Des droits socio économiques au pays du dialogue et du partage du pouvoir institutionalisés
Au Rwanda, il y a et il y aura toujours « un avant » et « un après » 1994. Moins d’un quart de siècle après le Génocide contre les Tutsis, le processus de décolonisation mentale a atteint le point de non-retour : le pays de Gihanga n’a pu renaître de ses cendres qu’en renouant avec ses racines. Et recourir aux valeurs traditionnelles, en les mode-rnisant, pour bâtir un modèle politique « endogène » et, en particulier, pour définir les libertés publiques. Libertésindissociables de la démocratie (participative).
Par André TWAHIRWA, africaniste et élu local en Île de France.
On appelle « libertés publiques » l’ensemble des libertés individuelles et collectives garanties par les textes législatifs et donc par l’Etat. Et elles ne sont que la traduction dans le droit positif des droits fondamentaux, universels et inaliénables, attachés à l’être humain de par son appartenance à l’espèce humaine.
La Déclaration universelle des droits de l’homme est la première traduction de ces derniers dans le droit positif international. Mais la liste des droits n’est pas exhaustive et reste donc ouverte : le droit à un environnement saindoit être ajouté à la liste des trente dressée il y a soixante-dix ans. Par une cinquantaine d’États majoritairement occidentaux. Et surtout, au nom du droit à la souveraineté, absent dans le texte de 1948 _ et pour cause _ le modèle occidental ne peut se considérer comme universel.
Universalisme ET diversité : les valeurs sont universelles et universellement reconnues ; mais elles n’ont pas le même « sens » ou la même « fonction » dans toutes les Cultures ou dans tous les sous-ensembles de Cultures. Ce sont les Cultures dans leur diversité qui constituent le Bien commun universel. Et la diversité des Cultures est au moins aussi salutaire que la diversité des espèces pour la survie de l’Humanité : homogénéisation, biologique et culturelle, rime avec chosification par perte de vitalité.
Lire aussi : De l’universalisme et de ses particularités : Point de vue d’un comparatiste
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C’est donc à chaque peuple qu’il revient d’aménager les droits fondamentaux en libertés publiques dans le respect de sa Culture et de son Histoire. Et l’Histoire de chaque peuple est marquée par un événement fondateur c’est-à-dire un événement qui crée « un avant » et « un après » et qui inspire les principes fondamentaux,inscrits (généralement) dans le Préambule de sa Loi fondamentale.
Ainsi, en France, cet Événement est la Révolution de 1789 et le Préambule de la Constitution de 1958 reprend celui de 1946 (IVème République), qui « énonce des libertés et des droits fondamentaux qu’il est apparu nécessaire d’ajouter à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 au lendemain de la Seconde Guerre mondiale ».
Des principes fondamentaux du Préambule de la Constitution rwandaise
Au Rwanda, il y a « un avant » et « un après » le Génocide et le Préambule la Constitution de 2003, révisée en 2015, énonce les principes sur lesquels le peuple rwandais a choisi de bâtir un État de droit au lendemain du génocide perpétré contre les Tutsis : c’est « conscients du génocide perpétré contre les Tutsi qui a décimé plus d’un million de fils et filles du Rwanda et conscients du passé tragique qu’a connu [le]pays » que le peuple rwandais est déterminé« à bâtir un Etat de droit fondé sur le respect des droits de la personne, des libertés et du principe d’égalité de tous les Rwandais devant la loi et celui d’égalité entre hommes et femmes » et sur « une démocratie consensuelle et pluraliste basée sur le partage du pouvoir, l’unité et la réconciliation du Peuple Rwandais, la bonne gouvernance, le développement, la justice sociale, la tolérance et la résolution des problèmes par la voie du dialogue ».
L’égalité, le dialogue à la recherche du consensus, le partage du pouvoir et la participation de tou(te)s au pouvoir tels sont donc les principes fondamentaux sur lesquels est bâtie la Constitution rwandaise de l’après-Génocide. Aux antipodes du régime, ségrégationniste et fondé sur le racisme d’État,d’avant le Génocide.
Les clivages idéologiques de type gauche/droite n’ont aucun sens au Pays de Gihanga : ils n’ont aucune légitimité historique ou culturelle. Et l’aliénation coloniale a été si destructive qu’elle a mené le pays au Génocide. Pour se reconstruire, le Pays de Gihanga ne pouvait que renouer avec ses racines. Une véritable révolution copernicienne, le retour aux sources et le choix pour un développement endogène. Avec, au centre du Renouveau, le dialogue et le partage du pouvoir.
Dialogue et partage du pouvoir institutionnalisés
Au pays du dialogue et du partage du pouvoir, le pluralisme politique a toute sa place dans le cadre du « Forum national de Concertation des Formations Politiques, [qui] rassemble les formations politiques pour des raisons de dialogue politique, pour construire le consensus et la cohésion nationale ». Et tous les onze partis, aujourd’hui reconnus,sont actifs dans différentes entités du pays : ils organisent des réunions de leurs cadres, font la mobilisation en toute liberté. Ils sont libres ET citoyens.
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Les (seules) limites à la création d’un parti : « les formations politiques doivent toujours refléter l’unité nationale ainsi que l’égalité et la complémentarité entre hommes et femmes » (Article 56). Et, à ce titre, « il est interdit aux formations politiques de s’identifier à une race, une ethnie, une tribu, un clan, une région, un sexe, une religion ou à tout autre élément pouvant servir de base de discrimination » (Article 57). Interdiction normale dans tout État de droit (article 2 de la Déclaration de 1948) et, a fortiori, dans un pays qui l’a appris au prix fort, au prix du Génocide.
Les partis qui tentent d’afficher des idéologies divisionnistes se disqualifient donc eux-mêmes. C’est le cas des partis de la soi-disant « opposition en exil », qui ont pignon sur rue en Terre occidentale notamment en Belgique et en France. Ils ne rêvent que d’une chose : rétablir la « démocratie ethnique » et/ou prendre une revanche personnelle sur le Président Paul Kagame. Avec, en prime, le retour au multipartisme d’affrontement soutenu par la Belgique, en 1959, et la France, en 1991. C’est ce genre d’opposition, exogène, qui a mené au génocide perpétré contre les Tutsis.
Et c’estce génocide qui contextualise et le Renouveau culturel et les vingt-neuf libertés publiques qu’il est apparu nécessaire d’inscrire dans la Loi fondamentale rwandaise de l’après- Génocide. Les mêmes _ ou presque _ que dans la Déclaration universelle de 1948 mais pas dans le même ordre : dans la Constitution rwandaise, la priorité_ et non la primauté_ est donnée aux droits socio-économiques.
Priorité aux droits socio économiques et Démocratie participative
Les droits humains sont indivisibles : ils constituent un tout et ils ne sauraient donc être hiérarchisés. Mais, selon la hiérarchie des valeurs du pays et selon l’époque, des priorités peuvent être établies.
Au Rwanda, au lendemain du Génocide, c’est tout naturellement que la priorité est accordée à la réaffirmation du droit à la vie, absent de la Déclaration universelle de 1948, juste avant l’égalité devant la loi, qui figure en 7ème position dans la Déclaration de 1948. Et, la reconstruction étant l’urgence absolue, les droits socio-économiques (éducation, santé et, donc, environnement sain) figurent dans le top 5 dans la Constitution Rwandaise de 2003. À la 25ème et 26ème place dans la Déclaration de 1948, dans laquelle l’environnement est le grand absent. Et le « droit à l’environnement propre et sain », qui ne sera introduit que plus tard dans un pays comme la France, n’est pas un vœu pieux au pays du zéro sac plastique, de la diversification des énergies et dont la capitale est considérée comme la plus propre en Afrique.
L’urgence de la reconstruction socio-économique est au cœur de la « Vision 2020 », résultat d’un processus consultatif national qui a été initié entre 1997 et 2000 et qui a inspiré la Constitution de 2003, révisée en 2015. La « Vision 2020 » lie clairement développement socio-économique et démocratie participative comme a tenu à le rappeler le Président Paul Kagame lui-même :« La Vision 2020 reflète les aspirations et la détermination des Rwandais à la construction d’une identité rwandaise d’unité, de démocratie et d’inclusion, après de longues années marquées par des régimes autoritaires et exclusivistes. A travers cette Vision, nous visons de transformer notre pays en un pays à revenu intermédiaire où les Rwandais jouissent d’une meilleure santé, éduqués et plus prospères de façon générale ».
Aujourd’hui, le Rwanda est unanimement reconnu comme un des champions de l’effectivité des droits socio-économiques et cela, selon la Banque mondiale, parce que le processus de décentralisation et la mise en place les solutions « endogènes vont de pair » (Banque Mondiale, Rwanda – Vue d’ensemble, 06 oct. 2015).
En effet, un tel « miracle » ne peut pas avoir lieu sans l’adhésion et la participation du peuple : c’est une des conséquences du modèle politique de la démocratie (à dominante) participative et donc de la participation du peuple à la chose publique à travers les « solutions endogènes ».
Lire à ce propos : Aux sources du Miracle rwandais, les Solutions endogènes
http://fr.igihe.com/opinions-reacti…
Au pays de Gihanga, les droits socio-économiques et la démocratie (participative) sont donc indissociables. Et il n’en est de même des droits civils y compris des droits d’association et de liberté d’expression : la « société civile » est libre Et citoyenne comme le sont les partis politiques ou les différents corps constitués. Elle s’inscrit, elle aussi, dans la Tradition (« actualisée ») et dans le contexte post-génocide.
Publié par André Twahirwa
http://fr.igihe.com/opinions-reactions/rwanda-des-libertes-publiques-au-pays-de-gihanga.html
Posté le 14/09/207 par rwandaises.com