C’est exactement ce que j’espérais. Des images très virales ont fait le tour des réseaux sociaux la semaine dernière, montrant le président rwandais Paul Kagamé faisant du tourisme dans…son propre pays. La viralité même des trois images d’un homme unanimement détesté de tous les droits-de-l’hommiste du monde, peut faire réfléchir : il est clair que les peuples d’Afrique veulent maintenant voir leurs dirigeants visiter nos sites touristiques à nous.
Autrement dit, le peuple du Bénin veut voir ses dirigeants passer leurs vacances au Bénin. Ce qui est apparemment observé aujourd’hui tranche avec ce principe basique. Il fallait bien observer pour se rendre compte qu’une bonne partie des membres du gouvernement a préféré passer ses vacances hors du pays. Ceux qui sont restés ne nous ont jamais montré leurs photos de vacances. Et on a vu les images du Maroc, d’Abidjan…
Ce qui se passe en la matière est symptomatique de nos crises d’identité. Par exemple, certaines familles riches ou influentes se croient obligées d’envoyer leurs proches à Londres, Paris ou New York, dès qu’ils sentent des maux de tête. C’est humiliant pour un ministre béninois de se faire soigner au CNHU et là-dessus les arguments foisonnent. Vous connaissez sans doute les cas de ces ex-ministres tombées enceintes en pleine fonction, et qui ont dû accoucher l’une en France, l’autre aux Etats-Unis. Bien entendu, personne n’en a rien trouvé à redire à l’époque, puisque tout le monde était convaincu que c’était normal.
Mais aujourd’hui, cette mentalité a quelque peu évolué. Elle devrait surtout changer à cause du Programme d’Actions du Gouvernement (PAG) qui voit le tourisme comme l’un des pôles de croissance économique du pays. Et pour la première fois au Bénin, le tourisme apparaît comme une opportunité de croissance, ce qui assigne à l’Etat des contraintes nouvelles. Selon bon nombre d’acteurs du secteur, le tourisme est déjà la deuxième source d’entrée de devises au Bénin après le coton. Il suffit d’analyser la fréquentation des réceptifs hôteliers dans le pays pour en avoir une idée plus nette. Même si ce classement peut laisser songeur, l’on peut remarquer que pour le moment, les parcs et musées nationaux, les sites touristiques en général sont mal fréquentés, notamment par les nationaux eux-mêmes. Et pour cause, nous avons vécu longtemps sans jamais penser que le tourisme peut constituer une manne de premier choix à exploiter.
En juin dernier, le choix de l’ONG African Parks pour gérer la Pendjari a pu faire grincer des dents, notamment sur la procédure. Des investissements d’ampleur sont désormais possibles pour redonner du lustre à cette végétation naturelle qui constitue en Afrique de l’ouest la plus grande réserve naturelle. La signature par le Chef de l’Etat d’un décret créant, il y a quelques jours, une Brigade Spéciale pour assurer la préservation de la faune du Parc National de la Pendjari, constitue un pas dans la bonne direction. Les remous sociaux qui entourent l’opération, tombent également sur la mise en place des conditions pour des investissements structurants dans le secteur.
Ceux qui investissent savent très bien que le secteur est porteur. Regardez bien ce qui s’est passé en Espagne, en Croatie, au Portugal, en Italie et même en France lors des dernières vacances d’été. Vous verrez qu’il y a de plus en plus de manifestations anti-touristes. Le journal français Marianne parle même d’une « épidémie anti-touristes » qui se propage en Europe. Et il n’a pas tort. Dans les pays touristiques d’Europe, le flot des nouveaux arrivants bouleverse les habitudes des habitants et a des effets sur les prix des biens de consommation.
Ce surplus que l’on commence à chasser, va refluer vers des pays de paix comme le Bénin. Il faut alors que nos dirigeants joignent les actes aux paroles, en s’inscrivant dans une approche marketing. Rien ne peut empêcher par exemple le Chef de l’Etat de passer ostensiblement quelques jours sur les bords du lac Ahémé. Je ne vois pas pourquoi il n’y aurait pas bientôt un beau reportage sur les vacances de nos ministres dans le parc de la Pendjari. Qu’est-ce qui empêcherait le ministre de la culture d’organiser une randonnée du personnel de son ministère dans les musées d’Abomey ? Rien, en définitive.
Nous sommes capables d’apprivoiser nos patrimoines touristiques pour en faire des motifs de fierté nationale.
Edito: Des paroles aux actes
Olivier ALLOCHEME
Posté le 13/09/2017 par rwandaises.com