La crémation, légale au Rwanda depuis plus de dix ans, reste un sujet de controverse et de méfiance pour de nombreux Rwandais malgré son potentiel de préservation des terres, traditionnellement utilisées pour les cimetières. Ce sujet brûlant a été au centre des discussions lors de la présentation d’un rapport par la Commission du bien-être de la Population et des Affaires Sociales à la Chambre des Députés le 25 avril 2024.
La crémation, bien qu’introduite dans le but de sauvegarder le précieux espace foncier, peine à trouver sa place dans les pratiques funéraires du pays.
« Nos cimetières comme celui de Rusororo sont presque saturés, et si nous ne trouvons pas rapidement une alternative, la situation pourrait devenir critique, » explique un fonctionnaire de la Commission.
Le rapport met en lumière la réticence de la population à adopter la crémation, soulignant le besoin crucial de campagnes de sensibilisation.
La députée Nirere Marie Thérèse a évoqué le manque de compréhension et d’acceptation du processus : elle a dit qu’il est essentiel de mieux informer les citoyens, peut-être en explorant d’autres méthodes qui pourraient également aider à économiser les terres.
La suggestion de l’utilisation d’incinérateurs modernes a été avancée comme une solution plus acceptable.
« L’utilisation d’incinérateurs pourrait être perçue comme une approche plus douce et technologique, semblable à placer un défunt dans une chambre froide, » ajoute le député Rwaka Pierre Claver, qui a exprimé la sensibilité des pratiques funéraires dans la culture locale.
Cependant, cette proposition n’a pas fait l’unanimité. Le député Ruku rwa Byoma a critiqué l’idée que les défunts deviennent un fardeau économique et spatial pour les vivants : « Nous ne devrions pas transformer la mort en une affaire coûteuse et complexe avec des technologies comme les incinérateurs. Cela devrait être simple et accessible à tous. »
Il faut mettre différentes cultures là où se trouvent des cimetières
Le débat sur la gestion des cimetières au Rwanda prend une nouvelle tournure avec des propositions parlementaires visant à optimiser l’utilisation des terres traditionnellement dédiées aux sépultures. Lors d’une visite au cimetière de Rusororo, le député Ruku rwa Byoma a constaté que certains espaces étaient réservés, limitant ainsi les nouvelles inhumations. « Nous devrions plutôt y cultiver du maïs pour nourrir la population. Nous devons adopter de nouvelles pratiques et apprendre des autres cultures, » a-t-il déclaré.
Cette proposition fait écho à un besoin croissant de repenser les pratiques funéraires au Rwanda, notamment à travers la crémation, qui reste largement méconnue et peu utilisée malgré sa légalisation en 2015. « Utiliser des incinérateurs pourrait simplifier les choses et alléger le fardeau des terres. Nous devons démystifier la mort et parler ouvertement de nos préférences pour l’après-vie, » a souligné le député.
Face à la réticence culturelle, le député Nyabyenda Damien pointe du doigt l’absence d’infrastructures adéquates. « Il faut mettre en place au moins un incinérateur pour voir comment la population réagit. Les coûts élevés des funérailles traditionnelles pourraient encourager les gens à opter pour la crémation, » a-t-il ajouté.
La présidente de la Commission du Bien-être de la population, la députée Odette Uwamariya, rappelle que le changement des mentalités est indispensable. « Nous devons aligner notre culture avec les réalités actuelles et promouvoir la crémation. Cela ne devrait pas être perçu comme un manque de respect envers les défunts, » explique-t-elle.
Le débat s’étend également à des innovations telles que les sépultures en hauteur, une idée proposée par un entrepreneur de Gakenke. Ce concept pourrait révolutionner l’utilisation des terres en urbanisme funéraire, proposant une alternative aux cimetières traditionnels saturés.
Les législateurs rwandais appellent à une réforme rapide de la législation sur les cimetières, soulignant l’urgence de répondre aux défis posés par l’augmentation des besoins en terres agricoles et en espaces de sépulture. Le cadre légal actuel, qui permet de réutiliser les terres des cimetières après dix ou vingt ans, selon le type de tombe, pourrait être adapté pour encourager des méthodes plus durables et respectueuses de l’environnement.
Cette réforme, si elle est adoptée, pourrait transformer radicalement les pratiques funéraires au Rwanda, en conciliant respect des défunts et gestion rationnelle des ressources terrestres.
Les députés ont souligné que la perception évolutive devrait conduire à des changements dans la manière dont les cimetières sont gérés et à l’adoption de nouvelles pratiques pour la revitalisation des terres.
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