« Je tiens à exprimer mes plus profonds regrets pour ces blessures du passé. », ainsi commence la lettre du Roi Phillipe de Belgique adressée au président de la RDC, Félix Tshisekedi, pour la 60e anniversaire de l’indépendance. La Libre
« Je tiens à exprimer mes plus profonds regrets pour ces blessures du passé.” Dans une lettre adressée au président congolais, Félix Tshisekedi, à l’occasion du 60e anniversaire de l’indépendance du Congo, ce mardi 30 juin, le roi Philippe a dénoncé et regretté les atrocités commises sur les populations locales par la puissance belge durant la période coloniale et avant cela, à l’époque de l’État indépendant du Congo (c’est-à-dire l’entreprise coloniale personnelle de Léopold II).
La lettre tranche avec le discours, devenu peu audible, du roi Baudouin. Le 30 juin 1960, il déclarait : “L’indépendance du Congo constitue l’aboutissement de l’œuvre conçue par le roi Léopold II, entreprise par lui avec un courage tenace et continuée avec persévérance par la Belgique. […] Lorsque Léopold II a entrepris (cette) grande œuvre […], il ne s’est pas présenté à vous en conquérant mais en civilisateur.” Pour Philippe, à présent, “notre histoire [a] connu des épisodes douloureux. À l’époque de l’État indépendant du Congo des actes de violence et de cruauté ont été commis, qui pèsent encore sur notre mémoire collective. La période coloniale qui a suivi a également causé des souffrances et des humiliations.”
Laisser travailler la commission Vérité
Des regrets, donc. Pas – encore ? – des excuses qu’une pression politique et populaire réclame avec de plus en plus de vigueur. Elles viendront peut-être à l’issue des travaux de la commission Vérité et réconciliation qui va être installée au Parlement pour dresser le bilan des années de domination belge au Congo (1885-1960). Si le Roi avait présenté, ce mardi, des excuses au nom de l’État belge, cela aurait pu être perçu comme une anticipation des conclusions du travail historique qui va être entrepris – et que le Roi “encourage”.
Cela dit, “cette commission, elle permet surtout de passer l’écueil des 60 ans”, décrypte-t-on dans un cabinet ministériel. Elle doit donner du temps au Roi, à son entourage, au gouvernement fédéral, pour peser et soupeser les termes d’éventuelles excuses, de la reconnaissance des torts commis, voire de la condamnation de la colonisation en tant que telle.
Il faut dire que tout s’est précipité en quelques semaines. Un large mouvement antiraciste est né aux États-Unis après la mort, le 25 mai, d’un Afro-Américain, George Floyd, à la suite de violences policières. En Belgique, ce combat contre le racisme et les discriminations a trouvé peu ou prou une déclinaison dans un mouvement de décolonisation de l’espace public (notamment par la demande de déboulonnage de statues), cristallisé autour de la personnalité de Léopold II.
C’est la raison pour laquelle le message du Roi est double. Il porte sur l’entreprise coloniale. Mais aussi sur ses conséquences à long terme. Il évoque ainsi “la douleur […] aujourd’hui ravivée par les discriminations encore trop présentes dans nos sociétés” et il dit vouloir “continuer à combattre toutes les formes de racisme”.
Sophie Wilmès va prendre la parole
Cette lettre, comme le veut la coutume, a été relue par la Première ministre. À bonnes sources, on nous confie que Sophie Wilmès (MR) va également prendre publiquement la parole ce mardi, à l’occasion d’un événement dont les contours n’étaient pas connus lundi soir. Le ton de son message devrait être semblable à celui du chef de l’État.
L’intégralité du courrier
« En ce soixantième anniversaire de l’indépendance de la République démocratique du Congo, je tiens à vous adresser ainsi qu’au peuple congolais mes vœux les plus chaleureux.
« Cet anniversaire est l’occasion de renouveler nos sentiments d’amitié profonde et de nous réjouir de la coopération intense qui existe entre nos deux pays dans tant de domaines, et notamment dans le domaine médical qui nous mobilise en cette période de pandémie. La crise sanitaire nous frappe au milieu d’autres préoccupations. Le partenariat privilégié entre la Belgique et le Congo est un atout pour y faire face. En ce jour de fête nationale, je souhaite réaffirmer notre engagement à vos côtés.
« Pour renforcer davantage nos liens et développer une amitié encore plus féconde, il faut pouvoir se parler de notre longue histoire commune en toute vérité et en toute sérénité.
« Notre histoire est faite de réalisations communes mais a aussi connu des épisodes douloureux. À l’époque de l’État indépendant du Congo des actes de violence et de cruauté ont été commis, qui pèsent encore sur notre mémoire collective. La période coloniale qui a suivi a également causé des souffrances et des humiliations. Je tiens à exprimer mes plus profonds regrets pour ces blessures du passé dont la douleur est aujourd’hui ravivée par les discriminations encore trop présentes dans nos sociétés. Je continuerai à combattre toutes les formes de racisme. J’encourage la réflexion qui est entamée par notre parlement afin que notre mémoire soit définitivement pacifiée.
« Les défis mondiaux demandent que nous regardions vers l’avenir dans un esprit de coopération et de respect mutuel. Le combat pour la dignité humaine et pour le développement durable requiert d’unir nos forces. C’est cette ambition que je formule pour nos deux pays et pour nos deux continents, africain et européen.
« Les circonstances actuelles ne permettent malheureusement pas de me rendre dans votre beau pays, que j’aimerais tant mieux connaître. J’espère que j’en aurai bientôt l’opportunité. »