Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU consacre, mardi 20 juin, une session de travail sur la crise qui sévit depuis des mois au Grand Kasaï. Le haut-commissaire de l’ONU, Zeid Ra’ad Al Hussein, s’est exprimé dans la matinée et a redemandé l’ouverture d’une enquête internationale, tandis que la RDC y reste fermement opposée.

Dans son discours, le haut-commissaire de l’ONU, Zeid Ra’ad Al Hussein, a d’abord noté que, depuis la dernière session du Conseil des droits de l’homme en mars, la situation humanitaire et des droits de l’homme s’est dégradée de manière dramatique dans le Grand Kasaï.

Il se dit notamment « consterné par la création et l’armement d’une milice, Bana Mura, qui soutiendrait les autorités dans la lutte » contre la rébellion Kamuina Nsapu, dans le territoire de Kamonia, au Kasaï. Cette milice, dit-il, présumée proche des autorités, « a mené des attaques horribles contre des civils des groupes ethniques luba et lulua », dont sont issus les miliciens Kamuina Nsapu. Elle aurait tué et mutilé des centaines de personnes, y compris des enfants de deux ans et moins. C’est ce qui transparaît des témoignages recueillis par les équipes du Haut-Commissariat auprès des réfugiés congolais en Angola.

Par ailleurs, le prince Zeid attend les résultats, mais dit d’ores et déjà qu’il y a sans doute bien plus que 42 fosses communes documentées jusque-là, notamment dans la zone où les experts onusiens ont été tués en mars dernier et sur lesquelles, selon le haut-commissaire, ils enquêtaient.

Le dirigeant parle également des violences commises par les miliciens Kamuina Nsapu – attaques ciblées contre des agents de l’Etat notamment – et souligne le nombre d’enfants dans ses rangs.

Les fosses sont dans les tshiotas, selon la RDC

Pour le prince Zeid, il est clair que le gouvernement ne remplit pas ses engagements en termes de protection des civils ou même d’enquête. Et c’est pour ça qu’il demande une commission d’enquête internationale.

Mais la tâche est rendue difficile parce que le gouvernement congolais s’y oppose. Comme l’expliquait un représentant de l’Union européenne mardi 20 juin au matin, Kinshasa ne négocie pas vraiment. Depuis des mois, le gouvernement se dit prêt à une enquête conjointe, met en avant l’ouverture de deux procès, l’un pour crimes contre l’humanité contre neuf militaires qui ont filmé l’exécution de villageois, comme l’a fait devant le Conseil la ministre congolaise des Droits de l’homme.

Celle-ci assure même que certaines de fosses communes repérées par l’ONU sont vides, l’ouverture des fosses ayant été faites devant témoins, que ce sont les équipes de l’ONU qui traînent les pieds pour enquêter et que, finalement, des fosses communes existent bel et bien mais qu’elles sont encore à découvrir dans les tshiotas, les centres d’initiation des miliciens, « de véritables boucheries humaines », assure la ministre congolaise. « On cherche les fosses communes partout, sauf là où elle pourrait exister réellement », a-t-elle déclaré.

Et le Congo n’est pas seul dans sa lutte contre la mise en place une enquête internationale demandée par l’ONU. Les pays africains s’opposent presque tous ouvertement à cette orientation. A tour de rôle, ils ont salué les mesures prises par le gouvernement congolais, exigeant que l’ONU se limite à un appui technique, ce qui se fait déjà aujourd’hui.

Les autres pays, notamment européens, ont tous pris une position proche de celle du haut-commissaire. Le débat se poursuit et le résultat incertain.

Plus de 3300 morts dans les Kasaï

Ce même jour, l’Eglise catholique de RDC publie des chiffres qui témoignent de l’intensité des violences en cours au Kasaï. Alors que jusque-là, dans les Kasaï, on parlait de centaines de morts, un bilan assez flou, celui apporté par le clergé congolais dans une note datée du lundi 19 juin est très précis. Il liste les dommages subis par l’Eglise dans le Grand Kasaï, mais surtout le bilan humain de cette crise.

Plus de 3 300 morts depuis le début de la crise et dans six diocèses seulement. Plus d’un millier serait du fait des forces de sécurité selon ces documents internes à l’Eglise catholique au Congo. Près des 3 700 maisons détruites, plus 20 villages dont 10 ont été détruits par les forces de sécurité. Près de 300 bâtiments appartenant à l’Eglise ont été fermés ou endommagés dont 141 écoles. Le bilan de l’ONU, du moins jusqu’ici, se limitait lui à plusieurs centaines de morts.

Avec notre envoyée spéciale à Genève, Sonia Rolley

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Posté le 21juin 207 par rwndaises.