Le président rwandais a finalement pris la tête de l’East African Community à l’issue du 20ème sommet des chefs d’État de l’organisation à Arusha en Tanzanie vendredi. Un temps pressenti pour passer son tour, Paul Kagame succède donc à l’Ougandais Yoweri Museveni dans un climat de tension entre le Burundi, l’Ouganda et le Rwanda.
Ira ou n’ira pas, le Rwanda a finalement tranché. Paul Kagame est devenu, à l’issue du sommet des chefs d’État de l’East African Community à Arusha le 1er février, le nouveau président de l’organisation. Selon le principe de présidence tournante en vigueur à l’EAC, il était annoncé comme le successeur de Yoweri Museveni, mais plusieurs sources diplomatiques évoquaient ces dernières semaines l’hypothèse selon laquelle Paul Kagame pourrait passer son tour.
Les raisons invoquées par son entourage étaient relatives au calendrier chargé qui attend le chef de l’État rwandais. Il quittera la présidence de l’Union africaine (UA) dans quelques jours à l’occasion du 32ème sommet de l’organisation mais devraentre, autres poursuivre, ses réformes de l’UA et préparer le sommet des chefs d’État du Commonwealth de 2020 à Kigali.
Après sept heures de huis-clos et une consultation entre chefs d’État, « la décision s’est faite par consensus », glisse Olivier Nduhungirehe, secrétaire d’État au ministère des Affaires étrangères du Rwanda. Le changement d’avis sur la présidence, s’est fait « suite à une demande d’autres chefs d’État », assure-t-il.
Tensions au sein du bloc
Si elle ne figurait pas à l’ordre du jour officiel du sommet, la présentation du rapport du facilitateur du dialogue inter-burundais, Benjamin Mkapa a eu lieu malgré tout. Après un ultime boycott lors du 5ème round des négociations fin octobre, l’ex-président tanzanien a décidé de rendre son tablier. Un des objectifs du sommet était de savoir quelle suite donnée à cette médiation débutée fin 2015 et restée au point mort depuis. Les chefs d’État Yoweri Museveni, John Magufuli et Uhuru Kenyatta ont été désignés pour continuer les consultations avec le président Nkurunziza et tenter de relancer le dialogue. Le président rwandais et nouveau « chairman » de l’EAC Paul Kagame « s’est désisté pour une raison évidente », glisse une source diplomatique est-africaine.
Paul Kagame prend donc la tête de l’EAC dans un climat tendu. Les relations entre le Rwanda et le Burundi se sont considérablement détériorées depuis 2015 et le troisième mandat contesté de Pierre Nkurunziza. Le dirigeant burundais accuse régulièrement le Rwanda de servir de base arrière à des mouvements hostiles à son régime. Dans une lettre datée du 4 décembre dernier, quelques jours après le boycott du sommet de l’EAC prévu le 30 novembre, Pierre Nkurunziza avait réclamé au président ougandais Yoweri Museveni l’organisation d’un sommet dédié aux tensions avec son « ennemi » rwandais.
Joint par Jeune Afrique, le porte-parole de la présidence burundaise Jean-Claude Karerwa assure que Bujumbura va « continuer de solliciter ce sommet ». « L’arrivée à la présidence de l’EAC de Paul Kagame ne change rien pour nous, il ne lui appartient pas de décider du destin de la région. Nous espérons donc qu’il pourra se ressaisir et faire le ménage de son côté », assure-t-il. Du côté rwandais, on se dit fermement opposé à l’organisation d’un tel sommet qui ne ferait qu’office de « diversion ».
Le Rwanda soutient également que le Burundi abrite des mouvements rebelles. Le dernier rapport du groupe d’experts de l’ONU sur la RDC, qui documentait les activités d’un groupe armé qui serait lié à l’ancien général rwandais Kayumba Nyamwasa, présentait Bujumbura comme un lieu stratégique du recrutement des rebelles de ce mouvement. Les relations entre le Rwanda et l’Ouganda sont également délicates L’arrestation mi-décembre en RDC de deux cadres des Forces démocratiques de libération du Rwanda soupçonnés de revenir d’un rendez-vous avec des personnalités haut-placées à Kampala a renforcé les tensions entre les deux pays.
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