Selon Jacques Morel, spécialiste de la politique française en Afrique, interrogé par « l’Humanité », la nouvelle recrue d’Emmanuel Macron a « collaboré » avec Alfred Musema, un des organisateurs du génocide du Rwanda.
C’est une accusation forte que porte le spécialiste de la politique française en Afrique, et notamment en Rwanda, Jacques Morel dans « l’Humanité » ce vendredi 21 juillet. Dans un article titré « Jacques Morel : ‘Le nouveau chef d’état-major défendait les auteurs du génocide rwandais' », il évoque l’implication de François Lecointre, qui vient de succéder à Pierre de Villiers, dans l’opération Turquoise au Rwanda. Il l’accuse d’avoir « collaboré » avec un des organisateurs du génocide rwandais.
Une collaboration qui fait tache
Dans l’interview qu’il accorde au quotidien, Jacques Morel raconte que pendant le génocide des Tutsis, en 1994, François Lecointre était capitaine d’infanterie de marine. Une fonction qui l’aurait amené à collaborer avec un des organisateurs du génocide dans la région de Bisesero. L’auteur de « la France au cœur du génocide des Tutsi » (Ed. L’esprit frappeur), explique :
« François Lecointre était affecté au groupement Nord Turquoise, où il était responsable du secteur de la commune de Gisovu. Responsable des troupes, il collaborait avec le directeur de l’usine à thé, Alfred Musema, un des organisateurs du génocide dans la région de Bisesero.
Le nouveau chef d’état-major affirmait au « Monde » en 2014 avoir « appris » de cette expérience :
« J’ai appris sur ma propre violence. La mort appelle la mort. […] Ceux qui assistent au massacre sont tentés de se faire justiciers. On se dit dans ces moments que, si on respecte les règles, on ne peut rien empêcher. Il faut lutter contre cette idée. »
« Nous en avons des preuves »
« Nous en avons des preuves », annonce Jacques Morel dans son interview en évoquant le procès d’Alfred Musema
« Au moment de son procès au Tribunal pénal international pour le Rwanda (Tpir), où il a été condamné à perpétuité pour génocide, une pièce à conviction déposée par sa défense est une lettre du capitaine Lecointre adressée à Musema. Dans cette missive datée du 18 juillet 1994 [le génocide a commencé le 7 avril, NDLR], il l’informe qu’il va changer de secteur et qu’il laisse la région à un subordonné. Ce document montre que leurs relations étaient cordiales. Au lieu d’enquêter et de l’arrêter, Lecointre a collaboré avec lui. »
Avant d’ajouter, accusateur : « Ce ne sont pas les seuls éléments. » Et de dérouler son argumentaire à charge :
« Dans une lettre rédigée dans l’Ancre d’or datée du 18 juillet, le capitaine évoque les sauvetages d’enfants tutsis cachés chez des Hutus. Il y décrit des opérations de sauvetage qui se déroulaient la nuit, sans lampe, pour ne pas être repérés par les miliciens, qui, dit-il, ‘poursuivent leurs patrouilles de nuit’. Preuve que les Français ont laissé les miliciens opérer librement dans la zone ‘humanitaire sûre’ décrétée par l’Hexagone début juillet. Cette zone humanitaire était sûre pour les miliciens, car ils pouvaient continuer à opérer sans être attaqués par le Front patriotique rwandais (FPR). De fait, le nouveau chef d’état-major défendait les auteurs du génocide rwandais. »
« Un officier des troupes coloniales »
« L’armée française est mouillée jusqu’au cou. On est dans le pire mensonge » avec le génocide rwandais, alerte ensuite le spécialiste incriminant cette fois l’actuel sous-chef d’état-major « opérations », Grégoire de Saint-Quentin :
« [Il] était l’un des premiers sur les lieux du crash de l’avion du président rwandais, Juvénal Habyarimana, lors de l’attentat du 6 avril 1994. »
« François Lecointre, un officier des troupes de marine, autrement dit des troupes coloniales, a été nommé à la tête des armées », lance pour finir Jacques Morel. Le signe selon lui que « l’armée française intervient pour contrôler des pays africains, motivée par des raisons de puissance et d’enjeux pétroliers ».
Une vision « postcoloniale » portée selon lui par Emmanuel Macron qui « justifie les opérations françaises au Sahel, entre autres l’opération Barkhane commandée par le général Bruno Guibert, impliqué lui aussi dans le génocide rwandais, au motif de lutter contre le terrorisme et d’assurer notre sécurité, alors que des commandants ont collaboré avec les pires assassins ».
Conclusion ? Selon Jacques Morel :
« La France se porterait mieux si elle rapatriait ses troupes d’Afrique. »
B.K.
http://tempsreel.nouvelobs.com/politique/20170721.OBS2394/francois-lecointre-a-t-il-defendu-les-auteurs-du-genocide-rwandais.html
Posté le 22/07/2017 par rwandaises.com