Vingt ans après le génocide contre les Batutsi, de nombreux Rwandais portant des noms liés aux ethnies, des noms faisant référence à la mort ou à des ennemis ou à d’autres concepts négatifs décident de changer pour un nom plus positif. Par Laure Broulard/RFI
Mlle Marie Mbikeshabyosekumukiza
Au Rwanda, les noms évoluent au gré des différentes situations que vivent les parents et parfois de la politique du pays. Le nom peut aussi être un message adressé à la communauté. 26 ans après le génocide des tutsis, de nombreux Rwandais portant des noms liés aux ethnies, des noms faisant référence à la mort ou à des ennemis ou à d’autres concepts négatifs décident de changer pour un nom plus positif.
Leodomir, 27 ans, reçoit dans un petit bureau de l’administration locale de son village, dans la région du Bugesera :
« Ce document, c’est une lettre publiée au journal officiel dans laquelle je demande à changer mon nom. »
Nsekerabanzi, qui veut dire « Je ris avec les ennemis », voilà le nom qui lui a été donné par une voisine Muhutu qui l’a recueilli alors qu’il n’était qu’un bébé, pendant le génocide. Sa mère, tutsie, était poursuivie par les milices interahamwe. Lui a survécu au milieu de ceux qui étaient alors considérés comme ses ennemis.
« Je ne voulais pas que mon nom me rappelle sans cesse cette histoire. Car nous sommes dans une nouvelle époque. Et je veux être un homme nouveau. Et puis, ces anciens ennemis, ils sont encore vivants. On travaille ensemble et on vit ensemble. Donc mon nom n’a plus de sens, puisque nous sommes passés à autre chose. »
Bientôt, Leodomir Nsekerabanzi deviendra Leodomir Mugisha, qui veut dire « Bénédiction ».
Jean-Claude Uwiringiyimana, linguiste : « Tous les noms du Kinyarwanda sont motivés. Motivés par le contexte dans lequel ils sont donnés, motivés par le discours social, par des croyances, des évènements… Motivés par des situations personnelles familiales. Dans le temps, avant le génocide, des personnes pouvaient porter des noms faisant référence à ce qu’on a qualifié faussement d’ethnie. Mais ça devient maintenant des noms à éviter parce que, l’évitement est très important en kinyarwanda. Il y a des choses qu’on ne doit pas prononcer parce qu’elles sont bannies. »
Dans les bureaux du ministère de la gouvernance locale, on n’assure que l’heure est aux noms positifs : « – Je m’appelle Chantal Rugabira Mukayiranga. Je suis dans le service de changement de nom.
· Quels sont les motifs invoqués le plus souvent pour le changement de nom ?
· Souvent, ce sont des noms qui sont un peu choquants. Certaines personnes m’ont déjà témoigné qu’elles ont abandonné les
études, car elles étaient toujours chahutées par leurs collègues de classe. Ce sont des noms vraiment négatifs. Et puis, avec la
vision du peuple rwandais aujourd’hui, on n’a pas envie de voir les choses dans le sens négatif. On veut voir les choses dans la
beauté, dans l’avancement, dans l’unité, on n’a pas besoin des trucs qui nous font reculer dans le mal. »
Selon Chantal, les Rwandais préféreraient les Amahoro (paix), Ineza (la bonté) ou encore Mutabazi (le sauveur).