« Rosa Parks s’est assise pour que nous puissions nous lever. Paradoxalement, son emprisonnement ouvrit les portes de notre longue marche vers la liberté ». Révérend Jesse Jackson, le 25 octobre 2005. Par Chems Eddine Chitour
«
C’est ça, l’esclavage. Quelque part au fond de toi, il y a cette
personne libre dont je te parle. Trouve-la et laisse-la faire du bien
dans le monde ».
Dans cette contribution , je veux présenter le combat de deux femmes noires l’écrivaine Tony Morrison et la militante Rosa Parks chacune à sa façon , pour l’émancipation des Noirs aux Etats Unis. Cette opportunité a été mise au profit suite au décès de la romancière américaine Toni Morrison décédée le 5 août à l’âge de 88 ans, emportant avec elle des centaines d’autres belles histoires. Le Prix Nobel de littérature lui a été décernée . C’est la première Africaine-Américaine à recevoir une telle distinction. Au passage nous constatons que sur plus de 700 prix Nobel décernés toutes spécialités confondus il y a à peine une dizaine de Prix Nobel Noirs dont deux femmes Toni Morisson et après elle Wangari Maathai la kenyane
Barack Obama l’avait qualifiée de « l’une des conteuses les plus distinguées de notre nation » au moment de lui remettre la médaille présidentielle de la liberté, le 29 mai 2012 plus haute distinction civile aux Etats-Unis qu’avaient reçue avant elle Rosa Parks et Martin Luther King (à titre posthume). Il l’a qualifiée de « trésor national » après avoir appris sa disparition. Toni Morrison a écrit onze romans. Superstar aux États-Unis, chacun de ses livres et chacune de ses apparitions publiques étaient acclamés. Née en 1931, Toni Morrison a attendu d’avoir 39 ans pour publier son premier roman. Elle est contemporaine des luttes pour l’émancipation des Noirs américains
Descendante d’une famille d’esclaves et première femme afro-américaine à décrocher le prix Nobel de littérature en 1993,Toni Morrison était surtout célèbre pour avoir donné une visibilité littéraire aux Noirs. « Le Washington Post dit d’elle qu’elle a « métamorphosé la littérature américaine ». Toni Morrison a exploré toute l’histoire des Noirs américains depuis leur mise en esclavage jusqu’à leur émancipation dans la société américaine actuelle.
Sa renommée internationale a grandi avec Beloved, « son chef d’oeuvre » selon le New York Times. Un roman sorti en 1987 ancré dans le 19e siècle qui suit le parcours de Sethe, une jeune esclave, et qui lui a valu le prix Pulitzer en 1988. Juste au moment où 48 écrivains noirs, dont Maya Angelou, Alice Walker et Ernest J. Gaines, se sont plaints dans une lettre ouverte du fait que leur collègue n’ait encore jamais reçu de distinction nationale pour son oeuvre. Les hommages se sont multipliés à l’annonce de sa disparition. Femme de lettres, Toni Morrison était également une « mère, grand-mère et tante extrêmement dévouée, qui adorait être en compagnie de sa famille et de ses amis », a rappelé le communiqué familial ».
Toni Morrison Un combat par la plume
Un hommage est venu de Manthia Diwara professeur à New York University,qui l’a connu : « J’avais rencontré Toni en 1984 ou 1985, Toni Morrison était d’abord l’éditrice qui avait ouvert les portes de la prestigieuse maison de publication, Random House, aux femmes noires –Angela Davis avec son autobiographie en 1974, Gayle Jones avec Corregidora (1975), et Bambara, citée plus haut. Ainsi, Toni Morrison et d’autres géantes de la littérature américaine-noire telles que Alice Walker et Maya Angelou avaient transformé le champ de la littérature américaine noire, jusqu’en ce moment dominé par les textes des hommes noirs : Richard Wright, Ralph Ellison, Eldridge Cleaver, Ismael Reed, etc.; avant de changer toute la littérature americaine et la couleur de la littérature mondiale. Comme dirait Glissant, un nouveau monde naissait, le « nouveau Baroque » pour relier et relater le monde.
Toni Morrison et Gabriel García Márquez étaient les chantres des esthétiques de ce Tout-Monde ; Une journaliste du New York Times lui posa cette question un jour : « Comment vous définiriez-vous? Femme Noire Écrivaine? Ou Écrivain tout court? » Et Toni de répondre tout de suite et sans hésitation : « Femme Noire Écrivaine ! Cela veut dire que dans mon écriture il n’ya pas seulement l’écrivaine, mais aussi l’expérience vécue des noires en Amérique raciste et ségrégationniste, et celle de la femme. Cela manquait un peu dans ce que faisaient les hommes avant nous. » Toni Morrison est connue pour avoir donné une visibilité littéraire aux Noirs.
L’ex-président démocrate Barack Obama lui a rendu un vibrant hommage, la qualifiant dans un tweet de « trésor national ». « Son écriture représentait un superbe et profond défi à notre conscience et à notre imagination morale ».
En presque cinq décennies, Toni Morrison a écrit onze romans.
Dès son premier roman, Toni Morrison distille le sel de son style et de ses thématiques : des tragédies familiales avec pour toile de fond l’Amérique raciste. L’Oeil le plus bleu raconte le destin, dans l’Ohio de 1941, Toni Morrison aborde avec force l’identité noire, avec comme thématique majeure le racisme intériorisé. L’écrivaine se permet également de donner une perspective sur l’Amérique post-Grande Dépression d’un point de vue autre que celui des Blancs. : Le Chant de Salomon (1977) explore les thématiques des relations humaines, de l’historique familiale et de l’identité afro-américaine, à travers une galerie de portraits à laquelle fait face Milkman Dead. Beloved (1987) Certainement le roman le plus célèbre de Toni Morrison, Beloved est peut-être aussi son plus cérébral et tragique. Le roman raconte la dérive de Sethe, une ancienne esclave échappée d’une plantation, hantée par ses actes passés. Et plus particulièrement l’égorgement de sa fille Beloved encore bébé, pour lui éviter de vivre dans les chaînes de l’esclavage. L’arrivée dans le récit d’une jeune femme, nommée elle-aussi Beloved, sème la confusion dans l’esprit de Sethe. Le roman a permis à Toni Morrison de remporter le prix Pulitzer : Jazz (1992)
Loin de l’esclavage mais toujours autant ancré dans la dure réalité des Afro-américains, Jazz prend racine à New York, quartier de Harlem, dans les années 1920. Dans un nouvel exemple de passion destructrice, Home (2012) Une décennie après son Nobel de littérature, Toni Morrison sort son avant-dernier roman, nouveau parcours initiatique d’un homme noir détruit et en quête de sens ».
Toni Morrison, les fantômes de l’Amérique
Toni Morrison nous a quittés et ses mots résonnent autour de nous, parmi les fantômes, parmi ses fantômes, ceux qu’elle nous a donné à lire et à apprivoiser. « La langue, c’est la paume de la main qui doit tenir le monde », disait-elle. Toni Morrison a tenu la sienne bien serrée, y gardant la mémoire des oubliés de l’histoire américaine. Une paume levée bien haut, jusqu’au premier Nobel de littérature, décerné à une Afro-Américaine. Une paume qui recèle une langue arrachée qu’elle s’est échinée à restituer jusqu’à son dernier son. Toni Morrison a écrit ce que d’autres avaient commencé à chanter. Un passé dont les relents planent encore sur l’Amérique d’aujourd’hui, que son oeuvre continuera sans fin d’exorciser.. »
Elle définissait la liberté d’une façon particulière, celle d’être maitre de son destin: « »Arriver quelque part où l’on pouvait aimer tout ce que l’on voulait – ne pas avoir besoin d’autorisation pour désirer -, eh bien, ça c’était la liberté. » (Toni Morrison, « Beloved », 1987) L’écrivaine Françoise Vergès souligne dans la phrase suivante la chose essentielle qui la relie comme nous tous, au beau temps de l’esclavagisme citons le politologue : « Avec des romans comme L’Œil le plus bleu, son premier, ou Beloved, elle entre dans l’intimité complexe des personnes réduites en esclavage. […]. C’est du sort passé et présent de ces « Êtres » qui furent réduits à l’état de bétail au temps de l’esclavage, et dont les descendants ont conservés dans leurs gestes et leurs gènes cette intimité complexe car indéchiffrable.
L’enfermement des Noirs-Américains dans la catégorie des Afro-Américains, traduit avec un certain cynisme, ce que les Blancs ne veulent pas oublier : que ces Noirs ont été arrachés à leur pays l’Afrique (Afro), pour les servir, exploités et comptés comme du bétail. Les Noirs eux-mêmes ne le pourront pas car leurs souffrances et les humiliations endurées perdurent encore au travers de tout ce que l’on saisit des pratiques ignominieuse de la police à leur égard. « Face à l’impossibilité de résoudre la question de la différence noire au sein de la société américaine (résolue pourtant pour toutes les autres populations non blanches), les pratiques de développement séparé se sont renforcées. Ca s’est traduit par exemple par l’invention de toutes pièces d’une identité « afro-américaine » (que rien ne justifie sur le plan des moeurs), par l’idéologie communautariste ou « multi-culturaliste ».
L’Amérique meurtrie de Toni Morrison
Tout entier voué à l’écriture de la vérité sur la condition peu enviable des Noirs, Toni Morrison n’arête pas de dénoncer en creux dans ses romans , ce combat toujours actuel , celui des Américains de couleur Nicolas Michel décrit le combat littéraire de Toni Morrison contre la ségrégation : « Elle nous entraîne écrit il dans un voyage à travers la ségrégation et le racisme des années 1950. Un texte court et puissant servi par une prose poétique ramassée. Noir, blanc Maître de la suggestion, ennemie déclarée des affirmations manichéennes, la Prix Nobel de littérature (1993) décrit le racisme ordinaire de l’intérieur. Mieux : elle le donne à sentir jusqu’au frisson d’horreur. Elle qui est née en 1931 s’est beaucoup documentée sur la période qu’elle décrit, les années 1950, mais elle l’a aussi vécue. Elle se souvient avec acuité du visage grimaçant qu’arboraient les États-Unis de l’époque.
Âgée de 17 ans, étudiante, elle garde en mémoire le souvenir d’une tournée avec sa troupe de théâtre dans le Sud… et des difficultés qu’il y avait pour trouver un simple logement. Toni Morrison rappelle au passage l’existence de ce « guide du routard » conçu spécifiquement pour les Noirs (The Negro Motorist Green Book, devenu plus tard The Negro Travelers’ Green Book), édité de 1936 à 1964 par un employé de poste de Harlem joliment nommé Victor Hugo Green ».
« Dans l’imaginaire américain, les années 1950 représentent une période de prospérité que l’on évoque avec nostalgie. Convaincue que la réalité était bien plus sombre, Toni Morrison est allée creuser des plaies douloureuses : la ségrégation, le racisme, le maccarthysme ou bien encore cette guerre de Corée toujours considérée de nos jours comme une « opération de police ». racisme ou la condition noire, elle se demande à chaque ligne : « Qu’est-ce qu’être un homme ? »
À travers les écrits qu’elle a contribué à publier telles les autobiographies de Mohamed Ali et d’Angela Davis, comme à travers ses propres romans, que ce soit Beloved ou Jazz, Home ou Song of Solomon, l’écrivain offrait sa voix pour raconter des histoires jusque-là tues, ou étouffées par une chape de silence, pour donner la parole à ceux à qui elle était confisquée ».
La ségrégation aux Etats Unis Une calamité structurelle
Qu’en est il justement, du fond rocheux raciste des Américains blancs. On sait que la guerre de sécession a opposé le Sud esclavagiste au Nord. Elle se termina par la victoire du Nord et par la suppression de l’esclavage. Cependant depuis la mort d’Abraham Lincoln l’architecte de l’émancipation des noirs, le statut de ces derniers n’a pas évolué il a donné lieu à un racisme Pourtant on sait que quand on arrive au monde, on n’est pas raciste, on le devient par transmission dans l’éducation que reçoit l’individu dès son plus jeune âge. Combien d’ouvrages de spécialistes ont expliqué par exemple que les enfants blancs et noirs dans une école maternelle jouaient ensemble sans problème.
Toni Morrison n’est pas la seule à décrire l’esclavage Alex Haley a aussi décrit le calvaire des Africains déportés aux Amérique c’est l’histoire des afro-americains dans leur ensemble Le roman « Racines, Root » raconte l’histoire, sur plusieurs générations, d’une famille d’esclaves afro-américains. Leur quotidien y est dépeint sans concession : travail forcé, viols, vente et séparation des membres d’une même famille, ségrégation. Haley a affirmé avoir réussi à remonter sa lignée familiale à Kunta Kinte, un Africain capturé dans le village de Juffureh, dans l’actuelle Gambie. Alex Haley a écrit : « Au meilleur de ma connaissance et de mon effort, chaque affirmation de lignage de Racines provient de l’histoire orale soigneusement préservée de mes familles africaines ou américaines, dont une grande partie a été corroborée par des documents.»
Il a fallu attendre un évènement extraordinaire , le refus d’une femme Rosa Park de céder sa place à un blanc dans le bus en 1955 On pense à tort que la ségrégation a disparu depuis les décisions du Congrès suite au courage de Rosa Park de ne pas céder. On dit que les noirs sont surreprésentés dans les prisons américaines. Qu’ils sont en général les emplois les plus bas. Et qu’ils font souvent l’objet de « bavures » de la police. Deux exemples nous permettent de situer cela Henry Louis Gates est un éminent universitaire professeur à Harvard ( Boston) ami d’Obama, et classé par le Time en 1997 parmi les 25 Américains les plus influents. Il a été arrêté jeudi 23 juillet 2009 alors qu’il tentait d’ouvrir la porte de son domicile, dont la serrure était grippée et ceci après avoir été dénoncé par une voisine qui le décrit comme un voleur avec un ballot » Toutes les charges ont été abandonnées mardi, mais Henry Gates réclame toujours des excuses d’un policier Barack Obama prend la défense d’Henry Gates, et est obligé de s’expliquer.. ».
Un fait plus récent il date d’une semaine (aout 2019) deux policiers blancs à cheval traînent un homme noir par une corde l’image parle d’elle-même. : « Dans un contexte tendu où, encouragé par Trump, le suprématisme blanc se renforce, cette photo rappelle l’époque de l’esclavage. Prises à Galveston, au Texas, On peut y voir Donald Neely, un homme noir de 43 ans, tiré par une corde par deux policiers blancs à cheval, les mains attachées dans le dos. L’indignation a redoublé lorsque la famille de Donald Neely a déclaré qu’il avait été « traité comme un animal », précisant qu’il était sans domicile fixe et atteint de troubles bipolaires. Cette pratique, humiliante et raciste, est toujours apprise par les agents de la police montée lors de leur formation. Ces pratiques, faisant immédiatement écho à celles pratiquées pendant l’esclavage, sont revendiquées par des groupes d’extrême droite tels que le Ku Klux Klan, qui compte des membres notamment parmi les forces de répression ».
1er décembre 1955 Rosa Parks refuse de céder sa place
Parler de racisme de discrimination nous amène à parler naturellement de Martin Luther King. Pourtant Martin Kuther King s’est fait connaitre après le combat d’une héroïne ordinaire: 350 millions d’occurrence sur internet contre 200 millions pour Martin Luther King et 258 millions pour Toni Morison Nous sommes dans l’Amérique des années cinquante avec un racisme à son apogée faisant dire que dans les Etats du Sud la guerre de sécession n’a pas servi à liberer les noirs qui subissent une autre forme d’esclavage : « Mais c’est nier écrit Michel Muller la force destructrice de ce racisme : Angela Davis rappelle que dans les années 1920 un politicien connu du Sud avait proclamé qu’il n’existait aucune « fille vertueuse de plus de 14 ans dans le peuple de couleur ». Et, indique-t-elle, le sociologue noir Calvin Hernton écrivait encore, dans les années 1960, que « la femme noire » avait perdu « le sens de sa propre valeur » et avait fini par « se regarder avec les yeux des gens du Sud ». En faisant ainsi porter par la victime la cause de sa souffrance, « dans la mesure où les femmes noires sont considérées comme des femmes de mauvaise vie et des putains », leur viol était licite, constate encore Angela Davis ».
Le jour où tout a basculé fut un 1er décembre 1955, à Montgomery en Alabama. Ce jour-là, Rosa Parks, une travailleuse noire ordinaire a travaillé toute la journée. Couturière de 42 ans, elle est épuisée et s’assoit dans le bus qui la ramène jusqu’à chez elle pour se reposer. Du moins, jusqu’à ce que le chauffeur lui demande de se lever pour laisser sa place à un autre usager. Pourquoi ? Tout simplement parce que Rosa Parks est noire, et que l’autre passager est blanc. Eh oui : à l’époque, la ségrégation fait toujours rage aux Etats-Unis.
Et même si les inégalités raciales se réduisent petit à petit grâce à des décisions de la Cour suprême, les mentalités n’ont pas encore changé partout en Amérique. Seulement voilà, Rosa Parks n’entend pas les choses de cette oreille, et refuse purement et simplement de laisser sa place. Un geste qui peut paraître anodin aujourd’hui, mais lourd de sens à l’époque, et qui lui a valu des problèmes. « Ce qui s’est passé, c’est que le chauffeur m’a demandé quelque chose et que je n’ai pas eu envie de lui obéir. Il a appelé un policier et j’ai été arrêtée et emprisonnée », a-t-elle expliqué par la suite ».
Cette femme courageuse n’est pas la première à subir un tel sort, mais sa désobéissance va servir d’élément déclencheur. Boycott de la compagnie de bus par les usagers noirs, mobilisation au sein des associations…. Et nomination d’un certain Martin Luther King à la tête du Mouvement pour le progrès. Moins d’un an plus tard, la ségrégation a enfin été jugée inconstitutionnelle, le 13 novembre 1956. Un petit geste qui a changé le monde 60 ans plus tard, si le nom de Martin Luther King est toujours dans les mémoires, celui de Rosa Parks est un petit peu moins connu. Pourtant, sans le courage de cette femme engagée qui a osé dire non et à s’élever contre le racisme, la fin de la ségrégation aurait pu arriver encore plus tard ».
Qui est justement Rosa Parks ?
Une bonne bibliographie est donnée par l’encyclopédie Wikipédia : « Rosa Parks le 4 février 1913 à Tuskegee, en Alabama, est une femme afro-américaine qui devint une figure emblématique de la lutte contre la ségrégation raciale aux États-Unis, Elle commence ensuite ses études secondaires à l’Alabama State Teachers College for Negroes, Elle se souvient que son grand-père montait la garde la nuit devant la ferme contre les actions du Ku Klux Klan (KKK). Sa jeunesse lui fait vite subir les affronts du racisme. Le KKK a d’ailleurs brûlé à deux reprises l’école qu’elle fréquente, la Montgomery Industrial School for Girls . Bien que Rosa Parks ait raconté dans son autobiographie n’avoir pas eu une mauvaise impression des Blancs, elle narre des détails du racisme au quotidien (si vif dans le Sud des États-Unis) qui l’ont marquée, telles ces fontaines publiques réservées aux Blancs ou aux Noirs Les autobus sont un bon exemple de cette ségrégation au quotidien. Il n’y avait certes pas de bus ou de trains différents, mais des sections réservées aux Blancs et d’autres aux Noirs. Rosa Parks se souvient cependant que les transports scolaires étaient interdits aux enfants de couleur ».
Dans les années 1930, elle assiste à des réunions du Parti communiste des États-Unis d’Amérique (…) Rosa Parks devient célèbre lorsque, le 1er décembre 1955 dans la ville de Montgomery, elle refuse d’obéir au conducteur de bus James Blake, qui lui demande de laisser sa place à un Blanc et d’aller s’asseoir au fond du bus. Dans les bus de Montgomery, les quatre premiers rangs sont réservés aux Blancs. Les Noirs, qui représentent trois quarts des utilisateurs, doivent s’asseoir à l’arrière. Ce jour de 1955, elle n’avait semble-t-il pas prémédité son geste, mais une fois décidée, elle l’assume totalement. Elle déclare d’ailleurs dans son autobiographie (qu’elle a publiée avec James Haskins en 1992) : « Les gens racontent que j’ai refusé de céder mon siège parce que j’étais fatiguée, mais ce n’est pas vrai. Je n’étais pas fatiguée physiquement, ou pas plus que d’habitude à la fin d’une journée de travail. Je n’étais pas vieille, alors que certains donnent de moi l’image d’une vieille. J’avais 42 ans. Non, la seule fatigue que j’avais était celle de céder. »
« Elle est arrêtée, jugée et inculpée de désordre public ainsi que de violation des lois locales. La nuit suivante, cinquante dirigeants de la communauté afro-américaine, emmenés par un jeune pasteur peu connu à l’époque, Martin Luther King Jr., se réunissent à l’église baptiste de la Dexter Avenue pour discuter des actions à mener à la suite de l’arrestation de Rosa Parks. Ils y fondent le Montgomery Improvement Association, King y popularise les théories de la non-violence et de la désobéissance civile. (…) C’est le début du boycott des bus de Montgomery ; il se prolonge 381 jours Finalement, le 13 novembre 1956, la Cour suprême des États-Unis statue par l’arrêt Browder v. Gayle que la ségrégation dans les bus est anticonstitutionnelle.(…) Ce combat contre les discriminations débouche en 1964 sur le Civil Rights Act, loi qui interdit toute forme de discrimination dans les lieux publics et en 1965 sur le Voting Rights Act, qui supprime les tests et autres taxes pour devenir électeur aux États-Unis ».
Le combat de Rosa Parks ne s’arrête pas là. Elle milita ensuite pendant près de quarante ans a en commençant avec Martin Luther King . « En 1990, Nelson Mandela, tout juste libéré de prison, rendra visite à Rosa Park à Detroit, En octobre 1995, elle participe à la « Million Man March », qui rassemble plus d’un million de Noirs à Washington. Ses dernières années sont difficiles. À la fin de ses jours, elle a des difficultés pour payer son loyer et doit faire appel à l’aide de son Église, afin que son propriétaire cesse ses poursuites judiciaires. Rosa Parks réside à Détroit jusqu’à sa mort le 24 octobre 2005. Depuis 2004, elle souffrait de démence dégénérative ».
Les hommages après sa mort
« Après son décès, la classe politique dans son ensemble lui a rendu hommage. Honneur suprême et national, Le président George W. Bush a honoré sa mémoire dans une allocution télévisée et sa dépouille est restée exposée deux jours dans la rotonde du Capitole pour un hommage public. à deux pas de la statue d’Abraham Lincoln, le président américain ayant aboli l’esclavage Privilège réservé d’habitude aux hommes politiques et aux soldats, Rosa Parks est la 31e personne après l’ancien président Ronald Reagan en juin 2004 et la première femme à recevoir cet honneur. La chanteuse Aretha Franklin chante à cette occasion. Le président américain décrète la mise en berne de tous les drapeaux le jour de son enterrement. L’astéroïde 284996 porte le nom de Rosa Parks. Le 27 février 2013, le président des États-Unis Barack Obama dévoile une statue de Rosa Parks dans la galerie statuaire du Capitole à Washington . Le nom de Rosa Parks a été donné à une gare RER à Paris En France, en 2015, 17 établissements scolaires portent son nom ».
« La médaille d’or du Congrès de Rosa Parks porte la légende « Mother of the Modern Day Civil Rights Movement ». En 1979, le NAACP décore Rosa Parks de la Médaille Spingarn, sa plus haute distinction, et elle reçoit l’année suivante le Martin Luther King Sr. Award. Elle est nommée au Michigan Women’s Hall of Fame (en) en 1983 pour son action en faveur des droits civiques. En 1990, le Centre Kennedy de Washington, lors de son soixante-dix-septième anniversaire lui décerne un prix. Elle reçoit le prix de la paix Rosa-Parks en 1994 à Stockholm, en Suède, puis la Médaille présidentielle de la Liberté, la plus haute distinction décernée par l’exécutif américain en 1996, des mains du président des États-Unis Bill Clinton.
En 1999, le magazine Time la nomme l’une des vingt plus importantes figures du xxe siècle. . Elle reçoit également des récompenses de docteur honoris causa de deux douzaines d’universités de par le monde En 1992, elle publie un livre pour enfants, Rosa Parks : My Story, une chronologie de sa vie En mai 2001, The Rosa Parks Story est tourné à Montgomery en Alabama. Il est diffusé le 24 février 2002 sur le réseau de télévision CBS ».
Conclusion
Plus de Cinquante ans après les marches pour le droit de vote des Afro-Américains, la ségrégation sociale divise toujours Selma est cette ville d’Alabama où le «le combat pour les droits civiques n’est pas terminé» Pour rappel Ce jour 7 mars 1965 dix ans après l’acte courageux de Rosa Parks à Montgomery et après des semaines de mobilisation contre les restrictions au droit de vote des Noirs, 600 manifestants pacifiques entament une marche de Selma vers Montgomery, la capitale de l’Alabama, Matraque à la main, les forces de l’ordre se ruent sur eux. Le soir même, l’Amérique, bouleversée, découvre les images de cette répression brutale, baptisée Bloody Sunday («dimanche sanglant»).
Cette marche à laquelle a participé Rosa Parks et par qui tout a commencé dix ans plus tôt aux cotés de Martin Luther King fut celle de la dignité Toni Morrison n’a peut être pas milité et marché à Selma mais elle a , par la plume, contribué bien plus tard. Les conditions ne sont pas les même : Tony Morrison , n’a pas mis sa vie en danger et la réussite sociale et les honneurs ne lui ont pas manqué Rosa Parks est une pure militante morte dans la misère qui a fait connaitre la dure réalité de la condition noire. Les hommages post mortem furent de loin plus importants et symboliques pour Rosa Parks car ils sont intemporels comme la liberté et la dignité.
Pour Françoise Verges : « Toni Morrison contribué à un large mouvement – car elle n’était pas la seule bien sûr – qui a attaqué le racisme dans sa structure profonde. La société américaine a en effet eu beaucoup de mal à s’adapter aux lois sur les droits civiques et a trouvé de nombreux biais idéologiques et techniques pour surmonter cette crise. La société US est à plus de 70% blanche et on ne change pas les moeurs par la loi. L’obtention du droit de vote des noirs a provoqué par exemple une explosion de l’abstention chez les blancs et engendré in fine le mouvement néo-conservateur. Le « suprémacisme blanc » n’est nullement une nouveauté. C’est même la forme la plus classique du racisme blanc aux Etats Unis (KKK etc.), la solidarité entre les blancs étant l’un des aspects fondamentaux du pacte social. une identité « afro-américaine » ». Ce n’est pas une invention, est la déclinaison d’un processus plus général de redéfinition des identités américaines non-européennes).
A l’heure où l’idéologie suprémaciste infeste jusqu’aux plus hauts sommets de l’Etat américain, la mort de Toni Morrison est une triste nouvelle de plus Elle rappelle en creux le combat de Rosa Park qui avec toute sa popularité, est devenue une icône mondiale pour la liberté. Cela ne l’a pas empêché de mourir dans la misère A sa façon Toni Morrison contemporaine de ces luttes, a largement contribué par ses écrits a continué le combat de Rosa Park Pourtant à ma connaissance, il n’y a pas eu de rencontre ou même d’écrits de Toni Morrison concernant Rosa Parks ou sur le mouvement militant. Tout au plus nous trouvons une contribution :une comédie musicale “New Orleans”, produite en 1983 à New-York, et “DreamingEmmel’, en hommage au leader noir assassiné Martin Luther King. Il faut reconnaître, cependant, qu’elle donna par ses écrits corps et visibilité à l’histoire africaine-américaine Elle participa notamment à la publication, en 1974, du Black Book, document de référence sur la condition des Noirs aux États-Unis.
Malgré toutes les avancées dues à l’engagement multiforme des élites politiques et intellectuelles le clivage est plus que jamais prégnant dans la société américaine et l’élection d’un noir à la présidence des Etats Unis ne doit pas faire illusion. Toni Morrison aura fait sa part mais le combat pour la dignité amorcé par le geste héroïque de Rosa Park est toujours d’actualité. La phrase du révérend Jesse Jakson une autre icône du combat pour la dignité résume la dimension cataclysmique du refus de Rosa Parks de se lever, pour que les Noirs puissent se lever et rester debout !!
Posté le 14/08/ par rwandaises.com