Un autre témoin entendu dans l’enquête sur l’attentat contre l’avion de Juvénal Habyarimana(1994) » Un pitoyable «vaudeville» de la justice française ! * Par Alain Billen*
Nous supposions tous qu’il s’agissait de l’audition de Kayumba Nyamwasa, un ancien officier de l’armée rwandaise réfugié en Afrique du Sud, qui accuse le « FPR » d’être à l’origine de cet attentat. Le dossier qui avait été clôturé par un non-lieu par le Juge antiterroriste Marc TREVIDIC (janvier 2016), avait été rouvert en septembre 2016 contre toute attente, par le nouveau juge Herbaut, afin d’entendre ce témoin inespéré. Une année plus tard, nous sommes toujours sans nouvelle de cette audition. Par contre le Juge Herbaut qui a été désigné pour remplacer Marc Trevidic, a réussi, faute d’avoir pu interroger Kayumba Nyamwasa, à dénicher un autre témoin dont on ne connait pas le nom, un ancien militaire de « Rwanda Defence Force » qui serait réfugié en Grande Bretagne.
Décidemment, cette affaire de l’attentat de l’avion présidentiel connaît tellement de rebondissements aussi inattendus qu’épiques, que nous pourrions aisément imaginer que la Justice Française soit en train de jouer sous nos yeux, un de ses plus beaux, mais pitoyables « vaudevilles ».
Avant de jouer pour vous cette « pièce de théâtre » pourtant réelle, nous sommes amenés à vous faire quelques avertissements d’usage… vous pourriez en effet la considérer comme une simple fiction, tellement c’est gros !
-En premier, tout le monde est bien conscient que cette affaire ne pouvait en aucun cas être jugée par l’une des trois parties susceptibles d’être impliquées dans cet attentat, à savoir : les responsables du pouvoir génocidaire de l’époque, les responsables du « FPR », et la « France ». Tous les trois sont normalement susceptibles d’être impliqués dans cet attentat, et il n’est pas normal qu’une des parties suspectées du délit qui devra être jugé, reçoive le « blanc-seing » pour décider du « coupable ». Un enfant de cinq ans peut comprendre cela. La France et son armée sont bien trop impliquées dans cette affaire que pour assurer un jugement impartial aux yeux du monde. Dans la vraie vie, cela n’existe pas ! Une affaire aussi complexe que celle-là devrait être jugée par un Tribunal neutre.
-Ensuite, dès les minutes qui ont suivi cet attentat, l’armée française a pris le contrôle du lieu où se trouvait l’épave. Impossible d’y avoir accès ! L’armée française a ensuite trillé les débris et a embarqué toutes les pièces à conviction existantes pour les ramener à Paris. C’est tout de même invraisemblable que tout le monde trouve cela normal. Cette façon de faire nous parait complètement irréelle, mais c’est ainsi que l’armée française a agi ! S’il fallait vous convaincre plus encore, imaginez une seconde, un avion Présidentiel français, abattu sur le territoire français, dont les pièces importantes aux fins d’expertises soient récupérées par un pays africain au motif que le pilote de l’avion était africain. Qui peut imaginer une chose pareille ?
-Dernière chose, les archives de l’Élysée qui pourraient délivrer la vérité sur ce qui s’est passé au Rwanda à l’époque restent inaccessibles. Madame Bertinotti, la gardienne des archives de Mitterrand estime, à titre personnel, qu’uniquement certaines personnes filtrées par elle-même, peuvent y avoir accès. Ces archives doivent cacher quelque chose, sans cela elles seraient accessibles à tous, et en premier lieu aux différents juges antiterroristes de ce dossier. Vous verrez, le jour où Madame Bertinotti se verra obligée d’ouvrir l’accès à ces archives, un accident malheureux se sera produit. En fait, cette brave mandataire des archives de Mitterrand aura renversé « malencontreusement » son vernis à ongle sur les dossiers en question. Elle aura tout fait pour réparer cet accident mais les 25 litres de dissolvant n’auront pas pu récupérer les documents en question qui deviendront inutilisables…tant que l’on est dans le « vaudeville » ! Pensez donc, la mort d’un million de Tutsi rwandais ne pèse pas bien lourd à côté de la mémoire de François Mitterrand.
Une fois ces quelques avertissements dévoilés, vous êtes maintenant à même d’assister à ce « vaudeville » en trois actes !
« Acte Premier » : « La comédie du Juge d’Instruction Jean-Louis Bruguière »
Voici quelques bonnes répliques inspirées par le travail effectué par le Juge d’Instruction Bruguière.
« Faux documents, fausses écoutes radio, faux témoignages, faux lanceurs de missiles, fausse boîte noire, faux interprète, mais vraie manipulation. L’empilement d’anomalies qui encombrait le dossier d’instruction au moment où le juge antiterroriste Jean-Louis Bruguière a passé la main à son collègue Marc Trévidic, en 2007, restera dans les annales. Reste à comprendre comment une telle impéritie (incompétence) a pu prospérer pendant près d’une décennie sans que quiconque, au sein de l’appareil judiciaire ou parmi les parties civiles, ait tiré le signal d’alarme » (Jeune Afrique).
« Des anomalies ont caractérisé l’instruction. Fabien Singaye, un ancien espion au service de la famille Habyarimana, par ailleurs gendre de Félicien Kabuga (recherché par le TPIR comme le supposé « financier du génocide » et toujours en fuite) est recruté par Juge Bruguière comme interprète puis comme expert. Les « repentis » qui s’auto-accusent de l’attentat ne sont même pas mis en examen après leur audition. Plus tard ils reviennent spectaculairement sur leurs aveux. Le « juge antiterroriste » consulte des hommes politiques et des diplomates étrangers sur l’évolution de son dossier (Wikileaks). L’instruction, menée uniquement à charge, « fuite » auprès de journalistes amis, etc. » (Afrikarabia – Jean-François DUPACQUIER)
Le rideau se baisse sur ce juge antiterroriste « partial ». Fin du premier acte !
« Acte Deux » : « le juge antiterroriste Marc Trevidic reprend l’instruction de cette affaire »
Le juge antiterroriste Marc Trevidic
Le jeune juge Marc Trevidic entre en scène ! Il décide assez rapidement de reprendre l’instruction à « zéro » et de se rendre au Rwanda.
« En septembre 2010, accompagnés par cinq experts de diverses disciplines, les juges Nathalie Poux et Marc Trévidic se rendent au Rwanda. Une première depuis l’ouverture de l’information judiciaire. Le juge Bruguière avait en effet décrété qu’il n’y poserait pas même un orteil, s’abstenant de confronter sa construction idéologique aux réalités du terrain et aux témoignages directs ». (Jeune Afrique)
Arrivés sur place, les juges français ont l’occasion d’interroger longuement Richard Mugenzi, l’espion-radio des FAR qui aurait « intercepté » le message de revendication de l’attentat par le FPR. L’homme révèle qu’il s’agit d’un « montage grossier », que les enquêteurs du juge Bruguière, supposés expérimentés, se sont laissés abuser par cette manipulation.
Marc Trevidic mène une instruction sérieuse et impartiale. Après plusieurs années d’enquête, il arrive à la conclusion que les tirs de missiles ayant servi à abattre l’avion présidentiel, ne venaient pas de la vallée de Masaka, mais effectivement du camp Kanombe, fief de la Garde présidentielle de Habyarimana. Les experts en balistiques et acousticiens viendront confirmer l’origine du point de départ des missiles. Ces experts vont donc rendre un avis contraire aux conclusions du Juge Bruguière qui, sans expertises sur le terrain, avait conclu « ce que Paris voulait entendre ».
Marc Trévidic s’apprête à clôturer son dossier par un non-lieu, mais avant…il doit céder la place à un nouveau juge antiterroriste. « Rideau » – Fin du deuxième acte !
« Acte Trois » : Marc Trevidic doit céder ses dossiers et le juge Jean-Marc Herbaut entre en scène
Un troisième juge antiterroriste, en la personne de Jean-Marc Herbaut, reprend cette affaire et rouvre une fois encore ce dossier pour un nouveau suspens à rebondissements. Kayumba Nyamwasa ; opposant notoire de Paul Kagame fait irruption en scène et demande formellement à être entendu pour de nouvelles révélations importantes dont il aurait été témoin vingt-trois années auparavant (juin 2016). Kayumba Nyamwasa, alors dans le camp du « FPR », aurait entendu Paul Kagame dire que : « l’avion du président Habyarimana avait été abattu pas nos propres troupes ». Mince alors, un opposant à Paul Kagame aurait un témoignage impliquant son pire ennemi ? Comment est-ce possible ? Le juge va-t-il bloquer le dossier afin d’écouter un témoignage qui s’annonce tellement partial ?
Nous avons vraiment l’impression de revenir chez le juge Bruguière qui ne trouvait rien d’anormal de choisir comme interprète et comme expert, un proche du pouvoir génocidaire de l’époque !
Depuis cette reprise en main du dossier rwandais, soit une année plus tard, rien de nouveau à l’horizon, l’affaire semble une fois de plus tombée dans les oubliettes. Que se passe-t-il dans le bureau du juge Herbaut ? Aurait-il simplement empêché la clôture définitive de ce dossier contrairement à ce que souhaitait son prédécesseur Marc Trevidic ?
C’est là qu’aujourd’hui, un nouveau rebondissement vient relancer toute la mécanique de ce « vaudeville » judiciaire ; un autre acteur « mystérieux », « anonyme », « inconnu », fait son entrée sur scène. On pourrait même penser que l’auteur lui-même ne l’avait pas prévu. Bref, soyons tous aux aguets, le nouveau témoin est arrivé et…il est là et va sans doute parler !
Le problème d’un tel « vaudeville », c’est que tout devient tellement « gros » que même les amateurs de ce genre de pièce de théâtre quittent la salle avant la fin de la représentation. Trop de rebondissements tuent le « vaudeville » et cela ne devient alors plus qu’une mauvaise « parodie ».
* « vaudeville » : une comédie légère, potache, qui se construit sur des quiproquos, sur des intrigues qui se compliquent,…
* Alain BILLEN, Rédacteur en chef de Panoractu Ltd
Posté le 06/10/2017 par rwandaises.com