Début ce lundi du procès de Fabien Neretse, accusé de crime de génocide contre les Batutsi au Rwanda. Source Belga
Fabien Neretsé à son procès – © JAMES ARTHUR GEKIERE – BELGA
La cour d’assises de Bruxelles procédera, lundi à 14h00, au tirage au sort des jurés pour le procès de Fabien Neretsé, dont les débats débuteront ensuite jeudi matin. Cet homme de nationalité rwandaise, âgé de 71 ans et vivant en France, est accusé de crime de génocide envers le groupe ethnique tutsi et de crimes de guerre pour avoir commis, en tant que co-auteur, treize meurtres au moins et trois tentatives de meurtre de civils.
Ces crimes ont été commis au Rwanda en 1994, durant le génocide des Tutsis et le conflit armé qui a opposé les Forces Armées Rwandaises (FAR) et le Front Patriotique Rwandais (FPR). Fabien Neretsé est en particulier accusé d’avoir tué une Belge qui vivait à Kigali, Claire Beckers, le mari de celle-ci, un Rwandais d’origine tutsie, Isaïe Bucyana, et leur fille, Katia Bucyana. Il conteste tous les faits qui lui sont imputés.
Lourdes accusations
Fabien Neretsé, un ingénieur agronome qui avait été directeur de l’OCIR-café, l’office qui réglementait la production, la vente et l’exportation de café au Rwanda, est accusé d’être co-auteur de onze meurtres et de trois tentatives de meurtre commis à Kigali le 9 avril 1994, ainsi que d’être co-auteur de deux autres meurtres au moins, commis à Mataba, son village natal, dans le nord-ouest du Rwanda, en mai et juin 1994.
Les premiers crimes dont on l’accuse ont eu lieu le 9 avril 1994, dans le quartier de Nyamirambo à Kigali, la capitale du Rwanda. C’est là que vivait l’accusé, avec sa femme et leurs cinq enfants, tout comme la famille Bucyana-Beckers, la famille Sissi et la famille Gakwaya, ayant toutes les trois des origines tutsies.
Ce jour-là, ces trois familles tentent de partir rejoindre un cantonnement de la Mission des Nations Unies pour l’assistance au Rwanda (MINUAR), après que les massacres de Tutsis et de Hutus dits « modérés » ont débuté dans Kigali deux jours plus tôt. Elles se regroupent sur la parcelle de terrain de la famille Sissi lorsqu’un camion de militaires arrive, puis un second, chargés de miliciens Interahamwe. Les membres de ces familles reçoivent alors des coups de la part des Interahamwe, puis sont emmenés à l’arrière de la maison par les militaires qui ouvrent le feu.
Dix personnes trouvent la mort, dont la Belge Claire Beckers, son mari Isaïe Bucyana et leur fille Katia. Un onzième individu est quant à lui abattu en essayant de passer un barrage militaire quelques centaines de mètres plus loin. Néanmoins, deux adolescents parviennent à ressortir indemnes de la fusillade. Une jeune fille de 14 ans est également vivante, bien que blessée, et la grand-mère de la famille Sissi est quant à elle épargnée par les militaires.
Selon l’accusation, c’est Fabien Neretsé et son employé de maison, un prénommé Emmanuel, qui ont averti les militaires et les Interahamwe du départ imminent des familles Beckers-Bucyana, Sissi et Gakwaya.
A la tête d’une milice
Les témoignages concernant le déroulement des faits varient, certains impliquant directement l’accusé, d’autres faisant état de leurs impressions.
Un témoin a affirmé que l’employé de maison de l’accusé était présent avec les Interahamwe au moment du crime. Un autre a déclaré avoir vu l’accusé observer les préparatifs de départ des victimes et désigner aux militaires la maison des Sissi. Un autre témoin encore a déclaré que Fabien Neretsé était craint dans le quartier et qu’il dirigeait des Interahamwe. Et une énième personne a affirmé que, selon elle, seuls deux individus ont pu donner l’alerte aux militaires, soit Fabien Neretsé, voisin direct des Sissi, soit le major Evariste Nyampame, dont la parcelle donne sur la façade arrière de la maison des Sissi.
L’accusé nie formellement avoir dénoncé ses voisins, affirmant que la famille Sissi et la sienne étaient très proches. Il conteste également avoir eu à son service un employé de maison se prénommant Emmanuel.
Il a également précisé que sa famille elle-même avait été la cible d’attaques à Kigali, fin mars 1994.
Les seconds crimes dont on accuse Fabien Neretsé ont eu lieu en mai et juin 1994 dans les préfectures de Ruhengeri et Gitarama, au nord-ouest du Rwanda.
Mi-avril 1994, Fabien Neretsé quitte Kigali avec sa famille pour aller vivre dans la maison qu’il possède à Mataba, son village natal, dans la préfecture de Ruhengeri. Selon plusieurs témoins, il y crée et y entretient une milice Interahamwe, qui va perpétrer ensuite de nombreux massacres de Tutsis et de Hutus modérés dans la région.
Le nombre de ces massacres est indéterminé et, pour la plupart des victimes, l’identité est inconnue. Deux de celles-ci sont néanmoins identifiées: Anastase Nzamwita et Joseph Mpendwazi.
Anastase Nzamwita est un ancien employé de l’OCIR-café dont l’accusé a été directeur. Dans le courant du mois de mai 1994, cet homme est capturé par des Interahamwe qui faisaient partie de la milice créée par Fabien Neretsé à Mataba, selon plusieurs témoins. Il est frappé à mort et son corps est jeté dans une rivière.
Fabien Neretsé conteste toute implication dans ce crime. Il a notamment déclaré que certains des témoins qui l’accusent lui sont inconnus.
Jospeh Mpendwazi, lui, est un Hutu modéré. Le 19 juin 1994, il est capturé à Nyakabanda, dans la préfecture de Gitarama, non loin de Mataba, par des Interahamwe accompagnés de Fabien Neretsé, selon des témoins. Ceux-ci le déposent ensuite à un barrage tenu par des militaires des FAR et plus personne ne le reverra, d’après les récits.
Concernant ces faits, Fabien Neretsé a déclaré qu’il avait été réquisitionné par les militaires pour les véhiculer avec sa voiture tout terrain, eux et la victime, mais qu’il n’était en rien à l’origine de l’enlèvement de Jospeh Mpendwazi.