Les échanges russo-africains dépassent désormais le cadre diplomatique. Leurs interactions augmentent à tous les niveaux: politique, économie, défense et sécurité, éducation et culture. Au-delà de ces relations, la Russie peut-elle apporter des solutions aux problèmes courants du continent africain? Éléments de réponse. Par Mikhail Gamandiy-Egorov

Au moment du plein retour de la Russie en Afrique, des questions demeurent en suspens. Plusieurs observateurs se posent, à juste titre, la question de savoir ce que pourra apporter de nouveau et de positif la relation russo-africaine, surtout en comparaison de celles qui lient le continent à d’autres acteurs déjà activement, notamment l’Occident et la Chine. Pour répondre à cette question, comparons l’approche de chacun vis-à-vis de l’Afrique, et voyons en quoi diffère l’approche russe.
Commençons par les «partenaires traditionnels», en d’autres termes les anciennes métropoles coloniales d’Europe de l’Ouest, France et Royaume-Uni principalement, plus les États-Unis. Alors qu’une partie significative de l’opinion publique africaine désavoue la politique occidentale en Afrique, il est pertinent de se demander pourquoi. Car au-delà des crimes de masse commis à l’époque de la colonisation et de la traite esclavagiste, notamment par les acteurs occidentaux précités, le fait est que globalement peu de choses ont changé dans la mentalité des élites occidentales, pour ne pas dire rien. La seule différence est qu’au lieu de parler du fameux «fardeau de l’homme blanc» —comprenez l’homme occidental- aujourd’hui, l’Occident tente d’imposer ses intérêts en les maquillant, certes avec de moins en moins de succès, par de belles paroles liées à la «démocratie, aux droits de l’homme et aux valeurs universelles». Prétendument universelles.
Pire, l’Occident n’apprend rien de ses erreurs, bien souvent catastrophiques pour les populations concernées. Car si cet Occident politico-diplomatico-médiatique a souvent réussi à déstabiliser des États souverains, il s’est très généralement, pour ne pas dire toujours, mis aux abonnés absents quand il s’est agi de réparer le chaos créé. Deux scénarios ressortent habituellement des interférences occidentales. Le premier voit un pays autrefois prospère devenir une zone de non-droit, d’instabilité et d’extrémisme: on pense évidemment à la Libye. Dans le second, on essaie de donner l’impression d’une relative stabilité, comme c’est le cas en Côte d’Ivoire, tout en fermant les yeux sur les problèmes évidents de ce pays: une société divisée, beaucoup de prisonniers politiques et d’exilés, un développement globalement inexistant, dont la meilleure preuve n’est autre que l’immigration massive des Ivoiriens vers d’autres cieux.
L’autre fait très caractéristique de l’Occident sur le sujet: c’est l’hypocrisie pratiquement non voilée de ces élites occidentales politiques et médiatiques, lorsque celles-ci abordent la question des «régimes autoritaires» en Afrique. Par ce terme, comprenez ceci: si un Président est docile aux intérêts occidentaux, alors il sera traité de «démocrate». Même s’il n’a pas été élu dans le cadre d’élections démocratiques, même s’il est arrivé au pouvoir par les armes occidentales, allant jusqu’à une interférence directe dans les affaires souveraines dudit État, et même si sa légitimité est largement contestée. Par contre, si un leader africain prend en main la souveraineté de sa nation, mais aussi de ses ressources naturelles, permettant à sa population de rester chez soi et de ne pas penser à l’immigration, très probablement ce chef d’État sera traité «d’autoritaire» par le mainstream médiatique occidental, car il ne permet pas aux multinationales de l’Ouest de profiter des ressources dudit pays dans un cadre gagnant/perdant.
Passons à la Chine. L’Empire du Milieu a fait un long chemin depuis le début des années 2000 —période d’une entrée impressionnante dans les affaires africaines. Aujourd’hui, la République populaire chinoise est tout simplement le premier partenaire économico-commercial de l’Afrique, et ce malgré toutes les campagnes hostiles menées en Occident contre la présence de Pékin en terre africaine. La Chine, elle, n’interfère pas dans les affaires intérieures des pays du continent et se base sur le respect de la souveraineté.
En effet, la Chine exporte massivement ses produits de consommation, mais surtout pas sa vision de la gestion des affaires internes, en se basant sur le fait que chaque nation a ses propres traditions et valeurs. Il ne serait d’ailleurs guère surprenant que si vous réalisiez aujourd’hui un sondage dans la cinquantaine d’États africains, demandant aux habitants de savoir s’ils préfèrent des partenaires occidentaux ou chinois, ils seraient entre 70 et 80% à préférer les seconds.
Cette approche chinoise vis-à-vis de l’Afrique ressemble beaucoup à celle de la Russie, à une différence près. Si jusqu’ici la Chine n’a pas accordé une très grande attention à l’aspect sécuritaire des pays africains, préférant principalement miser sur l’économie, Moscou y porte au contraire une grande attention. Pourquoi? Pas seulement parce que l’État russe est un important exportateur d’armements, mais bien parce que la Russie comprend que seul un État sûr et stable permet de faire des affaires au bénéfice des deux parties. Là est toute la différence.
Alors que l’Occident préfère tirer profit soit en maintenant un pays dans le chaos, soit en l’occupant par des troupes néocoloniales, la Russie souhaite au contraire permettre aux Africains d’être maîtres chez eux —aussi bien dans le cadre de la sécurité de ses frontières que du contrôle de ses ressources. Et ce serait justement la plus-value de la Russie en qualité de partenaire de l’Afrique.
Cette opinion est d’ailleurs largement partagée par les experts africains. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les panélistes de la chaîne panafricaine Afrique Média y ont récemment consacré une émission spéciale en mentionnant deux points essentiels: «nous avons vu les résultats de la Russie en Syrie. Nous voyons maintenant les changements positifs qui s’opèrent en République centrafricaine, là aussi grâce aux efforts de Moscou. C’est cela, un partenariat gagnant-gagnant». En d’ajouter: «dans un partenariat gagnant-gagnant, la question n’est pas forcément de savoir que chacun touchera toujours du 50/50. Cela peut-être, dans certains cas, du 60/40 et vice-versa. L’essentiel étant, c’est que cela ne soit plus jamais un système de type 95/5. Et enfin que la souveraineté africaine soit respectée et défendue.»
C’est certainement la raison de l’hystérie de l’Élysée, comme de Washington et de Londres, en voyant la Russie revenir sur un continent qu’elle n’a jamais colonisé et dont elle a formé des milliers de cadres. Des cadres par ailleurs réellement heureux de revoir le pays de leur formation de retour. Et ils sont loin d’être les seuls.

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Posté le 28/06/2018 par rwandaises.com