Depuis plusieurs semaines, nos valeurs ont été mises à l’épreuve par la libération de la parole raciste, antisémite, complotiste, négationniste et homophobe. Le mouvement des « gilets jaunes », dont la diversité est réelle et les aspirations très nombreuses, a charrié aussi avec lui une expression publique de la haine que, sans doute, nous n’avions pas connu en France depuis le funeste débat sur l’identité nationale.
Si tous les « gilets jaunes » ne sont évidemment pas antisémites et racistes, assurément tous les racistes et les antisémites ont décidé depuis la fin de l’année 2018 de porter le « gilet jaune » et de détourner ce mouvement social contre la République et ses valeurs.
Il suffit de voir le programme du rassemblement extrémiste qui se tiendra à Paris le samedi 19 janvier pour comprendre que les fauteurs de haine ont décidé de passer à l’action : sous le titre « Gilets jaunes, ou la révolution qui vient ! » se réunira tout le gratin de antisémitisme autour de Yvan Benedetti, ancien de l’Oeuvre Française, avec Hervé Ryssen, « anti-juif » multirécidiviste, Hélie Atem, de l’Action Française qui partagera avec ses commensaux son obsession des juifs et Jérôme Bourbon, de Rivarol, et qui éructe sa haine chaque jour sur Twitter dans l’indifférence générale des responsables de ce réseau social.
Pendant de nombreuses années, les élucubrations de ces extrémistes n’intéressaient pas grand monde et à vrai dire, ceux qui les combattaient, comme nous, à la LICRA, passaient pour des ringards menant des combats inutiles contre des groupuscules. Aujourd’hui, chacun mesure que la haine qu’ils ont diffusé des années durant dans l’opinion, avec un nombre de fans hallucinant sur les réseaux sociaux, avec des moyens financiers de plus en plus importants, a infusé et a détourné une partie de notre jeunesse des valeurs de la République et a crée la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. La quenelle de Dieudonné s’est popularisée à un degré que nous mesurons et qui hante aujourd’hui de nombreux ronds-points.
Quelle est cette situation ? Sur les réseaux sociaux, l’anonymat a été un permis de vomir, en permanence, en liberté même, sur les juifs, les arabes, les noirs, les musulmans, les homosexuels, les francs-maçons. Depuis la fin de l’année, cette haine a explosé sur Twitter. La dernière mode étant d’affublé le président de la République d’un atroce « Macron, pute à juifs ». Les membres du gouvernement, dont Marlène Schiappa, ont été la cible de messages qui méritent des condamnations fermes et unanimes. Le complotisme est devenue la principale explication du monde pour une partie de la population qui a vu dans l’attentat islamiste de Strasbourg ou de l’explosion au gaz de la rue de Trévise la main d’on ne sait quelle conspiration pour éteindre la colère sociale.
Mais certains sont passés aux actes et le virtuel numérique est devenu réalité.
Le député Jean-François Mbaye a reçu des menaces de mort, accompagnées d’injures racistes visant ses collègues Laetitia Avia et Hervé Berville en raison de la couleur de leur peau. La permanence du député Bruno Studer a été recouverte de tags racistes et antisémites.
Dans toutes ces affaires, la LICRA sera aux côtés des victimes dans les prétoires pour que justice soit rendue. C’est notre rôle mais il n’est pas suffisant.
Nous devons aller plus loin.
Avec notre Président d’Honneur, Alain Jakubowicz, j’ai décidé d’écrire aux parlementaires de l’intergroupe Jean Pierre-Bloch afin de les réunir en urgence et travailler à des propositions concrètes pour remettre la République au milieu d’internet et faire en sorte que le projet de loi sur la régulation du numérique mette un terme au régime d’impunité qui autorise toutes les lâchetés et tous les appels à la destruction de l’autre parce qu’il est autre. Nous devons aussi faire avancer la question de la sortie des délits racistes et antisémites de la loi sur la presse pour que les délinquants de cette espèce soient traités comme des justiciables ordinaires et jugés promptement, au besoin en comparution immédiate.
Enfin, la LICRA participera activement au grand débat national lancé par le Président de la République. C’est notre responsabilité de républicains de faire en sorte que notre voix universaliste y soit entendue. Nous ne pouvons pas nous complaire dans le supposé mépris des dirigeants politiques à l’égard du monde associatif et des corps intermédiaires et refuser le dialogue. « Au choc des idées jaillit la lumière » écrivait Nicolas Boileau au 17ème siècle. C’est notre rôle de militants antiracistes de mettre toute notre énergie dans la discussion pour convaincre que la voie de la République est celle de l’universalisme, de l’égale dignité des personnes, dans les faits. J’ai donc décidé de saisir les instances de la LICRA pour que soit élaborée notre contribution au débat national, notamment sur le volet consacré à la citoyenneté.
Une fois de plus, il nous faut remettre l’ouvrage sur le métier et former, de toute notre âme, la réserve citoyenne dont le pays a besoin pour défendre les valeurs de la République et renvoyer à l’état d’extrême minorité les pourvoyeurs de haine qui ont entrepris une offensive évidente dans sa nature comme dans ses objectifs.
Mario Stasi,
Président de la LICRA
Par www.licra.org
Posté le 19/01/2019 par rwandaises.com