C’est le journal berlinois Tageszeitung qui l’annonce, ce mercredi, après avoir mené l’enquête: Ignace Murwanashyaka, 55 ans, chef des FDLR, est décédé aux cliniques universitaires de Mannheim. Par Marie-france Cros.




Il était en détention depuis neuf ans et avait été condamné en 2015 par le tribunal de Stuttgart pour sa responsabilité dans les atrocités commises par ce groupe armé.

Originaire de Butare (sud du Rwanda), Murwanashyaka avait fait des études de Sciences économiques en Allemagne, où il s’était installé en 1989. Marié à une Allemande, qui lui a donné des enfants, il avait obtenu le statut de réfugié en 2000.

L’année suivante, il est choisi comme chef par les FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda), un mouvement armé formé par d’anciens génocidaires – militaires d’Habyarimana et miliciens Interahamwés – ayant fui au Kivu (est du Congo) ainsi que par des hommes plus jeunes, auxquels est inculquée l’idéologie des génocidaires. Le drapeau des FDLR est pratiquement le même que celui du parti extrémiste hutu CDR, qui a joué un grand rôle dans la propagation de l’idéologie du génocide.

Recrutés par Laurent Kabila

Bien qu’armés, les FDLR avaient d’abord été traités comme des réfugiés au Zaïre qui les accueillait et régnaient sur les camps de vrais réfugiés au Kivu. Ces camps seront attaqués en 1996 par l’armée de Kigali parce que c’est d’eux que partaient les attaques meurtrières contre son territoire. Les camps démantelés, les Hutus rwandais armés se sont dispersés.

En 1998, le président Laurent Kabila en recrutera pour étoffer son armée contre le Rwanda et l’Ouganda, avec lesquels il est en conflit; il cessera de les payer en 2002 en raison des négociations de paix.

Sans ressources, les FDLR ont donc commencé à vivre sur l’habitant au Kivu – jusqu’à aujourd’hui – et, par périodes, au Maniema voisin: rapts contre rançon; exploitation minière; taxes sur les « creuseurs » (mineurs indépendants) congolais; vols dans les champs des paysans; exploitation du charbon de bois dans le parc des Virunga; braconnage; pillages; exploitation de pompes à essence et d’hôtels… Plusieurs enquêtes de défenseurs des droits de l’homme les citent comme les principaux auteurs de viols au Kivu, avec l’armée congolaise.

« Au-delà du viol »

En 2005, Ignace Murwanashyaka, chef politique des FDLR (35.000 hommes au Kivu à l’époque), est sanctionné par l’Onu pour avoir violé un embargo sur les armes à destination du Congo; cette année-là, 226.000 personnes subissent « quotidiennement » des exactions des rebelles hutus rwandais rien qu’au Sud-Kivu, selon l’Onu.

En avril 2006, Murwanashyaka est arrêté à Mannheim, en Allemagne, pour violation de la législation sur l’immigration – puis relâché, faute de témoignages directs sur sa responsabilités dans les atrocités commises par les FDLR.  En 2007, le rapport d’une experte en matière de violences sexuelles de l’Onu signale au Kivu « la pire des crises que j’aie jamais rencontrées »; « la plupart des cas, au Sud-Kivu », sont commis par les rebelles hutus rwandais, « d’une brutalité inimaginable, qui va bien au-delà du viol (…) atrocités qui rappellent celles commises par les Interahamwes pendant le génocide » de 1994 au Rwanda.

En 2008, , un collectif kivutien d’ONG de défense des droits de l’homme affirme que les FDLR administrent des localités dans le Sud-Kivu, dans la région de Bunyakiri; certains villages congolais sont rebaptisés de noms rwandais.

13 ans de prison

Les autorités allemandes arrêtent à nouveau le chef politique des FDLR – qui les dirige toujours depuis l’Allemagne en diffusant instructions aux troupes et communiqués publics en leur nom, souvent après des attaques meurtrières au Kivu –  le 17 novembre 2009; il a 46 ans. Murwanashyaka est jugé en 2011, avec son assistant Straton Musoni, par le tribunal de Stuttgart, pour divers crimes de guerre et contre l’humanité. Ils seront condamnés en septembre 2015 à, respectivement, 13 et 8 ans de prison.

Posté le 18/04/2019 par rwandaises.com