Creuse des tunnels

Dans la poussière

Des présages

Mes pattes d’araignée

Sont des vivres si fragiles

Un enfant dans ton corps

Dévore le mien

L’étrange pestilence

Où tu m’apparus

Comme un cheval assoiffé

De la glèbe des origines

Affamé d’ombres

De forêts violées

Et des ailes solaires

De la sécheresse

 

La dualité

Est un cri muet

Qui meurt de soif

Dans les deux sanglots

Du hasard

Et d’incendies lunaires et psychotiques

Tu m’as prêté

Cette peau

Cette cervelle

Le frai des tueries

Asphyxiant

Le talon de l’ange

La cécité du labyrinthe

Réclamant la lampe du boucher

 

La griffe est inhérente

À la brise

La Norme cachée

Ouvre les flancs

De tous ces

Corps calcinés

 

Chaque nuit

Il y a un chien écorché

Qui mange le phallus

De la plus ancienne

Des étoiles

 

Tuméfiée

Aveuglée

Le bois de ta poitrine

En lambeaux

Se détachent

Tes deux jambes

Comme des ronciers noircis

Ton sexe

Brûlante zone

De voûte étoilée

De soif en fleuve

Toujours transhumante

Reine décharnée

Tuer

Ne serait

Qu’un jeu répugnant

S’il n’était humain

Tu es cloaque

Ta nausée est mienne

 

Les ruines du monde

Oscilleront entre le châtiment

Et les blessures du tonnerre

Le pouls du Rwanda

Sous sa chevelure de larmes

Montera par ses branches

L’oxyde absent des soleils brisés

Dans la combe

Les coursiers perdus du néant

Iront à la vitesse du vertige

Et les oiseaux méridionaux

Allumant l’aube incessante

Des massacres

Sur les lombes

En éternelle relégation

La canine triste et folle

De la copulation

Le désastre de l’espèce

 

On m’a fait croire

Que mes sœurs mortes

Se trouvaient

Dans les visages

Que les tempêtes

Battaient à mort

 

Tu reviendras

Chaque jour

Dans ton peuple

Absent

Dépeuplé

La marée obscure

Accouche du jour

Au fond du puits

Tes ongles poussent

Jusqu’à atteindre

La terre

Prépare-toi

À fouler

Des innombrables enterrés

Des limons profonds

Que tu attires

De ton souffle

 

Tu ligotes

Les étoiles

Insomnieuses

Aux chemins de l’eau

Ta peau tannée

Ecartelée

Tambourin de cuir humain

Sur deux planches

En croix

 

Il n’y a

Que la pulpe rouge

Du chien

 

Ta poitrine s’ouvre

Comme un psaume

Pour toucher

Le silence

 

Par Delphine Durand

Posé le 16/04/2017 par rwandaises.com