Stanton : « Il y avait un énorme casse-tête après le génocide. Comment poursuivez-vous la justice alors que le crime est si grave ? »Paul Kagame : Vous ne pouvez pas perdre un million de personnes en cent jours sans un nombre égal de coupables. Mais nous ne pouvons pas non plus emprisonner une nation entière. Donc, le pardon était la seule voie à suivre. Les survivants ont été invités à pardonner et à oublier. La peine de mort a été abolie. Nous avons concentré notre justice sur les organisateurs du génocide. Des centaines de milliers de coupables ont été réhabilités et relâchés dans leurs communautés.
Ces décisions étaient atroces. Je me suis constamment interrogé. Mais chaque fois, j’ai décidé que l’avenir du Rwanda était plus important que la justice. C’était un énorme fardeau à faire supporter aux survivants.
Et peut-être que le fardeau était trop lourd. Un jour lors d’un service commémoratif, J’ai été approché par un survivant. Il était très émotif. Pourquoi nous demandez-vous de pardonner ?, m’a-t-il demandé. N’avons-nous pas assez souffert ? Nous n’avons pas été la cause de ce problème. Pourquoi doit-on fournir la solution ? Ce sont des questions difficiles.
Alors j’ai fait une longue pause. Puis je lui ai dit : « Je suis vraiment désolé. Vous avez raison. Je vous en demande trop. Mais je ne sais pas quoi demander aux auteurs. Désolé, je ne ramènerai aucune vie. Seul le pardon peut guérir cette nation. Le fardeau repose sur les survivants car ce sont les seuls à avoir quelque chose à donner »
« Il pourrait sembler impossible pour un pays de se remettre du génocide aussi rapidement. Et certains pourraient penser que notre reconstruction est superficielle. Mais elle est plus profonde que cela. Si nous étions vraiment une nation en train de » faire croire « , nos progrès auraient (mitigés). (Pourtant voilà 🙂 le PIB par habitant du Rwanda a augmenté de près de 500% depuis le génocide. Et je comprends que l’économie peut sembler un sujet aride, mais vous devez prendre en compte ce qu’elle représente. Elle représente les Rwandais qui travaillent ensemble. Cela représente un consensus sur le fait que notre meilleur avenir est partagé : sans une véritable réconciliation, nous n’aurions jamais été aussi loin.
Stanton : Les tribus existent-elles encore au Rwanda ?
Kagame : Bien sûr, il y aura toujours des divisions entre nous. Je ne peux pas demander aux gens d’oublier ces choses-là. Mais je leur dis de réfléchir à la façon dont nous formons une seule tribu. Nous parlons tous une seule langue. Nous avons tous la même culture, les danses et les comportements. Alors soyez fier de qui vous êtes. Mais aussi être fier d’être Rwandais. Parce que c’est quelque chose que nous sommes tous « .
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Posté le 24/11/2018 par rwandaises.com